L'objet est bricolé, fait-main. Coupure d'un journal ou d'un quelconque bulletin (chinois ou taïwanais, si j'en crois la fonction photo de google-trad sur mon téléphone) collée sur la pochette en papier blanc du CDr ; avec par dessus encore la photocopie d'un cliché friche-et-fesses-dans-le-vent, barré au feutre... Un autocollant mignon, enfantin, qui scelle la chose (c'est une sorte de saucisse à pattes avec un manteau rouge et un chapeau vert, chez moi, ça varie apparemment pour chaque exemplaire). Pour le son, c'est un peu la même : des samples disparates, provenances mêlées, de l'électronique qui ne cherche pas son genre – séquences vaguement trance, nappes étirées ambiant ou doom-jazz, électro-indus... Tout marche bien ensemble et c'est bien l'essentiel.

C'est un disque « à la cool », en somme, ce jacquesthollot4ever – oui hein, quel titre, déjà. Tout ce qui lui passe, j'ai l'impression, des choses qui vues de dehors font coq-à-l'âne mais qui sans doute, pour elle, font cohérence – dans ses goûts, ses attachements, ses possibles idées de blagues, ses idées d'autre chose. Il y a pas mal d'une espèce de trompette, sur la plage-titre, j'ignore si c'est elle qui en joue, ou quelqu'un d'autre exprès pour le truc ou pas. Une trompe, même, je dirais – corne de brume qui module joliment. Des boîtes à rythme qui sentent le goth-cold-eighties autant que d'autres « soundscapes » d'à peu près n'importe quand, dans les non-courants divers de l'expé domestique d'un continent, d'un pays, d'un patelin à l'autre. De la voix, sur cette piste et après – sans doute celle de Claire elle-même – réverbérée, parfois pitchée un peu, j'ai l'impression, qui dit des trucs. Des extraits de dans sa tête ou de dans sa discothèque, donc - Kraftwerk ou Gal Costa, pour ne citer que ces deux-là. Encore un peu de guitare noise-rock/no-wave, à ce moment-là – il me semble qu'Headwar, où elle jouait avant, venait de s'arrêter, ou allait sur sa fin... Ça reste, en tout cas, encore, ça ressort dans son jeu (sur l'instrument mais plus largement, dans sa manière de manipuler les tronçons de sons).

Un disque au fil, field-recording mental Accueil Froid/Amiens/Picardie/2015, façonné à coup d'enregistrement au zoom (si ce n'est au dictaphone, au magnéto/cassettes à l'ancienne), de résurgences attrapées où elles se pointent et jetées directement dans ce moment là du mix. Ou alors c'est pensé en amont, si ça se trouve, je ne saurais dire, après tout ! En tout cas, ça sonne spontané, à chaud – sans pour cette fois que ça fasse excuse, synonyme de « pour rien ». Ça garde, les années écoulées, sa consistance, son grain, le côté immédiat, plaisir instantané un peu bizarre mais curieusement frais, lo-fi encrassé mais pas glauque, pas cradingue-pour-le-cradingue. Karaoké où les machines prennent le micro quand ça leur chante – le tendent à Claire pour que tout le monde, là-dedans, s'amuse sans se demander ce qu'en penseraient le solfège ou le manuel de tel ou tel étage de l'assemblage.

Il manque une plage, tiens, sur la version bandcamp. Je l'ai, moi, donc, sur mon CDr – acheté en Suisse plus ou moins à l'époque, dans un lieu où elle avait joué pas trop longtemps avant. Ça double quasiment la durée de la chose, en passant, ce troisième index (sans titre). On y parle d'un concours de chat sur l'épaule. Et d'autres bouts de bordels piochés sûrement dans des fins de soirées picolées. Aussi, on y répète (encore elle ?) ABDOS DE BIÈRE. « Ça ne veut rien dire, c'est pas pro, pas carré, c'est quoi le concept ? ». Je ne sais pas, on s'en fout, on n'est pas obligé d'avoir toujours quelque chose à en tirer qui serait de l'histoire de l'art... Je me tais, tiens. Quand la glose devient trop longue, jeter le chroniqueur à la mer ? (Ou à la bière, encore, tiens... La voilà, ta continuité !)