Finalement, c’est aussi cela la révolution new wave, imaginer un post punk sec à l’américaine joué façon Talking Head mais régulièrement perfusé par des transfuges de Queen… En 1978, pourtant, c’est Blondie qui cartonne et elle est diablement plus sex que ce grand dégingandé aux yeux tristes du nom de Ric Ocasek. Celui-ci a déjà affuté ses armes au sein de divers groupes de la scène de Boston au cours des 70's, il a d’ailleurs croisé à plusieurs reprises un certain Benjamin Orr et ce qui devait arriver arriva, les deux hommes en viennent à créer un truc ensemble, Milkwood, qui enregistre mais ne rencontre guère de succès. Le combo splitte en diverses entités mais Ocasek et Orr ne se quittent plus (ils joueront même brièvement sous le nom de Ric and Ben). Finalement, en 1976, las de ce remue-ménage permanent, ils recrutent Greg Hawkes, surdoué multi-instrumentiste et ex-Milkwood, ainsi que le batteur David Robinson. The Cars est né et un second guitariste grossit les rangs pour la peine. Les mecs flairent que l’air du temps n’est plus aux grosses guitares, une vague synthétique est en train de prendre de l’ampleur et ils décident de fusionner les genres. Travail intensif et démos leur valent d’être repérés par Elektra qui décident d’investir. Premier album enregistré à Londres où la new wave est justement en plein boom sous la houlette du producteur de Queen (tiens, tiens) et sortie en 1978, année où un disque, ‘Parallel lines’, cartonne, lui aussi enregistré par un combo issu de la scène rock punk qui n’a pas peur des synthés (Blondie). Le public est mûr. Les premières mesures de l’excellent ‘Good times roll’ résument presque à elles-seules l’esprit du skeud: un minimalisme métallique et synthétique à la fois, enrichi de choeurs fugaces et grandiloquents à la Queen. De fait, la patte des Américains s’affirme déjà en une possibilité de conjuguer new wave et rock FM mais aussi en une faculté de mêler tristesse et humour en diverses couches de lecture, plus profondes qu’escomptées y compris dans les textes. Parfois , les Voitures s’amusent à ajouter un riff de gratte bien du terroir américain, ainsi sur ‘My best friend’s girl’ (nul doute que R.E.M. s’en sont forcément inspirés, notamment pour ‘Shiny happy people’, autre morceau aigre-doux ) ou plombent l’aspect synthétique, ainsi l’excellent ‘Moving in stereo’ qui n’est pas sans évoquer Gary Numan. Et comme la fête ne serait pas complète sans un zeste d’expérimentation, le groupe conclut par le bien nommé ‘All mixed up’ une sorte de folk tribal mais joué version new wave électronique avec une injection de vocaux à la Queen ou Sparks et des cuivres étranges (ce diable de Greg Hawkes). Comme cela sera la coutume, Orr s’empare parfois du micro, ainsi sur le bon ‘Just what I needed’ fleurant bon Ultravox première époque mais Made in USA ou 'Moving in stereo'. Il est d’ailleurs émouvant de réaliser qu’aujourd’hui les deux seuls membres à nous avoir quitté/es sont justement les deux fondateurs des Cars, Ocasek et Orr. Disque subtil sous une apparence de drôle de bidule, couverture (cheloue) comprise, ce premier essai est de ceux qui s’impose de manière irrépressible au fur et à mesure des écoutes. L’équilibre impeccable entre sonorités synthétiques et électriques, retenue froide et fausses envolées, influences américaines et européennes, le tout servi par ce chant touchant que j’affectionne beaucoup en font un classique aujourd’hui reconnu comme tel et salué malgré tout à sa sortie par six disques de platine, comme quoi certains labels avaient du nez…