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Matana Roberts › Coin Coin Chapter Four : Memphis

lp/cd • 13 titres • 46:46 min

  • 1Jewels of the Sky : Inscription1:48
  • 2As Far as Eyes Can See4:03
  • 3Trail of the Smiling Sphynx9:43
  • 4Piddling2:29
  • 5Shoes of Gold3:07
  • 6Wild Fire Bare5:41
  • 7Fit to Be Tied2:41
  • 8Her Mighty Waters Run4:57
  • 9All Things Beautiful2:30
  • 10In the Fold3:16
  • 11Raise Yourself Up2:44
  • 12Backbone Once More0:51
  • 13How Bright They Shine2:50

informations

Enregistré et mixé à l'Hotel2Tango et au Breakglass Studio par Radwan Ghazi Moumneh et Jace Lasek, assistés de Dave Smith.

line up

Nicolas Caloia (contrebasse, voix), Matana Roberts (saxophone alto, clarinette, voix), Ryan Sawyer (batterie, vibraphone, guimbarde, cloches, voix), Sam Shalabi (guitare électrique), Hannah Marcus (guitare électrique, guitare nylon, violon, accordéon, voix)

Musiciens additionnels : Thierry Amar (voix), Jessica Moss (voix), Nadia Moss (voix), Steve Swell (trombone, voix), Ryan White (vibraphone)

chronique

« La vie trouve toujours son chemin ». Dit-on. Certes. Son contraire aussi – tout ce qui cherche à la détruire, à la contraindre, à la défaire. La lutte trouve toujours son terrain – mais non, au fait, même pas besoin. Pour certaines, pour certains, elle est là dès la naissance.

Matana Roberts continue de nous conter Coin-Coin – Marie-Thérèse Métoyer, l'ancêtre, et ce surnom dont elle-même a hérité... La famille, les lignées, les voyages à travers les lignes, dans et hors les pièges. « Je suis Enfant du Vent, même Papa disait ça... ». Et ce volume nous plante en pleine tempête électrique – des guitares, deux, branchées. Du rock ? Il va falloir élargir l'acception, alors, grands, grands angles. Il va falloir oublier aussi ces histoires de « core » en tant que genre (jazz-core etc.). La musique, là, est toujours plus souples que ça – plus poreuse, moins systématique. Ouverte. Mais l'allure aiguë, pénétrante. Il y a du violon, aussi, façon fiddle, façon cajun, façon blues rural – façon free. (C'est assez fou, fascinant, le rôle du violon dans ces musiques là – les liens que ça tisse entre country des fin-fonds et avant-gardes abruptes, communautés, espaces-temps). Et ce « mugshot » sur la pochette – photo prise au comico, numéro d'identification. Cette femme est-elle aussi l'une des descendantes ? Une relation, à un point ou l'autre de l'histoire ? Une délinquante ? … Qui dit, qui décide de ça – celles et ceux qui sont délinquant.e.s, criminel.les, ceux et celles qui ont quels droit ? Qui balance qui en prison – qui peut se le permettre, dispose du pouvoir ? Qui peut insulter, qui peut rétorquer, à qui est assignée la seule option de filer droit, sinon direct au trou, ou au bûcher ? « Je suis Enfant du Vent, même Papa disait ça, on faisait la course et je gagnais toujours... ».

Memphis raconte les souvenirs – qui sont de drôles de trucs, d'un jour sur l'autre de la semaine. La peur qui reste, d'une autre guerre. L'Église qui ne doit pas être un lieu d'affrontement, de discrimination – mais on y vient quand-même arrêter, rafler les corps, les êtres. Papa disait aussi « Cours, Bébé, cours », parce qu'il fallait toujours être prêt. Et ce volume de la saga est encore une réussite – fantastique amalgame, construction organique, lieu de bruits et d'harmonie. Narration et pures envolées sonores – abstraites/concrètes. Des déchirements le travaillent, des solidarités s'y disent, des nécessités et des fantaisies. Memphis est plein de lignes de fuite – et de plans d'affrontement. On y crie, on y râle – pas tout à fait comme sur le Chapitre 1 (Gens de Couleur Libres), où c'était la voix de Marie-Thérèse, ses accès d'une espèce de possession... Ou alors c'est la même, qui revient, remonte, poursuit – s'exprime maintenant en chant galvanisé, onomatopée, une espèce de scat rude, rudimentaire (DE-HOOO).

Ce volume, ce disque, est encore plein de fanfares et d'embardées. Ce disque est plein d'exultation. Ce disque est tendu par le drame, la tragédie – parce que ce qu'il raconte n'est pas fait pour bien finir. « … même Papa disait ça... On faisait la course et je gagnais toujours... Il disait Cours, Bébé, Cours, Cours comme le Vent, c'est ça, le Vent... Les souvenirs sont la chose la plus inhabituelle... ». Her Mighty Waters est le genre de stance, de gospel séculaire qui vous arrête – vous cueille au plexus, vous attrape. Tout à la fois désir chevillé dans la chair et dans la tête, le cœur et la maison, la hutte ou la simple couche, empaqueté dans le sac qu'on trimbale partout – désir de vivre, de ne pas en finir, d'aller encore ; et contemplation de l'abîme, de la puissance d'horreur de ce qui ne veut qu'avaler, mâcher, broyer, enserrer. À partir de là, l'histoire change encore. S'ancre dans le présent du récit – les souvenirs sont la chose la plus étrange mais rien ne part, rien ne s'efface. La voix devient... Si calme. Les réminiscences de l'enfance exhument des cachettes – des endroits où se cacher avant de partir loin, simplement pour échapper. Au meurtre. Au chasses. This little light of mine/I'm gonna let it shine... La mémoire charrie les morts, brasse le sang, les traces des pas dans les sentes escamotées. Papa disait Cour Bébé Cours Comme le Vent C'est ça le Vent.

La vie trouve son chemin mais ce qui veut s'en saisir y parvient, souvent, l'abrège. Matana, et Coin-Coin et Memphis, disent qu'elles n'y sont pas restées. Pas qu'elles en sont sorties – car on n'en sort qu'en capitulant, qu'on baisse la garde où qu'on soit parvenu, tristement, à son tour, dans un rôle prédateur. On se dresse contre ça, on se glisse aux défauts – ou bien on meurt, tué ou épuisé. Si l'on y reste pas, on brille, on brûle. How Bright They Shine... Elle est Enfant du Vent. C'est ça, du Vent. Qui ne souffle, là, sur nulle place désertée.

Chef-d'oeuvre
      
Publiée le samedi 9 novembre 2024

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Dioneo Envoyez un message privé àDioneo
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Peu pratiqué, pour le moment, le Chapitre 5 mais aux quelques écoutes y'avait matière à ce que j'aime encore beaucoup, oui. En fait il n'y a guère que le 2, vraiment, qui me touche un peu moins directement. (Le 3/River Run Thee m'étant lui tombé dessus un peu comme un cataclysme avec sa forme très particulière - mais très vite je m'y suis senti curieusement bien, donc, comme dit ailleurs, avant).

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Tallis Envoyez un message privé àTallis

Gros fan du chapitre 5 aussi, qui retrouve un peu les chemins du tout premier mais avec (comme les autres) une personnalité bien à lui. Je note pour "I am you" !

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Dioneo Envoyez un message privé àDioneo
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Et sinon oui, pour elles deux - Matana et Myriam Gendron - je me disais qu'il fallait que j'en parle, depuis un moment... Un peu plus "à chaud" pour Myriam (vu que Mayday est sorti il y 6 mois et que le Matana remonte déjà à 2019 mais...). Il y a encore le Chapitre 5 (qui date de 2023), dont je n'ai pas causé ! Et puis elle a sorti (seulement en dématérialisé, en fait) une piste unique de 50 minutes cette année (I Am You), que je n'ai pas encore écoutée. Elle parle pas mal sur les réseaux sociaux, aussi, ces jours, en réaction à l'actualité électorale... Autant dire qu'elle en a à dire.

Message édité le 09-11-2024 à 19:53 par dioneo

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Dioneo Envoyez un message privé àDioneo
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Bah... Il s'appelle Memphis ! Donc fortement possible que ça fasse partie du propos, oui, d'aller chercher "le rock" - vue l'importance de cette ville dans l'histoire de cette musique là en particulier (le rock comme dans rock'n roll...). Vu à qui on a à faire, je doute en tout cas que ce soit tout à fait par hasard !

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Tallis Envoyez un message privé àTallis

Oui, il part encore ailleurs celui-là. Toutes guitares (et accordéon !) dehors, presque... rock ?

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