Savage › Hyperactive

Imprégnez-vous de cette pochette. On ne fait plus de pochettes comme celle-ci - et c'est bien dommage, si vous voulez mon avis. Elle renferme un second Savage pas du tout proto-Sodom mais qui, dans la catégorie heavy-metal années 80 qui a mieux vieilli que le minitel, se défend avec les honneurs. Moins homogène que le premier, mais nettement plus mélodique, peut-être désireux de percer les ondes, d'aguicher le marché américain, ou juste de se faire plaisir (et je pense que côté guitares cela se ressent bien), Hyperactive tente gentiment des trucs, sans prise de tête, mais tente un peu quand même. Moins sale, mais plus varié, là où Loose 'n Lethal était d'un tenant, d'un bloc d'énergie. Ici on sent l'envie de faire les beaux, sans vendre son cul. On reste dans une forme d'expression brute, on trace la route encore, mais on arrondit les angles morts. La batterie est tenue par un mec ayant moins de bras que celui de Def Leppard après son accident, mais question mélodies, vraiment, Savage a up-gradé son jeu. Influence de Judas Priest, mais aussi, c'est la différence avec le premier, de Thin Lizzy (pas mal) et de Van Halen (beaucoup, surtout "Keep it on Ice" et l'excitante "Cardiac"), cette dernière ajoutant une petite saveur "futuriste" pas dégueu sur les effets de manche. Il y a même une lichette de synthétiseur, mais c'est incorporé avec élégance comme le rhum dans ma pâte à crêpes, et ça donne "Stevie's Vengeance", ballade sans en être vraiment une, morceau quasi-prog et maraudeur qui frôle le sublime avec trois fois rien. Ici moins motörheadien que sur Loose 'n Lethal, donc, Savage privilégie donc les harmonies. Même si la vitesse n'est pas laissée au stop, j'en veux pour preuve la super-roborative "Gonna Tear Your Heart Out" (y a même un "hou !" :D) À la lisière du hard F.M. mais toujours très underground, loubardesque, pas lisse comme chez les ricains qui veulent infiltrer les dortoirs de filles. C'est plutôt comme si le masque de hockey de Jason Vorhees était décoré de fleurs, si je puis vous gratifier d'une de ces métaphores à la con dont j'ai le secret. Bien sûr, les limites de ce style de hard'n'heavy à l'ancienne sont connues. Mais c'est aussi ce qui fait sa force : pas de complications, on est pas dans la montre suisse deluxe pour frimer, mais dans la Casio digitale qui la nuit éclaire d'un vert un peu étrange un garçon qui ne s'est pas vu vieillir et qui ronronne sur les artefacts d'une époque cocaïnée. Le kiff direct, simple, touchant comme de se dire "le temps a passé OK, mais l'électricité s'en fout". Ici l'esprit est l'efficacité du hardos metal premier, celui des bas-fonds qui exprime la vie de jeunes paumés rythmée à coups de chaîne de vélo et de matins "test d'ampli" à la Marty McFly - la superbe "Hard on Your Heels" est assez emblématique de ce feeling. Hommage à la puissance riffesquement émouvante du metal début 80's, encore rudimentaire mais pas trop basique, qui fait du bien surtout si vous saturez des disques de metal extrême trop complexes par exemple, ou si d'un autre côté du spectre vous avez juste envie de dire merde à un réel parfois un peu désespérant et aussi laqué qu'une coque appeule, dans lequel des trottinettes électriques en passant trop près vous empêchent de penser.