Savage › Loose 'n Lethal

Savatage ou Savage ? SAVAGE, sans l'ombre d'une hésitation ! Un groupe qui prend le taureau par les cornes, à l'heure où Venom a encore du mal à joindre les deux boucs. Savage qui ne font en cet été 1983 que du speed metal, pas du thrash... alors pourquoi parler de Savage ? D'abord parce que la texture des guitares, sur ce premier album, sonne par moments presque aussi abrasive que chez Big Black ! Et ça, c'est pas banal ! Un son cru et corrodé, moto raide, quasi crust, rare dans cette vague de metal où pullulent les branleurs de manches proprement manucurés. Ce qui n'empêche en rien l'expression mélodique. Ici seul le chant sent un peu la laque, une laque périmée de chez B&M. C'est comme si les mecs de Savage avaient des fûtes en cuir qui brille et des dégaines de blaireaux moyen du heavy-metal alors en vogue, oui, MAIS qu'ils jouaient avec du cambouis et du sang séché sous les ongles, les cheveux ébouriffés par les vents post-atomiques (hair nucléaire metal ?), dans un contexte où il faut se défendre avec des métaux de récupération et tracer la route en se préparant à des attaques inopinées de pirates punks armés de chaînes. Un cadre crade, façon Mad Max. La pochette en cause assez bien, en fait : fiez-vous à elle si vous doutez de mes propos. Et préparez-vous à kiffer du brut en barre dans le style, métallique mais surtout organique. Et même si le chant est somme toute commun pour l'époque (avec une saveur un peu Saxon), le son ne cache pas des compos merdiques, hein : les titres ont tous des gueules d'hymnes, et accrochent sans préavis. Dommage qu'il n'y ait pas eu plus d'albums avec ce style de prod bien rouille et roots dans la NWOBHM, fournie en groupes aseptisés mais avare en vrais loubards pollueurs. Savage est des sauvageons de cette espèce, des hard rockeurs fonçant à toute berzingue sans se regarder jouer ni regarder derrière eux, à la Motörhead en somme (l'appellation "speed metal" a donc ici deux sens), malgré quelques touches Iron Maiden ("Cry Wolf" - ah ah !) Que ce soit le rock'n'roll féroce d'une "Let it Loose", le riffing imparablement croquant de "Dirty Money", les vibes glauquasses de la ballade de rigueur ("Ain't no fit place"), sans mentionner ces solos qui tarti-barbouillent à volonté comme au buffet (aaah "The China Run"), rien à jeter dans cette belle petite saloperie ferrugineuse qui galvanise tous les carburateurs du secteur. Tout simplement un des meilleurs albums de cette époque hostile aux imberbes. Alors prépare tes mitaines cloutées. Le chopper de l'Apocalypse vient te choper.