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Thin Lizzy › Bad Reputation
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line up
Phil Lynott (chant, basse, synthétiseur, harpe celtique), Scott Gorham (guitare), Brian Downey (batterie, percussions)
Musiciens additionnels : Brian Robertson (guitare, voice box, claviers), Jon Bojic (chœurs), Ken Morris (chœurs), Mary Hopkin-Visconti (chœurs), John Helliwell (saxophone, clarinette)
chronique
Thin Lizzy produit par Tony Visconti. Le blase qui sent la coke et les paillettes direct. La nuit, et les trucs qui brillent la nuit. Visconti aux manettes, ça donne un certain lustre à Thin Lizzy, un cachet fizzy, glam, donc sleazy. Une patine "chromée" même à leurs titres-tigres, aux riffs rustres. Bad Rep est donc une transition assez parfaite après l'acéré Jo The Fox, malgré un Robertson quasi absent, et donc moins d'harmonies électriques fleuries dorées. En fait même il s'y infiltre une ambiance que je ressens plus urbaine, plus sombre même si pas noir comme la Guinness, plus rock passant dans un pub un peu sinistre, où les miroirs renvoient des visages jeunes déjà bien marqués par la vie. Zinc Lizzy. Cœurs en charpie, guerriers de la nuit. L'énième pièce épique "Soldier of Fortune" pose l'ambiance tragique illico dans l'intro, cette chanson je l'aurais bien vue à la fin du premier Rambo. Une bonne histoire, c'est bien, mais ça n'est rien sans le style. Les riffioritures du flamboyant Gorham s'ensuivent, as usual, mais Thin Lizzy exprime une autre nuance de son spectre dans ce disque, sensiblement plus sombre, avec comme un parfum de tabac froid. Un romantisme toujours très présent, mais aux échos de banlieue damnée, de fatalité ("That woman's gonna break your heart"). J'ai une tendresse indéfectible pour cet album, ses slows, ses bolides, tous solides. Même si j'ai pendant des années été gêné par le sax-slow "Dancing in the Moonlight", le trouvant craignos... avant d'piger qu'c'est aussi ça le Lizzy by Visconti : de la boule à facettes, du Lizzy de nightclub, peut-être une façon de serrer de la cougar pour Phi-Phi le jaguar, qui sait ? Et que ce morceau exprime un spleen pas possible sous son côté cheesy de chez cheesy, avec sa partie aux doigts claqués comme en suspension dans le temps. Autre lieu autre ambiance pour la crémeuse et pataude "Downtown Sundown", comme un écho façon 'Smooth Lizzy' venu du lointain Nightlife, mais même constat ! Tout le reste m'a séduit immédiatement. Alors comme ça Thin Lizzy est un groupe ringard, qui sent le rock à papa confit dans sa nostalgie complaisante, qui dit "aaah d'mon temps on les draguait comme ça les gonzesses" ? Tu te moques de Philou le loulou, de son gros bout d'touffe qui lui cache un œil ? Philou te plante avec son couteau papillon scintillant. La tonalité surnaturelle des guitares sur la magnétique "Opium Trail" t'envoie écouter du hard rock raffiné sur Pluton, ou dans un cargo hanté. Thin Lizzy hard rock international, l'Irlande est un monde ouvert sur le monde. Expression d'une dramaturgie glacée, sur laquelle telle une coulée de lave fruitée, le beau gosse abîmé Lynott étend son charisme brut de stache, tout en tendant une ligne de basse redoutable... Pinacle de l'album ; en toute subjectivité. Et pas loin sa petite sœur "Killer Without a Cause", ou le rutilant et métallique morceau éponyme, avec ces guitares qui coupent la réalité, Philou qui fait sa grosse voix burnée mais tellement gouailleuse qu'on ne peut pas l'accuser de lourdeur, et un Brian Downey qui est juste... punitif. Il en fout partout, mais y a rien en trop. Et que dire de ce final ? "Dear Lord" est une des merveilles méconnues de Thin Lizzy, son intro exprimant un fantasme noir de rock mystique, se réverbérant dans l'infini néant... puis Lynott, s'adressant directement à Dieu. Pas de réponse d'en haut, parce que c'est pas du christian rock, cet un appel à l'aide désespéré. Et si les dernières notes ont quelques chose de paradisiaque, le mec se sait déjà condamné. Mais il appelle. "Dear Lord, this is a prayer, just let me know if you're really there". Désarmant.
chronique
Encore un album à la genèse compliquée, stressée, sulfureuse… Titre tout indiqué pour un disque prévu pour être gravé en trio, sans Brian Robertson, qui vient de se casser le bras en tapant sur le mec d’un autre groupe dans un bar londonien. Remplacé par Gary Moore dans la tournée, il devait au départ être totalement absent de ce 8ème album, enregistré au Canada, près de cette terre à conquérir aux plus vite que sont les States, avec Tony Visconti, new-yorkais d’origine qui devait les aider à trouver le sésame vers le carton. Vu la baisse d’inspi qui commence – déjà – à se faire doucement sentir, c’est Lynott en personne qui rappelle Robertson à travers l’atlantique, pour qu’il les aide à finir le disque. Scott Gorham avait même refusé de graver ses solos sur deux titres pour laisser la place à son partenaire, qu’il jugeait meilleur dans l’exercice. Mauvaise réputation, mais indispensable, donc. Robertson s’exécutera, sans adresser la parole au groupe ( !), avant de finalement accepter de rejoindre leurs beuveries plus que quotidiennes, et de poser pour la pochette arrière… De mauvaise grâce, et en refusant catégoriquement d’apparaître au recto. Il n’est plus dans le groupe, la bouderie est réelle. Mais pour la musique, tout le monde fait corps. Bad Reputation ne souffre pas une seule seconde de cette histoire tourmentée. Groupe de studio autant que de scène, Thin Lizzy bichonne ce 33-tours comme il l’avait fait pour quasi-tous les précédents : en espérant que ça sera « le bon ». Et il y avait de quoi : Visconti déroule comme à son habitude un tapis de velours pour les guitares en couches de la formation, c'est du grand art. Comme pour Vagabonds, le début de l’album a comme un arrière goût de demi-teinte, et ici même d’inachevé, avec chansons et solos moins inspirés, manquant d'une touche Brian May qui viendrait enluminer tout ça (et Lynott n'avait-il pas, cette année-là, cherché à l'embaucher dans Thin Lizzy ?)… Puis vient l'extraordinaire charge fière d’Opium Trail, plus speed que jamais, chevauchée meurtrière décidée pour l’amour courtois d’une dame par un preux guerrier, ici remplaçant les écussons et cottes de mailles par badges sur cuir et bottes de moto. Un tube nuitamment stéroïdé et aussi en place que Golgo 13. Difficile, très difficile, de trouver l’envie ou l’intérêt d’écouter cette chose vulgaire et abusant tant du comique de répétition (et de caricature) qu’est le Hard 80's après un morceau pareil. Ces types sont des orfèvres, des artisans dentelliers armés de crans d’arrêt et de cartes de jeu aux coins de lames de rasoirs, en lieu et place de machines Singer…
Soldier Of Fortune, derrière son texte Alan Mooresque cruellement lucide sur la machine à tuer impossible à arrêter une fois lancée, caresse infiniment l'ouïe de ses draperies de guitares élégantes comme des rambardes art nouveau. Le morçal-titre fuse à toute vitesse, comme un éclair au fond du regard d’un adversaire farouche lors d’une passe d’armes de Bushido. Ça fonce, mais sans crisser, ça glisse sans accroc et sans filet comme le caoutchouc sur le tarmac. Southbound, curieusement, évoque le héros du titre d’ouverture, héros pas fatigué dans un monde déjà déchu et vidé de son sens … C’est là que les idéaux s’épuisent et que les bad boys naissent, semble déplorer Lynott… Cette fois, il s’agit d’une bande d’orpailleurs éreintés, ayant épuisé le filon lors du Gold Rush californien, prêts à se disperser « vers le sud », vers cet eldorado mexicain et sud-américain où les rêves fanés vont pourrir au soleil… De là à dire que Bad Reputation est le plus Lavilliers des disques de Thin Lizzy…
Quand arrive cette merveille qu’est Dancing In The Moonlight, on voit le 6/6 étinceler sur les gourmettes, bracelets et breloques du trio… Je ne dirai que ceci : cette ballade sur la perdition, la flânerie et la fuite en avant adolescente est tout simplement l’une des chansons les plus sincères et désarmantes que j’ai jamais entendues, tous styles confondus. On oublie les allusions, toujours possibles (tout est ouvert pour le prédateur) à la drogue, à la drague ou à l’interdit, ce que raconte cette chanson c’est l’espace de liberté infini déployé par ces heures d’après minuit, suspendues entre l’eau et la lune, ces heures où les chats sont d’humeur cordiale ou criminelle, où la rémanence de ce fameux « dernier bus pour la maison » a laissé la place à la lueur orangette du réverbère, où le parfum des mensonges à venir ne rend que plus heureux l’insouciance de l’instant présent, forcément lové dans l’extase de la solitude du rôdeur cinéphile et hédoniste, détaché du monde comme un moine zen. “Oh but it’s a habit worth formin’, if the means justify the ends…” C’est la chanson d’un groupe qui n’a rien à prouver, qui regarde les gesticulations du monde depuis le trottoir d’en face en caressant le sésame vers le grand extérieur dans sa poche de blouson, qu’il soit un jeton de casino, un walkman ou des clefs de bagnole ou moto, peu importe au fond. Comment ce groupe n’est pas plus populaire que la bière en pack après une chanson pareille, je vous laisserai, chers lecteurs, le soin d’en démêler l’insondable et peu glorieux mystère. Alors, évidemment, si de 6/6 il n’y a point, c’est parce que cette face B est une tranquille redescente, commençant par le pourtant haut Killer Without A Cause, plus Trust que Trust eux-mêmes. Mais l’ensemble reste plus que digne, à l’image de cet épilogue entre confession de faiblesse et refus de compromission. Ombrageux, costaud, molletonné mais imparable comme un lancer d’opinel , lueur d’albâtre dans la nuit de nubuck... C’est encore une perle de plus à enfiler sur le collier de joyaux qu’est l’œuvre Thin Lizzienne depuis Vagabonds… Malgré des ventes un peu plus massives, Bad Reputation, pas plus que ne l’était Jailbreak qui avait frôlé le jackpot, et pas plus que ne le sera Live & Dangerous l’année suivante (qui suffira presque), ne sera ce sésame total vers la gloire incontestée, leur Machine Head ou A Night At The Opera à eux. Thin Lizzy continue d’aiguiser sans fin ses dents dans l’ombre. Le succès mainstream, que gardent désormais jalousement certains vieux loups de la scène au sein de supergroupes (Rainbow, Bad Company…), leur échappe encore quelque peu. Que dire si ce n’est que Bad Reputation l’aurait amplement mérité, vu la concentration de tubes ici prodiguée ?
Dans le même esprit, dariev stands vous recommande...
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- In the flat field › Envoyez un message privé àIn the flat field
Je me permets de recommander la reprise d'Opium Trail par John Norum et Glenn Hughes sur l'album Face the truth.
- torquemada › Envoyez un message privé àtorquemada
Génial cette série Thin Lizzy, faut que je bouche pas mal de trous du coup !
- Note donnée au disque :