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Thin Lizzy › Johnny The Fox
informations
line up
Phil Lynott (chant, basse, guitare acoustique), Brian Robertson (guitare), Scott Gorham (guitare), Brian Downey (batterie, percussions)
Musiciens additionnels : Phil Collins (percussions), Fiachra Trench (arrangements), Kim Beacon (chœurs)
chronique
Encore plus beau que sa pochette aux ornements de livre précieux, Johnny The Fox est l'album de ceux qui n'ont vraiment plus rien à prouver, et qui se transcendent dans la grâce de leur musique : un rock à la fois simple, direct ; et sophistiqué, truffé de fioritures harmoniques, d'effets féériques, de dorures - cette couverture lui va si bien ! Moins impeccablement peaufiné que Jailbreak, plus instinctif et axé sur le feeling, Johnny The Fox est plus qu'un simple collier de perles rares, c'est le genre d'albums qui vous rappellent à quel point la musique importe dans une vie. Les fondamentaux d'une belle mélodie, d'un chant émouvant. Le jeu de damné de Downey, les arabesques électriques tenues du duel fantastique Gorham-Robbo, arrivé au point de rupture, insufflant plus que jamais une passion rare, un groove coupant, un lyrisme ardent et liquide. S'expriment sur ce disque racé et sans superflu la candeur pure de Lynott, sa suavité hors-normes, sa soul rien qu'à lui... et pourquoi pas son funk de marlou enchanteur ("Johnny the Fox meets Jimmy the Weed"). Entouré de ces tresses de guitares précieuses qui, à mes oreilles du moins, semblent n'avoir jamais été aussi miraculeuses. J'en admire les fins motifs et les scintillements, émerveillé, je voudrais les toucher, oh, j'en suis si loin mais tout près, comme Indiana Jones approchant un artefact outre-brillant après soixante pièges mortels... La lumière est fière : les rutilantes "Johnny" et Rocky" sont des bombes lizziennes, où flamboyance et puissance sont de mise. La lumière est triste : le beau blues bassueux "Borderline", la suave désolation de "Fools Gold" et "Old Flame", la douceur gorgée de regrets façon Sur La Route de Madison avant l'heure sur "Sweet Marie", expriment déjà la fatigue d'une âme damnée, mais surtout sa vérité.
Pour rappel on ne prononce pas "Lynott" comme dans "tête de linotte", mais "LIE-not" : jamais de mensonge, ce mec exprimait la vérité, même quand il mentait. C'est ce que rappelle la géniale "Don't believe a word", une chanson pour dire aux nanas à qui elles ont affaire. Johnny The Fox, alter-ego du Philou, le maraudeur séducteur corsaire des cœurs qui s'en veut parfois d'être ce lâche voyou, mais signe ici un de ses plus vibrants morceaux. La funeste et magistrale "Massacre" déployant quant à elle un de ces riffs-cavalcades sur lesquels des angliches de moindre talent bâtiront toute une carrière, sans parler de cette percussion hallucinée de Downey, et de ce chant fantôme exprimant le sombre passé de son île verte, et des saloperies que se font les humains depuis la nuit des temps. Pour Lynott l'histoire et ces horreurs inspirent plus que la fantasy chez d'autres. Âme injectée dans les fils conducteurs et joaillerie, rien que du style princier à admirer, avec un soupçon de folie de Lynott côté line-up (les Phil se touchent si j'en crois l'invité batteur improbable en caméo). Johnny, encore dans l'ombre du prédécesseur, est peut-être encore plus majestueux, au travers des guitares en fines lames. La très grande classe, tout simplement. Même le final "Boogie Woogie Dance", d'apparence plus triviale, est un tour de force. L'album se finit sans grand morceau solennel, mais c'est ainsi qu'il a été scellé, et c'est très bien comme ça. Un corbeau vous le dit, sans ironie : un renard est juché au sommet du mont Lizzy. Et il nous offre sur un plateau d'argent nappé de satin ce pur délice de hard rock effilé, mélodieux, étincelant. Thin Lizzy, à ce stade, c'est de la magie pure.
chronique
Jimi Hendrix n’est pas mort. Il s’appelle Johnny The Fox dans sa nouvelle vie, guérillero tenace et longiligne tel Albator ou Spike Spiegel, groovant à en faire crever de jalousie toute la galaxie sur la piste B1 de cet album imparable. Tout est en place ici, à fond dans le proto-funk classieux, et en même temps débordant d’une sensualité toute en retenue, à l’image du Hendrix tardif et mal connu, celui de « Stepping Stone » et de « Valleys Of Neptune ». Ce 6ème Lizzy est un disque léger, aérien, tout en énergie volatile et au besoin explosive. Les guitares sont lourdes, déjà, mais leur propulsion est immédiate, leur attitude, variée. Chaque chanson convoque des lumières qui surgissent dans la nuit, comme les phares d’une Triumph. Les solos doublés apparaissent à nouveau, soulevant les chansons vers des horizons encore plus luxueux, diaprés, armés jusqu’aux dents aussi…
La pochette le trahit : on sent que Lynott, ravi d’avoir l’attention du public, est revenu aux enluminures façon Book Of Kells de « Vagabonds… », qu’il préfère légèrement aux bravades de cour de récré de « The Boys Are Back In Town ». Pour autant, pas d’assagissement : Rocky, suite logique de « The Rocker » (1973) exsude l’envie, non, le besoin d’en découdre. Combativité, agilité, et âme.
Dès le 1er titre, "Johnny", on sent le groupe crispé, inquiet : le sommet est atteint, on pourrait tout perdre - il va falloir défendre le titre. "Don't Believe A Word", beaucoup plus noir qu'il n'y paraît, est un peu le stade ultime du crime et de la perdition : quand le truc le plus sincère que le bad boy arrive à dire à la greluche qui lui colle aux basques c'est "ton coeur est comme cette promesse, fait pour être brisé". Hey Booba, te bile-pas, le père Lynott a souffert dans cette cellule avant qu'ils refassent la peinture, en 82.
Les 4 hardos sont donc aux aguets, et pourtant, en cette saison 76, ils se portent à merveille à Londres, se voient tout gagner, et en plein raz de marée punk, sont potes avec la scène pub rock, Rockpile, Eddy & the hot rods, et bientôt avec des papes du punk comme Johnny Thunders ou 2 membres des Pistols (avec qui Lynott montera les Greedy Bastards). Les quelques tensions dans les rangs au moment d'enristrer ce disque, comme une empoignade de Brian Robertson au Speakesy, ne font que tanner le cuir du gang, à en croire cette musique de feu. La chanson-titre, collab entre le chanteur et Scott Gorham (comme le meilleur de Jailbreak), parle de Jimmy Donnelly aka Jimmy The Weed, figure du crime britannique, meneur du Quality Street Gang... Il y a une parenté inconsciente, dans ce mélange entre ragots urbains et légendes anciennes, entre Thin Lizzy et I Am, le groupe de rap.
Quand il ne raconte pas ses histoires de loubard, le Big Bad Filou supplie à genoux, comme sur Borderline… Avant de mettre en garde contre lui-même sur Don’t Believe A Word, où l’homme incarne tout à la fois le paternaliste narrateur de l’histoire et le grand méchant loup qui en constitue tout le piment. Quand arrivera Massacre, en plein milieu du festival de plans de guitare (on ne parle pas de riffs, un riff c’est trop court pour l’art de la figure élaborée du Lizzy de ces années) qu’est cet album, on est imprégné de la mystique de Phil Lynott. Il pourrait raconter ce qu’il veut, on boirait ses paroles comme lui vide ses jarres de whisky, c’est-à-dire comme du petit lait évidemment. Et donc, Massacre corse l’affaire, nous plonge au cœur d’une histoire de champ de bataille, de tribus ou d’armées en déroute, de faste dans la défaite, ces clichés si palpables de quand on jouait à la guerre étant gamins. À écouter Thin Lizzy, on voit bien que les obsessions belliqueuses ou morbides du métal sont avant tout des madeleines d’enfance, des totems pour garçons (à usage des filles aussi, celles qui n’aiment leurs barbies que déplumées et empalées sur une broche).
La face B est presque supérieure encore au début, avec cette Old Flame qui pousse des soupirs sur les braises pour voir encore crépiter dans la fumée les étincelles d’une vieille passion… Et ce morceau titre, reparlons-en : funky comme du Steve Miller Band voire carrément du Funkadelic, américain en tout cas, qui n’aurait pas dépareillé sur Nightlife. Il est clair qu’une version badass du Roman de Renart revisitée par Lynott, on prend… Même si l’excellent, cruel et énigmatique poème de la pochette est en fait tiré de Fools Gold, pic dramatique du disque. Ne surtout pas oublier Sweet Marie, la ballade atypique du lot, formidable respiration brumeuse et nocturne dans le disque, comme perdue dans ses draps de soie, attendant son guerrier. Tout, de la prod à la mélodie, transpire la classe à l’état pur, celle des Led Zep ou des Hendrix, qu’on se le dise. C’est tout un film qui défile là-dedans, se terminant sur la ruée grincheuse de Boogie Woogie Dance, à cheval entre sarabande africaine et breaks militaristes d’artificier. Un morceau au texte encore une fois truculent, histoire de matelot ayant roulé sa bosse dans les tranchées de la vie, et surtout dans ces pubs irlandais à la lumière dorée, car c’est là que vous les trouverez, où plutôt : c’est là qu’ils vous trouveront…
Dans le même esprit, dariev stands vous recommande...
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- kranakov › Envoyez un message privé àkranakov
Finalement pas mal, les deux remixes, dont Gorham s'est fendu pour "Jailbreak" et celui-ci, qui ont la lourde tâche de montrer que THIN LIZZY n'a jamais eu le son qui lui convenait en studio...
Bon, je suis pas d'accord sur la prémisse, et c'est parce que ce groupe ne sonne pas comme les autres groupes de hard rock que je l'aime tant, mais n'empêche pas son "JOHNNY THE FOX" renouvelle l'écoute de l'album sans m'exaspérer.
Je ne le troquerais pas, mais quand je me l'enchaîne cinq/six fois d'affilée, je peux, sans sourciller voire en prenant du plaisir, glisser une écoute de ce remix plus agressif.
- Note donnée au disque :
- Raven › Envoyez un message privé àRaven
"Renart sacripand ! sacripouille ! coquet coquin ! Renart, chenapan ! chacripouille ! sacré vaurien !
Renaaaaaaaaaart !"
- Note donnée au disque :
- Aladdin_Sane › Envoyez un message privé àAladdin_Sane
Celui-là, il me plaît beaucoup au final (merci d'avoir rappelé cet album à ma mémoire)
- Aladdin_Sane › Envoyez un message privé àAladdin_Sane
Don't believe a word, sacré morceau dans un album qui recèle d'autres pépites
- Coltranophile › Envoyez un message privé àColtranophile
Même si ce n'est que par moments, je commence un peu à décrocher de Lizzy à partir de celui-ci. Je vais me réécouter Bad Reputation et Jailbreak, tout de même. Des sommets (Johnny The Fox Meets Jimmy The Weed, Don't Believe A Word, Johnny, Massacre) côtoient des trucs qui commencent à fleurer bon une certaine paresse qui va inspirer un son des 80s, bien qu'il reste une véritable qualité d'écriture et d'exécution (Old Flame, Fools Gold, Borderline). Rocky est le titre le plus schizophrénique dans le genre, un peu pataud mais vivace. Mais "Sweet Marie" est pas mal non, mièvre mais assez prenant et qui, entre "Massacre et l'excellent dernier titre, passe crème.
- Note donnée au disque :