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Thin Lizzy › Night Life
informations
La réédition double digipack deluxe contient 11 bonus (BBC Sesssions chaudement recommandées, démos...)
line up
Phil Lynott (chant, basse, guitare), Brian Robertson (guitare), Scott Gorham (guitare, chœurs), Brian Downey (batterie, percussions)
Musiciens additionnels : Gary Moore (guitare "Still in Love with You"), Frankie Miller (chant), Jean Alain Roussel (orgue Hammond, piano), Jimmy Horowitz (arrangements)
chronique
Night Life a la réputation d'être ce Thin Lizzy "old fashioned" trop doux et pantouflard, ce Thin Lazy bon pour la poussière. Trop mignonnet gentillet, trop nonchalant, malgré quelques feulements. On ne pardonne pas la mollesse à un groupe de hard rock, a fortiori si on croit que Thin Lizzy est juste un groupe de hard rock, et tient d'abord à des affaires de mecs roulant des mécaniques et de guitare-héroïsme ; y aura pas mal de ça chez eux ensuite, j'dis pas, mais si on attend que ça d'eux on court droit à la déception de toute façon. Manquerait plus que des dicos du rock et des dinos daddys serinent que sont censés commencer ici moult fastes duels électriques, puisque Lynott a tout juste recruté Gorham et Robertson ! Mais l'album à panthère a-t-il jamais eu prétention à sortir les griffes, et non à songer devant la grande ville agitée ? Et si le feeling du grand Eric Bell sur Vagabonds reste incomparable, ne sommes nous pas encore dans cette phase "brut de Lizzy", cette période pré-calibrage et pré-stades où ils expérimentaient, à l'instinct ? Et puis, la nuit, si tous les chats sont gris, toutes les panthères sont-elles grises, archi-grises, surtout si l'archi-duchesse a fini son dîner aux chandelles avec le chasseur chassant sacher chans son chien, par ailleurs noir, et donc voué à japper chez Led Zeppelin ? Prenez le temps d'y réfléchir. Ce disque vous y aidera. Thin Lizzy rime avec Thizzy, d'accord, mais aussi avec Poezzy ! La testostérone dans leur musique, indispensable, est contrebalancée par une immense délicatesse. Et avant de dompter des feux d'artifices, ils avaient déjà ce sens de la mélancolie sans pareil.
Alors s'il faut prendre ces chaussons incriminés comme des coussinets de prédateur, prenant son temps et tentant des choses avant l'attaque discographique qui suivra... Nightlife est cet album extrêmement soyeux, moiré, velouté, gorgé de miel vintage et de fins duvets... si on excepte la rutilance proto-Clutch de "It's Only Money", et surtout de "Sha La La", motorik hard funky-cradasse, d'inspiration purement hendrixienne (et lourdement dragueuse), im-pa-rable avec ses sha la lalalalalalalalala OOH 'AIGHT de Lynott, qui fait du gangsta hard rock avant l'existence du gangsta rap. La méga-teuf des seventies "rockouille", mais pas d'inquiétude, on est pas chez des gros beaufs de pacotille. Sur Nightlife on peut d'abord palper des drapures hollywoodiennes bien d'époque, comme ce titre (quasi) éponyme à la Bee Gees et au chant encore bien de traviole, ou le final avec plein de gentils violons dégoulinants, qui auront assurément du mal à passer chez qui sera d'humeur motarde. Mais que dire de la supra smoooth soul funk et splendide "Showdown", avec cette ligne de basse en scoubidous, cette nimbe en chœurs féminins et ce jeu de textures proprement hallucinant sur le son des guitares, confinant à l'onirisme pur ? Ennui ? Écoutez ce qui se passe, savourez l'écho... Thin Lizzy donne sa langueur au chat. Le minet Lynott se permet aussi des petites coquetteries, presque du soap opera avec "Frankie Carroll", de la pop baroque qui tombe comme un joli cheveu d'ange dans la bonne soupe maison. Et si Nightlife peut sonner décevant après l'ensorceleur Vagabonds, il a ce velours, cette ambiance que seul a Nightlife dans la discographie de Thin Lizzy, dès la délicate sarabande folk-rock-blues "She Knows". Suffit d'avoir un diabète modéré. Car pour qui saura l'accueillir, la tendresse du bel et bon Lynott s'y exprime comme rarement.
Il aimait jouer les durs à cuire et faire tomber les filles, le Phil, mais ne se cachait pas d'aimer fort sa maman qui était si fière de lui, sa fan numéro un, l'adorable Philomena. Il lui offre ici un titre chou comme tout, enfantin et cajoleur derrière son riff de moussaillon qui part à l'aventure... Philou tisse aussi avec son beau nouveau line-up tout frais tout beau tout clinquant - et le poteau Gary Moore, dans les parages selon l'humeur il semblerait - la version originale de "Still in Love With You", sans son refrain légendaire (il sera ajouté en live sur les versions plus intenses) mais déjà superbe, qui nous plonge dans le crépuscule de la pochette... à moins que ce ne soit l'aube. La naissance tranquille d'un grand groupe, façon ouverture de la rose. Un disque mineur pour Thin Lizzy ? Sans doute, si on le compare à l'album d'avant et aux trois quatre cinq d'après (encore que ça se joue beaucoup aux horaires et humeurs)... mais un des plus variés de leur répertoire, et un authentique "grower", comme on dit dans le jargon. Approche donc et caresse la panthère, zonard, elle a de jolies choses à te souffler. Viens gratter menton, collecter ronron. Peut-être qu'entre deux papouilles elle montrera un peu les canines, mais c'est une âme sœur. Elle rôde la nuit dans tes rêves les plus douillets, pour te causer d'amour.
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chronique
Pfiouh, cas complexe. Commençons par rendre à la tête de Lynott ce qui lui appartient : lui qui n'a pas toujours fait les bons choix jusque là, et un peu trop laissé l'influence folk diluer la singularité de son groupe, va à partir de là laisser le côté instrumental et groovy prendre le pas sur le classicisme. Plus que tout, son coup de génie absolu, au printemps 74, est d'avoir accompli cette chose que Brian May donnera en guise de conseil à tous les groupes de rock aspirants à la gloire : "ne pas splitter". Qu'on en juge : le jour de l'an, le trio perd sur un coup de tête un pilier du groupe, le guitariste Eric Bell (burn-out carabiné), puis Lynott recrute le temps de graver quelques titres (surtout un en particulier...) un certain Gary Moore, qu'il perd aussi, et recrute à nouveau non pas un mais deux gratteux, pour honorer une tournée allemande qui marque le délitement total du groupe, les deux guitaristes, mal à l'aise dans le groupe, filant à leur tour à l'anglaise. Usé, le batteur historique Brian Downey claque la porte, le contrat avec Decca touche à sa fin, le groupe n'est plus, ses membres sont seuls à la dèche dans cette Angleterre qu'il n'aiment pas trop et qui le leur rend au centuple. ça ne marche pas, on arrête...
Eh bien non, Lynott va repêcher son batteur (qui est aussi son pote d'enfance) pour lui proposer d'auditionner 2 nouveaux guitaristes (ça fera jamais que 6 gugusses en 6 mois), et recrute, sortis de nulle-part... Brian Robertson et l'américain Scott Gorham, futur duo de guitares le plus culte du rock (après les frères Allman et Keith Richards/Mick Taylor, si on chipote). S'il fallait une preuve que dans la vie, ne rien lâcher sert toujours à quelque chose, la voilà, flambante devant nous.
Accessoirement, par on ne sait quel bagoût (et par "Still In Love With You"), Lynott parvient à faire signer le nouveau line-up par Phonogram, alors qu'à ce stade, pour les cravateux rosbifs, Thin Lizzy n'est rien d'autre qu'un nom sur un 45-t one hit wonder, avec une reprise qui plus est... Oh, ils sont un groupe de 1ère partie accomodant aussi, pas chers, durs au turbin, quelques amphèt et les vlà repartis.
La vie la nuit, hein ? Confession on ne peut plus honnête de Lynott : « oh, but it’s my life… »
C’est un album soul, clairement. Tout juste auréolé de son travail sur le 1er Bad Company (LE best-seller de 1973), le producteur Ron Nevison aurait fortement insisté auprès d’un Phil Lynott un peu déboussolé (quand même) pour mettre en sourdine les riffs saturés et aérer au maximum les compos, laisser parler le tendre et le souple, et tenir la bride au très patient et arrangeant Brian Downey au jeu parfois foisonnant. Le désormais quatuor aurait eu cet instant, au sortir du studio, à se regarder incrédules, réalisant qu’ils avaient fait un album pas forcément honteux mais très loin de leurs intentions initiales et leur univers réel. Chose qui n’a rien d’étonnant à cette époque de grand brassage et de « funkysation » de la musique : les caïds Thin Lizzy se retrouvent à sonner de plus en plus comme le Traffic de la période « John Barleycorn » et après, supergroupe de Londoniens bourgeois-bohème par excellence. Paradoxe : c’est dans ce contexte un peu dans l’air du temps (en 74, la Philly Soul marche bien mieux que le hard, et il y a une petite vague de groupes rock anglais qui se soul-funkisent BadCo et Purple en tête) que naissent les fameuses Twin Guitars de Thin Lizzy, qui vont devenir légendaires à la fin des 70's. Ce serait en écoutant les premiers Wishbone Ash que l’idée serait venue à Gorham et Robertson, mais l'interlude Gary Moore aura également contribué à évoluer vers ce style, car c'est une façon d'écrire les parties de guitares... déjà esquissée à la période Eric Bell.
Quelques lignes sont nécessaires pour rendre justice à 'Still In Love With You', ballade à part chez Lizzy malgré sa charpente classique, tout juste torsadée d’entrechats de basse qui semblent esquisser un pas de côté pour aller sangloter dans une ruelle adjacente. Chantée en duo avec Frankie Miller, l’invité au timbre de chat blessé sous perfusion directe de Paul Rodgers (Free, Bad Company, mais surtout Free), mais en plus Scottish, ce titre fut en réalité co-écrit par Gary Moore, qu'on entend ici à la gratte. Moore, qui ne fut qu'un bref interlude, avait carrément offert au passage une vieille compo à lui pour "sauver" Thin Lizzy, et si l'homme est à mon sens surestimé, on ne peut pas lui enlever la dramaturgie et la suavité ABSOLUE (Sade reprendra ce titre, nuff said) de cette mélodie, de ce solo, de ces accords de rêve, plaintifs et soyeux. Sur la version d'origine, c'est Moore qui chantait la 2ème voix, celle qui vient réveiller les hululements de chouette de la guitare seule de « Whiskey In The Jar », cette fois pour tailler en tranches un chagrin d’amour un peu trop gros pour un seul gusse, le partager entre deux potes résolus à laisser le vent disperser leurs larmes… Pas une traitre goutte d’amertume ici par contre (« I guess I’ll keep on loving you… », bande de brésiliens, va), juste le nectar distillé avec patience ET fougue de cette guitare qui en fait pile juste assez. Oui, toutes ces circonvolutions, traînées d’étincelles et reflets d’orgue Rhodes (à la gratte, hein) sont indispensables à cette prière, à cette offrande pour un Dommage sans retour, tandis que, comme dans tout rituel sacré, le nom du sortilège n’est jamais prononcé. Ce que les versions live changeront, ajoutant un « I’m still in love with you » en guise de refrain ponctuant les respirations du titre… Mais pour qui connaîtrait déjà la version de Live & Dangerous, cette version Nightlife aura soudain un air de pudeur renforcée dans les larmes. Difficile de ne pas se laisser aller à une rêverie douloureuse et délectable (saudade encore), avant que ne survienne - comme une brise fraîche tout en congas - un break final torride et éperdu comme du Santana, qui vient chasser sur les terres les plus suaves de la soul-rock ébouriffée des Shuggie Otis, Babe Ruth et autres maîtres méconnus. Si on me payait pour écrire – ce qui n’advient que trop rarement – je prendrait ma plus belle plume-épée et graverait dans le marbre : “une chanson qu’elle est bien pour l’écouter”.
L’adorable Dear Heart referme l’album comme il avait commencé : dans la douceur et le groove, dans un écrin de violons et de soupirs soul qu’on n'aurait pas trouvé hors de propos sur un album de Bill Withers… Oui, c’est de cette teneur, et de ce niveau, avec une voix bien moins américaine, au coffre beaucoup plus restreint, c’est sûr. Une chose est acquise : en 1974, le cœur de Lynott était du côté Soul.
Je n'ai guère cité de chansons... Trop à dire. Et là encore, le CD de bonus de l’édition deluxe n’est pas à négliger. Y figurent en bonne place les morceaux issus du passage éclair de Gary Moore, déjà aboutis et sertis de solos acérés. Ils permettent surtout de constater à quel point Lynott portait à bout de bras le groupe, son écriture à la basse faisant plus que charpenter le songwriting.
Et ce qui est fou, c'est que là encore, vu que ce Nightlife fera un flop - ça n'était certes pas le premier disque magnifique noyé dans la masse, dans ces années-là - tout aurait pu se terminer là. Thin Lizzy serait resté un grand groupe (secret ?), mais fort heureusement, Lynott était un titan de la musique, un sysyphe de la 4-cordes, et avait décidé qu'il produirait lui-même l'album suivant - pour un résultat qui encore maintenant me laisse incrédule... Nightlife : On frôle déjà le 6.
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- Coltranophile › Envoyez un message privé àColtranophile
"C’est un album soul, clairement", dixit Dariev. Voilà. Il aurait pu presque être sur Motown (à part Banshee et Philomena, soit). Et puis cette version studio de "Still In Love With You", souvent considérée comme mollassonne comparée aux deux versons live, est sublime, tout autrement.
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- kranakov › Envoyez un message privé àkranakov
Mon dieu, ça reste l’album de Brian Downey, quand même. Quel feeling chez ce type ! Un des très grands batteurs des années 70…
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- kranakov › Envoyez un message privé àkranakov
C'est là que tout commence pour moi... Perfectible, sans doute, mais salement racé.
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