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Ornette Coleman › Body Meta

lp/cd • 5 titres • 41:57 min

  • 1Voice Poetry8:00
  • 2Home Grown7:36
  • 3Macho Woman7:35
  • 4Fou Amour8:31
  • 5European Echoes7:40

informations

Enregistré au Studio Barclay, Paris, par Francis Maimay. Produit par Ornette Coleman.

line up

Ornette Coleman (saxophone alto), Charles Ellerbee (guitare), Ronald Shannon Jackson (batterie), Bern Nix (guitare), Jamaaladeen Tacuma (basse)

chronique

Enregistré à la même période – peut-être durant les mêmes sessions – que Dancing In Your Head, Body Meta donne à entendre le même free-funk, les mêmes grooves évidents et insaisissables, la même fermeté de substance, des glissements de forme (de terrain ?) très proches. En versions plus ramassées, quant à l'effectif – Coleman est ici le seul soufflant, accompagné de la section rythmique et de deux guitares (les mêmes – basse/batterie et guitaristes – qu'on retrouve sur ledit Dancing). Enfin, ramassé ... Façon de parler ! Ça dérape et ça tisse, ça développe tout autant tous azimuts ! Les plages, plus courtes que sur l'autre disque, s'étirent tout de même allègrement sur sept, huit, neuf minutes. « Allègrement » n'étant en revanche, là, pas une simple convention de langage – tant tous les membres du quintet semblent exulter, lâcher tout, tout le temps, sans souci (ni crainte) d'accumuler, de ce que ces débordements fatiguent, à force (eux qui jouent, nous qui écoutons...).

L'ensemble est plus réduit, donc, compact. La musique n'a rien de plus (ou moins) « sommaire », pour autant. Les thèmes sont nets et chantournés – bien caractéristiques de ceux d'Ornette, reconnaissables dans n'importe quels contexte, entourage, arrangements. Les rythmes dessinent encore, nouent et délient sans fin (enfin... si, mais on ne l'attend jamais avec hâte ; pas plus, d'ailleurs, qu'on regrette quand elle vient) cette toile mouvante, pleine de changements de directions, d'agencements complexes de brins, de liens. Tout chante toujours en simultané – personne n'accompagne personne, au sens pauvre, au sens « toile de fond pour qu'un soliste brille, démontre sa force » ; parce que tout le monde accompagne tout le monde, au sens « aller ensemble vers une même destination, dans le même sens ». Avec, bien sûr, comme toujours : des crochets et retrouvailles, un part de jeu et le désir constant de ne perdre personne en route.

C'est encore une incroyable mécanique. Ce n'est, cette fois de plus, pas vide, « purement fonctionnel ». Cette musique – celle de Coleman et de qui l'entoure, que ce soient les groupes post-bop des premiers disques « formellement free », les ci-présents, ceux qui s'y joindront à l'époque Prime Time... – porte toujours, véhicule, développe des complexes d'émotions, sensations, des histoires à la narration certes parfois comme chiffrée mais qui ne sont jamais de bêtes questions de « musique pour musiciens », de froids problèmes mathématiques. C'est une musique, justement, qui semble partir du principe (ou de s'y ancrer pour le pratiquer) que la question n'est jamais moins pertinente que la réponse, que les solutions – que celles-ci sont des propositions, non des dogmes.

On peut – bien sûr ! – n'être pas sensible à ce qui se dit là, à ce que nous tendent Coleman et ceux autour, sur ce disque comme sur d'autres. On a le droit (encore heureux) de décliner l'offre, de contester le propos ou la manière, l'hypothèse ou la formulation. On peut – ça s'est vu, ça se voit – s'interroger, en écoutant tout ça, sur le qu'est-ce-que-ça-dit, le où-ça-veut-aller, le mais-pourquoi-ça, même ! On peut aussi, tiens, si « on ne sait pas trop », commencer par celui-là, pour voir. Parce qu'il est funk, donc – à sa façon, oui, singulière. Parce qu'il tient son cap, aussi – que ses brisées ne s'égarent pas dans des tentatives curieusement ajustées, comme pourront l'être parfois certains essais de Prime Time, à mon sens, plus tard (vers le hip-hop, ou un rock un peu trop « carré » pour les allures polymorphes des musiciens qui le joueront). On s'y retrouvera ou non. Y retournant, je ne vois rien qui manquerait, ou qui viendrait en trop.

Très bon
      
Publiée le vendredi 11 octobre 2024

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Note moyenne        7 votes

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Dioneo Envoyez un message privé àDioneo
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Je doute, tu sais... J'ai cru déceler plusieurs accords majeurs... Je pense que je vais devoir en descendre ma note.

Message édité le 15-10-2024 à 19:43 par dioneo

Note donnée au disque :       
Tallis Envoyez un message privé àTallis

Furieux, joyeux et dansant tout à la fois. Quelle plus belle définition du free jazz ?

jacques d. Envoyez un message privé àjacques d.

Il y eut cette période durant laquelle Ornette Coleman, pour la critique autorisée, n'était que le type "qui jouait d'un saxo en plastique (blanc, qui plus est, à l'heure où "free jazz = black power" était le maître-mot, subodorant presque que O.C. était, par ce choix de couleur, un traître à la "cause"), sorte de phénomène de foire qui, en outre, violonisait et trompettait comme un damné... Puis il y eut une deuxième rafale tirée par la même critique, sourcilleuse sur les brevets de bonne conduite à délivrer, lorsque O.C. s'adjoignit les services musicaux de son fils Denardo en l'asseyant derrière la batterie du haut de ses dix ans. Un gamin, mal dégrossi, quand le gratin du jazz regorgeait de chômeurs talentueux, pensez-donc..! IL aggrava encore son cas n'hésitant pas à lorgner du côté des orchestres à cordes, des formations peu orthodoxes dans les pratiques cultuelles du jazz et assimilés. La suspicion devint de mises dans le cercle collet-monté de la critique jazziste qui ne s'intéressa plus à la musique jouée mais à ces sortes de détails fleurant bon la presse à sensations. Ornette Coleman resta longtemps ainsi ostracisé quand Coltrane, souvent rivé à la formule quartet, endossait le costume impeccable du Grand Timonier. S'il fallait proposer à qui connaîtrait mal l'univers musical d'O.C. un disque "d'ouverture à" je serais tenter d'élire un de ceux de la fin de sa carrière discographique, à savoir "Sound Grammar" de 2006, cette grammaire du son O.C. déroulée en quelques 70 minutes, du moelleux et de l'incisif à la fois, du lyrisme en un mot... avec Denardo, et vlan !

SEN Envoyez un message privé àSEN

Le Jazz d'une façon générale ne bénéficie pas de beaucoup de rééditions, sauf si tu t'appelles Coltrane ou Miles Davis. Combien d'albums sont introuvables aujourd'hui ? Certains ne sont même pas sorties en CD. Tu prends cet album (et le précédent) par exemple, ils ne sont même pas proposés sur Spotify, c'est pour dire.

Message édité le 12-10-2024 à 09:20 par SEN

Note donnée au disque :       
Coltranophile Envoyez un message privé àColtranophile

@Dioneo: ton impression est, à mon sens, la résultante d'une Histoire. Celle de l'"intronisation" de Coleman dans le cercle des grands innovateurs, des génies à ne pas louper, du chaînon manquant entre Charlie Parker et je ne sais quoi. Je ne cherche certainement pas à dire que l'importance d'Ornette est exagérée ou que ce qu'on lui attribue est usurpé. Loin de là, suffit de voir ce que j'en dis. Mais Ornette est longtemps resté une figure marginale. Je me rappelle d'un encart dans un Dictionnaire du Jazz disant de lui que c'était un innovateur sans influence réelle. Donc Jemeel Moondoc, Jimmy Lyons (sur ses albums en tant que leader), Frank Lowe, Henry Threadgill, etc.....tout ça n'existait pas. Et, de ce que j'ai vécu, est arrivé un truc tout simple, assez con si on veut: le coffret Atlantic sorti en 1993, "Beauty is A Rare Thing". Tout d'un coup, et alors que ses disques n'étaient pas simples à trouver même en vinyle, Ornette est devenu un monstre sacré à l'image de Coltrane ou Miles (le coffret Dolphy Prestige est arrivé juste après, si mes souvenirs sont justes). Mais le reste de sa discographie est restée obscure et n'a été rééditée qu'au compte-goutte. Science-Fiction et Broken Shadows, par exemple, n'ont été dispo qu'en pressages japonais à la fin des années 90. Les Blue Note ont été réédités un par un. Les Impulse, n'en parlons pas. Mais cela n'avait déjà pas d'importance. Le sessions Atlantic représentaient l'équivalent de 9 albums. Une carrière en somme, d'après certains critères. Que cela ne soit le fruit que de deux ans de la création musicale d'Ornette ne percutait pas. C'était largement suffisant pour le situer et le circonscrire. Et passer à une autre icône.

Note donnée au disque :