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Nico › Chelsea Girl

lp/cd • 10 titres • 45:45 min

  • 1The Fairest of the Seasons4:06
  • 2These Days3:30
  • 3Little Sister4:22
  • 4Winter Song3:17
  • 5It Was a Pleasure Then8:02
  • 6Chelsea Girls7:22
  • 7I'll Keep It With Mine3:17
  • 8Somewhere There's a Feather2:16
  • 9Wrap Your Troubles In Dreams5:07
  • 10Eulogy to Lenny Bruce3:45

informations

Enregistré par Val Valentin et Gary Kellgren. Produit par Tom Wilson.

Photos : Paul Morrissey et Billy Name.

line up

John Cale (alto, orgue, guitare), Sterling Morrison (guitare électrique), Nico (voix), Lou Reed (guitare électrique), Jackson Browne (guitare), Larry Fallon (arrangements de cordes et de flûte)

chronique

Il paraît – on lit ça et là, dans les encyclopédies et autres rétrospectives, même quelque part en ces pages, il me semble, au détour d'une autre chronique – que ce disque, ce n'est pas grand chose, pas encore tout à fait ça, au mieux. Trop pop – forcément « convenue », la pop, baaah, pipi de chat, la pop ! Trop de cordes et de flûte – à bec ou traversière on ne va pas chipoter : la flûte de toute façon, c'est mal, l'anté-ténèbres. (En fait... Non. Mais bon). Il est vrai, aussi, que Nico elle-même ne l'aimait pas, le désavouait peu ou prou, pour ces mêmes raisons d'arrangements baroco-rococo, beaucoup – que le producteur Tom Wilson avait certes imposés, et je ne dis pas que c'est bien, que ça n'aurait pas donné autre chose, sans, qu'il faut passer outre la volonté des artistes mêmes. Non. Du tout.

Mais il n'empêche... Pour moi, ce disque est beau. Pas du tout innocent – mais franc, encore brut-de-gangue malgré les ornements, les fanfreluches. Je trouve que son vernis glam en fait ressortir autrement, plus insidieusement la saleté, la fatigue latentes, le sordide des scènes reportées, la froide concision du regard, le rugueux de la voix – organe, timbre, autant que ton, manière, distance de narration. D'autres plumes, d'ailleurs, se prêtent, s'ajoutent – chansons reprises ou textes écrits spécifiquement pour le disque – en plus de celles de Lou Reed, John Cale, Sterling Morrison. Chelsea Girl aurait pu être, aurait dû être, semble-t-il, le deuxième Velvet Underground and Nico. Mais voilà : conflits d'égo, divergences, le reste de la bande qui désirait prendre ses distances avec Warhol. Donc non – c'est à la place le premier Nico. Qui chante ceux-là, tout de même (les anciens collègues) mais en plus, en renfort : Dylan, Jackson Browne... Tim Hardin, tiens – pas pour rien, lui. (Les autres non-plus mais alors celle-ci... On en reparlera plus bas).

Chelsea Girl, pour moi, a toujours eu quelque chose de fantomatique, de spectral – un ensemble de films courts où s'impriment les suites de bâtiments gelés, habités de vies arrêtées, suspendues – en transit ou arrivées nulle-part mais pour de bon. Un cœur y bat, oui – mais tout aussi glacé. La chair y brûle – mais de faims triviales, de froid, autant que d'aspirations au sublime. Le Chelsea Hotel, où toutes et tous passent et croupissent, est un lieu de légende, d'accord – mais un nid de cafards, aussi, un asile de poètes et pythies sans le rond, en loques, une crèche à ciel ouvert et la peau sur les os. Nico chante ça, aussi – sur le morceau presque-titre. (Mais le pluriel fait une différence...).

Nico n'est pas encore la grande prêtresse, ici. Elle se permet une dernière fois – elle peut encore, l'instant d'avant la canonisation qui aura, un peu plus tard sa peau – un peu d'ironie, mordante d'accord, mais pas tourné en pur masque sardonique. Elle chante la Plus Belle (ou la Plus Juste ?) des Saisons – qui me revient, en ce début d'automne, la pluie déjà bien installée, le vent battant aux vitres. Nico n'est pas encore partie si loin, hors d'atteinte, hors de tout. Pas déifiée vivante – afin de mourir au plus vite. C'est l'une des raisons, je crois bien, qui font que j'aime, moi, ce disque. J'avais cessé de l'écouter, pourtant – après une période où je me l'envoyais plusieurs fois par jour. Pas pour le supposé surplus, excès de sucre, de légèreté, oh non. Parce qu'il me plombait, plutôt – que le sans-issue avait fini par me saisir un peu trop, s'infiltrer dans mes ruminations, réflexions, mes idées de perspectives. Parce que je craignais de finir par me dire qu'il, qu'elle avait raison – qu'il n'y avait que ça ou pas grand-chose d'autre. La chute, à frôler la grandeur...

Aussi, surtout, très honnêtement : je l'ai fui, à ce moment, aussi et surtout pour cette piste, à la fin – Eulogy for Lenny Bruce. Tim Hardin, donc. Plongé dans le noir d'une salle – théâtre, hangar, Factory – aux fenêtres brisées, une par une, par de probables jets de pierres. Qui pleure son ami – comédien, scandaleux, toutes polémiques et provocations englouties à jamais, dans la bibine puis dans la terre, enfin. Nico qui reprend ça – ce fût un temps, pour moi, trop parfait. (D'abandon, de noirceur qui s'écoule au balancement pulsé de cette valse triste, de ce chant cette fois presque juste – Nico et la justesse, ça a toujours fait ricaner certains, pester d'autres... Pas moi. Pas la question – mais une partie de ce qui est beau). Il fallait que j'aille voir ailleurs... J'y suis revenu, plus tard. J'y entend, j'y perçois à nouveau d'autres choses – des éclats et reflets d'existences qui désirent et tentent, qui s'arrachant à leur tour d'ici parviendront à pousser ailleurs. J'y entends le disparate, aussi, de ce projet changé en cour de route – je trouve qu'il en fait la singulière tenue, entre les fameuses volutes musique-de-chambre et les pièces étranges, à la forme désarticulée, minée (It Was a Pleasure Then... Complètement Velvet autant que complètement elle, celle-ci, pour en revenir à ça).

Décidément j'aime, moi, cet aspect collection dépareillée, poignée d'instantanées réunies sous un titre – emblématique peut-être mais vague, espace-temps reconnaissable mais aux contours lâches, pas partout jointifs. Il paraît que je ne suis pas le seul. En dépit d'elle ? Peut-être, mais pas encontre. Je l'y entends comme jamais ensuite – pas mieux, sans prétendre que quoi que ce soit, ensuite, aurait pu, dû tourner autrement. (Je n'en sais rien. C'est son histoire). Différemment, je veux dire. Sans voile, d'une certaine manière – paradoxalement si on y tient, malgré les velours et froufrous. On l'y trouve moins seule – je veux dire : techniquement, oui, mais pas seulement comme ça. Son isolement – par contraste – sa singularité s'y montre autrement, comme nulle-part, après ou avant. C'est comme une pause – le décor ne cache rien, ce n'est pas du décorum, seulement de l'embellissement, de l'entourage, de la surface. Ça laisse la place à tout. Ça ne parvient pas à réduire ça à une déserte tragédie où tout serait joué un ton trop haut, trop bas, où les costumes feraient défaut par de trop brillants détails.

Chef-d'oeuvre
      
Publiée le mardi 1 octobre 2024

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Note moyenne        2 votes

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GrahamBondSwing Envoyez un message privé àGrahamBondSwing

Toujours pas écouté les suivants, je (re-)écoute celui-ci car c'était nécessaire et je m'aperçois que j'étais complétement passé à côté d'It was a pleasure then qui tranche radicalement avec le reste de l'album (mais tu l'as bien relevé dans ta chronique Dioneo). Sinon, j'ai trouvé plein de reprises de These days (que j'ai écoutées mais que je ne trouve pas si extraordinaires, ni la version de Nico, ni les reprises : j'ai rien à dire de mal dessus mais ça ne me viendrait pas à l'idée de l'inclure dans une liste Best of 60s'). Et comme je commence à l'apprécier un peu, je vais trouver un autre terme que vieillot pour le décrire : c'est de la musique "en noir et blanc" (c'est beaucoup plus gentil).

Message édité le 04-10-2024 à 12:15 par GrahamBondSwing

Dioneo Envoyez un message privé àDioneo
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Du premier Cale (de sa fausse, trompeuse non-violence en effet bien vintage) et de Cale tout court hors Velvet, en fait, je n'ai longtemps connu que Amsterdam (qui traînait sur une compile rock qu'avait mon frangin - une espèce de compendium assez généraliste/FM dans l'ensemble mais avec ce genre de curieux choix éditoriaux, entre les Hold the Line et autres Owner of a Lonely Heart... Y'avait Time of No Reply de Nick Drake il me semble, sur le même disque). Ben sacrée entrée en matière chez lui, n'empêche, cette chanson - foutuement plombante et doudou à la fois. Je crois que ça m'a dissuadé un moment d'aller voir plus loin chez lui - mais pas par dégoût, plutôt parce que je craignais une sorte de trou noir où je me serais un peu trop "bien installé".

Note donnée au disque :       
Raven Envoyez un message privé àRaven
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"Vieillot", je ressentais bien ça sur le premier Cale (auquel je me suis bien fait mais il a fallu souffler la naphtaline) puisqu'il est en opération dans le secteur proche. Cette chro me rappelle que depuis l'écoute médiathèque qui date sévère, je ne l'ai plus croisée la fille de Chelsea (à tort visiblement, on verra ca bientôt, mais j'ai souvenir d'avoir souvent lu ces histoires de brouillon/verdeur à son sujet, ouais, et comme j'ai tendance à les aimer, les premiers albums censés plier sous le poids de l'ombre des suivants...)

Message édité le 03-10-2024 à 13:00 par Raven

Dioneo Envoyez un message privé àDioneo
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Mais non voyons, c'est "vieillot" (contrairement à Body Count qui revient, feat. Pépé Gilmour... ÇA, c'est de l'événement excitant).

Blague à part, comme dit dans la chro, j'aime le contraste que font ces arrangements pop - y compris dans un sens pré ou hors Beatles/british invasion, très "marché américain/culture populaire américaine", en fait - et l'interprétation quand-même déjà très "Dame Hiver vous caresse de son souffle glacé", Europe Polaire, de Nico. Ça donne une dimension, encore une fois, que je ne retrouve pas forcément dans ses disques d'après, plus generalemt appréciés par "la critique", la "littérature" (même si - et c'est juste de le noter, Grahambond - côté public, il peut être assez aimé, oui...). Ça donne une dernière fois l'impression que glaciale ou non, c'est une personne humaine non réduite à son rôle de Grande Prêtresse des Tourments qui s'adresse à nous. C'est autre chose que le disque banane/velours, c'est sûr, mais c'est aussi autre chose que The Marble Index ou The End où les autres oui - même si en effet, "en germe", comme on dit, on peut trouver que ça en annonce certains aspects. Ce qui fait - j'insiste - qu'au sein de son œuvre unique et singulière, ça reste un disque singulier et unique. (Et à mon sens réussi, je n'en démords pas d'une parcelle de prémolaire).

Message édité le 03-10-2024 à 12:22 par dioneo

Note donnée au disque :       
jacques d. Envoyez un message privé àjacques d.

Le titre ouvrant l'album, "the fairest of the seasons", c'est déjà tout " marble index" et "desertshore" (les cordes en plus) qu'annonce cette Chelsea Girl native de Cologne, au bord du Rhin. "These days", le titre qui suit, fait retour sur l'époque psyché-folk du single de 1965, "i'm not saying", produit par le premier manageur des Rolling Stones. Mais bientôt l'harmonium !