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Nico › Chelsea Girl
- 1967 • Verve V-5032 • 1 LP 33 tours
- 1988 • Polydor records 835 209-2 • 1 CD
lp/cd • 10 titres • 45:45 min
- 1The Fairest of the Seasons4:06
- 2These Days3:30
- 3Little Sister4:22
- 4Winter Song3:17
- 5It Was a Pleasure Then8:02
- 6Chelsea Girls7:22
- 7I'll Keep It With Mine3:17
- 8Somewhere There's a Feather2:16
- 9Wrap Your Troubles In Dreams5:07
- 10Eulogy to Lenny Bruce3:45
informations
Enregistré par Val Valentin et Gary Kellgren. Produit par Tom Wilson.
Photos : Paul Morrissey et Billy Name.
line up
John Cale (alto, orgue, guitare), Sterling Morrison (guitare électrique), Nico (voix), Lou Reed (guitare électrique), Jackson Browne (guitare), Larry Fallon (arrangements de cordes et de flûte)
chronique
Il paraît – on lit ça et là, dans les encyclopédies et autres rétrospectives, même quelque part en ces pages, il me semble, au détour d'une autre chronique – que ce disque, ce n'est pas grand chose, pas encore tout à fait ça, au mieux. Trop pop – forcément « convenue », la pop, baaah, pipi de chat, la pop ! Trop de cordes et de flûte – à bec ou traversière on ne va pas chipoter : la flûte de toute façon, c'est mal, l'anté-ténèbres. (En fait... Non. Mais bon). Il est vrai, aussi, que Nico elle-même ne l'aimait pas, le désavouait peu ou prou, pour ces mêmes raisons d'arrangements baroco-rococo, beaucoup – que le producteur Tom Wilson avait certes imposés, et je ne dis pas que c'est bien, que ça n'aurait pas donné autre chose, sans, qu'il faut passer outre la volonté des artistes mêmes. Non. Du tout.
Mais il n'empêche... Pour moi, ce disque est beau. Pas du tout innocent – mais franc, encore brut-de-gangue malgré les ornements, les fanfreluches. Je trouve que son vernis glam en fait ressortir autrement, plus insidieusement la saleté, la fatigue latentes, le sordide des scènes reportées, la froide concision du regard, le rugueux de la voix – organe, timbre, autant que ton, manière, distance de narration. D'autres plumes, d'ailleurs, se prêtent, s'ajoutent – chansons reprises ou textes écrits spécifiquement pour le disque – en plus de celles de Lou Reed, John Cale, Sterling Morrison. Chelsea Girl aurait pu être, aurait dû être, semble-t-il, le deuxième Velvet Underground and Nico. Mais voilà : conflits d'égo, divergences, le reste de la bande qui désirait prendre ses distances avec Warhol. Donc non – c'est à la place le premier Nico. Qui chante ceux-là, tout de même (les anciens collègues) mais en plus, en renfort : Dylan, Jackson Browne... Tim Hardin, tiens – pas pour rien, lui. (Les autres non-plus mais alors celle-ci... On en reparlera plus bas).
Chelsea Girl, pour moi, a toujours eu quelque chose de fantomatique, de spectral – un ensemble de films courts où s'impriment les suites de bâtiments gelés, habités de vies arrêtées, suspendues – en transit ou arrivées nulle-part mais pour de bon. Un cœur y bat, oui – mais tout aussi glacé. La chair y brûle – mais de faims triviales, de froid, autant que d'aspirations au sublime. Le Chelsea Hotel, où toutes et tous passent et croupissent, est un lieu de légende, d'accord – mais un nid de cafards, aussi, un asile de poètes et pythies sans le rond, en loques, une crèche à ciel ouvert et la peau sur les os. Nico chante ça, aussi – sur le morceau presque-titre. (Mais le pluriel fait une différence...).
Nico n'est pas encore la grande prêtresse, ici. Elle se permet une dernière fois – elle peut encore, l'instant d'avant la canonisation qui aura, un peu plus tard sa peau – un peu d'ironie, mordante d'accord, mais pas tourné en pur masque sardonique. Elle chante la Plus Belle (ou la Plus Juste ?) des Saisons – qui me revient, en ce début d'automne, la pluie déjà bien installée, le vent battant aux vitres. Nico n'est pas encore partie si loin, hors d'atteinte, hors de tout. Pas déifiée vivante – afin de mourir au plus vite. C'est l'une des raisons, je crois bien, qui font que j'aime, moi, ce disque. J'avais cessé de l'écouter, pourtant – après une période où je me l'envoyais plusieurs fois par jour. Pas pour le supposé surplus, excès de sucre, de légèreté, oh non. Parce qu'il me plombait, plutôt – que le sans-issue avait fini par me saisir un peu trop, s'infiltrer dans mes ruminations, réflexions, mes idées de perspectives. Parce que je craignais de finir par me dire qu'il, qu'elle avait raison – qu'il n'y avait que ça ou pas grand-chose d'autre. La chute, à frôler la grandeur...
Aussi, surtout, très honnêtement : je l'ai fui, à ce moment, aussi et surtout pour cette piste, à la fin – Eulogy for Lenny Bruce. Tim Hardin, donc. Plongé dans le noir d'une salle – théâtre, hangar, Factory – aux fenêtres brisées, une par une, par de probables jets de pierres. Qui pleure son ami – comédien, scandaleux, toutes polémiques et provocations englouties à jamais, dans la bibine puis dans la terre, enfin. Nico qui reprend ça – ce fût un temps, pour moi, trop parfait. (D'abandon, de noirceur qui s'écoule au balancement pulsé de cette valse triste, de ce chant cette fois presque juste – Nico et la justesse, ça a toujours fait ricaner certains, pester d'autres... Pas moi. Pas la question – mais une partie de ce qui est beau). Il fallait que j'aille voir ailleurs... J'y suis revenu, plus tard. J'y entend, j'y perçois à nouveau d'autres choses – des éclats et reflets d'existences qui désirent et tentent, qui s'arrachant à leur tour d'ici parviendront à pousser ailleurs. J'y entends le disparate, aussi, de ce projet changé en cour de route – je trouve qu'il en fait la singulière tenue, entre les fameuses volutes musique-de-chambre et les pièces étranges, à la forme désarticulée, minée (It Was a Pleasure Then... Complètement Velvet autant que complètement elle, celle-ci, pour en revenir à ça).
Décidément j'aime, moi, cet aspect collection dépareillée, poignée d'instantanées réunies sous un titre – emblématique peut-être mais vague, espace-temps reconnaissable mais aux contours lâches, pas partout jointifs. Il paraît que je ne suis pas le seul. En dépit d'elle ? Peut-être, mais pas encontre. Je l'y entends comme jamais ensuite – pas mieux, sans prétendre que quoi que ce soit, ensuite, aurait pu, dû tourner autrement. (Je n'en sais rien. C'est son histoire). Différemment, je veux dire. Sans voile, d'une certaine manière – paradoxalement si on y tient, malgré les velours et froufrous. On l'y trouve moins seule – je veux dire : techniquement, oui, mais pas seulement comme ça. Son isolement – par contraste – sa singularité s'y montre autrement, comme nulle-part, après ou avant. C'est comme une pause – le décor ne cache rien, ce n'est pas du décorum, seulement de l'embellissement, de l'entourage, de la surface. Ça laisse la place à tout. Ça ne parvient pas à réduire ça à une déserte tragédie où tout serait joué un ton trop haut, trop bas, où les costumes feraient défaut par de trop brillants détails.
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- jacques d. › Envoyez un message privé àjacques d.
Et, à l'heure de la pause - pour la pose aussi -, cet intermède : https://www.youtube.com/watch?v=4nduedVhv0k
- dariev stands › Envoyez un message privé àdariev stands

Attention à ne pas tomber DEDANS Marble Index quand tu tomberas dessus... Mousqueton et corde de rappel conseillés.
- ashara › Envoyez un message privé àashara
De ce que je lis ici et là, les trois suivants sont plus "aboutis". Je verrai quand j'aurais l'occasion de tomber dessus.
Je découvre ce "Chelsea Girl" par le biais du coffret 45ème anniversaire de "The Velvet Underground & Nico". Ce coffret est par ailleurs très sympa contenant également les "Scepter Studios Sessions", les "Factory Rehearsals" et un concert sur deux cd au "Valleydale Ballroom, columbus, Ohio".
Message édité le 21-07-2025 à 16:45 par ashara
- Note donnée au disque :
- Scarlet › Envoyez un message privé àScarlet
Le closing track annonce en partie la PJ Harvey de la période to Bring you my love, des titres de Polly comme I Think I am a Mother ou Lying in the Sun dégagent le même vibe.
"Why after the last shot, there's always another. Wny did you leave your life to your mother ?" Ce titre est un chef-d'oeuvre avec cette prod' étrange sale, et fragile et subtile. Et ce dernier titre a dû être également reçu 5 sur 5 par Bolan car il évoque certains titres de Tyrannosaurus Rex circa Unicorn et A Beard of Stars
Message édité le 27-06-2025 à 00:41 par Scarlet
- Shelleyan › Envoyez un message privé àShelleyan

Peut-être que pour commencer, ce n'est pas le meilleur...
- Note donnée au disque :

