In The Nursery › Groundloop

En ce début de millénaire, les jumeaux de Sheffield ont de quoi être fiers de ce qu’ils ont accompli depuis leurs obscurs débuts vingt ans plus tôt. La décennie précédente les a observés étendre leur registre d’une ambient martiale et néoclassique à des tableaux sonores inspirés des sons émergents (dance, electro trip-hop) avec Anatomy of a Poet et le projet parallèle Les Jumeaux (deux albums), de mouvement artistiques (bien évidemment trope récurrent chez le duo) sur le superbe Déco, voire illustrant un support visuel avec la bande originale An Ambush of Ghosts ou encore la magistrale série des Optical Music, recréations de bande-son pour des films muets. Avec patience et talent les jumeaux Humberstone continuent de peindre leurs élégies, hymnes et autres natures mortes sonores, s’appliquant à parfaire leur art vers une entité vivante et en perpétuel mouvement. Ainsi Groundloop ne déroge pas à ce processus, et se pose d’emblée comme une parfaite synthèse de l’art de In The Nursery en proposant une voie élégante vers l’avenir. Le retour des percussions (ici uniquement le fait des jumeaux et d’un collaborateur autre que Q sur deux titres) remet le rythme au centre de la musique avec une saveur beaucoup plus tribale que par le passé (le galvanisant morceau-titre en introduction, "Allegory", "Hymn Noir") et les incursions électroniques des précédentes œuvres trouvent ici une place de choix, discret habillage en symbiose avec le piano et le hautbois caractéristiques du style In The Nursery (magnifique "Displaced"). Le slogan/manifeste de l’album ("Break the circuit, reinstall"), entre technologie et persistance de l’organique offre une forme de rupture dans la continuité, une déclaration couvrant le passé ("Allegory", dont le texte adapte les Rubayaït du Perse Omar Kayyam) et le futur (l’aérien "Chronicle"). Avec Groundloop In The Nursery joue sur le fil du rasoir, entre charme, mystère et élégance, et la performance une fois de plus hypnotique et sensuelle de la polyglotte Dolorès Marguerite C. assure la part définitivement humaine et poétique de l’album. Une fois n’est pas coutume, on est même en mesure de parler de "hit" avec le dansant "Hymn Noir" et sa faconde pop tribale des plus efficaces. Plus qu’une transition, Groundloop marque une étape essentielle dans la carrière du duo de Sheffield avec une durée de vie inépuisable et compte parmi ses œuvres les plus mémorables.