Les jumeaux Humberstone prennent-ils plaisir à tordre le temps, à en redéfinir les contours ? Les premières mesures de ‘Artisans of civilisation’ avec ses notes raides de violon, ces accords amples, ces percussions martiales, nous sommes bien à la fin des 80’s ? Pas du tout, en 2011. Etonnant. Après avoir expérimenté dans le trip-hop, l’ambient, les Anglais avaient opéré un retour au néoclassique en entrant dans les 2000s avec des albums magistraux tels que ‘Engel’ ou ‘Era’ mais là, ils creusent plus profond encore en y injectant une nostalgie cold wave. De fait, ‘Blind sound’ opère la fusion quasi parfaite entre néoclassique et post punk martial, exercice ultra périlleux réussi uniquement par Dead Can Dance et dans une certaine mesure Collection d’Arnell Andrea. Bien sûr, ces idées sont déjà présentes dans des travaux des 80’s mais nul n’a la production développée à partir des années 2000. Beaucoup moins sèche, plus ample, profonde, elle confère aux compositions une dimension épique et grave que les frères n’étaient pas en mesure d’atteindre à l’époque. Autre point significatif, la présence de la voix masculine. Elément relativement peu développé pendant longtemps, il marque un retour en grâce assez net, pour notre plus grand plaisir d’ailleurs. Il se couple à merveille avec cette portée conquérante baignant l’album, ce qui n’empêche quelques moments plus tendus comme l’obscur ‘Trial by error’ qui n’explose jamais, distillant sa mélancolie comme un venin nocturne chuchoté au son des boucles de violoncelle. Nous sommes certes en terre familière mais les Humberstone atteignent ici une maitrise de leur art remarquable (et quels collaborateurs !). Que les fans de Dolores se rassurent, elle répond présente une fois de plus sur trois compositions de belle facture. De manière générale, ‘Blind sound’ est un disque de conquête subtilement agencé entre tension et avancée mais spécialement rythmé dans sa globalité comparé à la majorité des opus de In the Nursery; il confirme à la suite de ‘Era’ la volonté de redonner place à l’humain au sein des réflexions et des architectures sonores, visuelles, esquissant l’étrange utopie/dystopie faussement nostalgique et hors du temps mise en place par ces incroyables jumeaux.