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DG 307 › Uměle Ochuceno (Artificially Flavored)
- 1992 • Újezd UJ 0002-2 • 1 CD
- 2001 • Guerilla Records GR 001-2 • 1 CD
cd • 10 titres • 44:40 min
- 1Úvod & Uměle Ochuceno3:10
- 2Příběh I. (New York - Praha – Paris)5:20
- 3Andělské Vlasy4:13
- 4Nic Zvláštního5:16
- 5Světy Z Papíru3:27
- 6Něco Mi Připomíná...6:18
- 7Nad Stínem Noci1:19
- 8Výstražný Znamení3:28
- 9Příběh II.6:04
- 10Uměle Ochuceno (Verze II.)6:01
extraits audio
informations
Enregistré par Karel Vavřínek au studio Újezd.
La version chroniquée est celle la réédition CD (Guerilla Records) de 2001. La longueur de certains titres diffèrent d'avec la version originale de 1992.
line up
Milan Hlavsa (voix, guitare, claviers), Pavel Zajíček (voix, claviers), Tomáš Schilla (violoncelle), Ivan Procházka (calviers), Michaela Němcová (voix)
chronique
Premier album officiel du groupe – presque vingt ans après sa formation ; auparavant, le régime n'en voulait pas, dans la Tchécoslovaquie soviétique – Uměle Ochuceno n'a rien d'une explosion de joie, de l'accès d'euphorie, de soulagement. Tout y est encore étrange – pas moins que sur les enregistrements d'avant, clandestins, qu'on se refilait en douce, qui s'écouleront bientôt en bouts d'anthologies légalement éditées, en bandes live emballées telles-quelles à l'arrache ou mieux audibles.
Ici, le son est propre – et froid, synthétique. Le titre du disque signifie d'ailleurs « Arômes Artificielles » ou quelque chose d'approchant. Les claviers semblent sortis d'un post-punk légèrement daté, comme rattrapé de la fin de décennie précédente. On pourrait croire, comme ça, que le groupe se rattache, court après une « modernité » déjà un peu... Dépassée ? Pas sûr, tant l'ambiance est plus que ça... Personnelle, particulière, pas vraiment calquée sur l'esthétique d'un courant – cold-wave, industriel, new-wave ou minimale. Des traits demeurent – une façon de composer, un nuancier, l'approche oblique – de l'underground de ce monde que tous et toutes voulaient peut-être, au plus vite, oublier, de cette espèce de R.I.O. décentré, décentralisé, perçu et rendu autrement (d'un autre point, la ressemblance des moyens, des teintes et des formes peut-être en partie accidentelle – DG 307, The Plastic People of the Universe, les autres groupes de ce mouvement né de la « Charte 77 », qu'avaient-ils, au juste, pu entendre de ce fameux Rock In Opposition occidental ? Qu'y avaient-ils trouvé qui pouvaient leur servir ?). On change de place – on fuit les décombres ? – mais on s'emmène avec soi, on ne se renie pas. On ne perd pas, non-plus, cette habitude de ne pas afficher trop clairement les signes, de parler un argot non-standardisé, changeant comme les mots de passe d'un jour sur l'autre, aux portes des rades clandestins.
Le chant féminin, ici, déstabilise. Tantôt « lyrique », tantôt détaché, posé, doux en quelque sorte mais toujours un peu distant. Cette voix masculine narrative, un peu parlée-chantée, parfois presque chuchotée. Par moments, bizarrement criée. Il se dégage une curieuse atmosphère – de ces chants et vocalises qui semblent vouloir esquiver autant que venir au contact, ces nappes de claviers en brumes post-industrielles, en haleines de givre voilé, un peu sali, ces guitares qui par moments rappellent à la fois le Velvet Underground e l'album au canapé, certains secteurs krautrock, un drôle de folk occasionnellement désaccordé (juste un peu, juste de qu'il faut). On est d'abord désorienté.e, oui. Mais à mesure – qu'on avance, qu'on se détend, qu'on y revient – l'impression grandit que ces gens aux mines fermées nous ont en fait menés en lieu sûr, isolé mais où l'on reste maintenant en plaisante compagnie, conviés dans ce cercle d'anciens dissidents, tout juste libérés de l'obligation de se cacher, mais pas défaits de l'habitude des mots couverts, d'une discrétion qui leur permettait, à l'abri, toutes les fantaisies, une fois semés les flics et leurs indics... Jusqu'à la prochaine fois.
J'aime ça, cette impression que la musique nous fait entrer, nous inclut dans son climat – son enceinte, son espace, lâche mais point trop étiré. J'aime aussi que pour ça, elle n'affiche pas de sourire faux, ne se fende pas de grands gestes grotesques, de trop criante invite à la fête. J'aime cette fin abrupte, coupée en plein couplet, du premier morceau – la piste-titre – qui semble dire « non, pas la peine, il ne se passe rien ici, on vous a mal renseigné.e ». J'aime ces orgues qui suivent, sur Příběh I. (New York - Praha – Paris) (soit Histoire Numéro 1 – je ne vous traduis pas les étapes du voyage). Je m'y plais – dans ce paradoxal confort , cette sensation que m'enveloppe comme un plaid l'air d'une pièce pas chauffée, aux murs percés seulement de soupiraux. J'aime la beauté non étalée, non frelatée mais toute mêlée de cette musique. Ça change – d'à peu près tout, à quelque chose près, et même de l'un ou l'autre, parmi celles et ceux que ça rappelle, à qui ça fait incidemment ou non écho. Il y a une deuxième Příběh (Histoire, encore), presque à la fin. C'est là que le type braille ses Aaaah ! forts et fêlés. Puis une deuxième version, un autre « vers » (ou « verset ») du morceau -titre, pour conclure. La basse y pulse en pointillés, le synthé y plane en grésillant. Je ne sais pas ce que le type y raconte... Ça sonne familier, pourtant. D'une familiarité perçue sous un angle improbable, d'un genre à quoi, sans ça, je n'aurais peut-être jamais songé.
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- Dioneo › Envoyez un message privé àDioneo
De rien ! Et déso pour le budget !
Leur Nosferatu, je ne le connais pas encore, apparemment c'est l'enregistrement d'un ciné-concert sur le film de Murnau - forcément ! (Incidemment, depuis que je me suis remis à écouter Slint, dès que je lis ou que j'entends "Nosfertu", mon cerveau répond "Man" en écho...).
Et donc, je vais continuer, les chros tchèques, sinon. Y'a vraiment de quoi creuser - et je m'en suis d'autant plus rendu compte (ou j'ai eu envie de vraiment m'y mettre, disons), depuis que je suis allé une première fois sur place, l'été dernier, en mettant les pieds un peu au hasard (enfin, en tapant "disquaires Prague" et en optant pour ce nom là) chez Rekomando - qui s'est donc avéré être la boutique du mec qui tient aussi le label Poli5, avec ses rayons remplis aussi bien de trucs de cette génération Charte 77 que de groupes actuels. (Il vend aussi des trucs punkn hardcore, post-punk etc. non-locaux, les classiques américains, anglais, du genre - mais nettement je n'y allais pas pour ça).
- Note donnée au disque :
- Shelleyan › Envoyez un message privé àShelleyan
Comme je suis faible, au lieu d'ajouter une 49ème heure à ma journée, j'ai écouté au turbo sur Youtube et j'ai derchef commandé avec le 'Nosferatu' (comme je suis goth, je suis obligé)... Sur celui-ci, la complémentarité des voix est géniale. Hâte de recevoir et creuser. Merci de la découverte.
- Shelleyan › Envoyez un message privé àShelleyan
Effectivement, ça sonne alléchant, il faudra que j'essaie de trouver un peu de temps dans mes journées de 48 heures pour creuser ça car en dehors de quelques groupes goths, je suis assez peu calé en formations tchèques...le titre que tu as mis en écoute est excellent en tout cas !
Message édité le 13-09-2024 à 17:17 par Shelleyan
- Dioneo › Envoyez un message privé àDioneo
Ah ah ! Disons que je me suis un peu lâché. Mais ceci dit, c'est que ce groupe me fait vraiment, aussi, cet effet "mais à quoi on pourrait bien les rattacher, je pense à plein de trucs mais c'est encore ailleurs !". Comme dit dans la chro, il y a vraiment un truc qui fait penser à la (aux) scène(s) clandestines de l'époque juste avant (les signataires de la Charte 77, dont faisait aussi partie Vaclav Havel, le futur premier président de la République Tchèque, et un des instigateurs de la "révolution de velours") mais en même temps, donc, tu sens qu'iels ne veulent pas rester bloqués là-dessus. Peut-être aussi qu'à ce moment là, d'autres choses devenaient accessibles, pour ces musicien.nes, et que ça a modifié leur approche apporté des choses nouvelles, pas "dans le même ordre" et pas avec les mêmes conséquences/formes que ça avait pu le faire par chez nous, plus à l'ouest, où les musiques d'un peu partout étaient bien plus facilement à portée d'oreilles. C'est curieux parce qu'avec certains troupes, on peut avoir l'impression que ça les a paradoxalement amenés vers une sorte de "classicisme rock/prog" (par exemple) qu'ils n'avaient pas avant (on parlait ailleurs de l'évolution de Dunaj ou Plastic People of the Universe)... Bon, là pas vraiment ! (Ou pas encore... J'avoue avoir peu écouté la suite, et pas tout même). Et par ailleurs, là génération d'après - qui a commencé après la chute du mur - joue souvent une musique assez différente, plus directement "actuelle", marquée par des trucs de l'époque (Sonic Youth ou Fugazi par exemple, chez Lyssa, OTK, Gnu... Voire un peu plus tard Radiohead ou Portishead !). Bon, puis évidemment, parfois c'est moins tranché, tu as des gens dont la musique reflète un peu toutes ces approches là, la "tradition underground" et le "directement moderne" ! (Oui, faut pas me brancher sur les scènes tchèques... Ça fait un an en gros que je me plonge là-dedans, ça me rend très dissert...).
- Note donnée au disque :
- Aplecraf › Envoyez un message privé àAplecraf
Je sais pas si tu t'es fait plaisir en recommandations, Dioneo, mais en tout cas ça racole dur et c'est plutôt alléchant.