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Erica Pomerance › You Used to Think

cd • 9 titres • 46:13 min

  • 1You Used to Think3:15
  • 2The Slippery Morning3:46
  • 3We Came Via7:03
  • 4The French revolution3:21
  • 5Julius4:42
  • 6Burn Baby Burn5:40
  • 7Koanisphere7:08
  • 8Anything Goes5:31
  • 9To Leonard from the Hospital5:27

informations

Enregistré en décembre 1970 par Onno Scholtze. Produit par Tom Willis.

line up

Erica Pomerance (musique, paroles, voix, guitare, tambourin), Trevor Khoeler (saxophone alto), Richard Heisler (guitare, chœurs), Gail Pollard (sitar, voix, flûte), Don Cooper Smith (percussions sur You Used to Think et The Slippery Morning), Ron Price (guitare sur The Slippery Morning), Bill Mitchell (guitare sur The Slippery Morning), Tom Moore (flûte sur We Came Via et The French Revolution), Mike Ephron (piano sur We Came Via), Lanny Brooks (basse sur The French Revolution), Dion Grody (guitare sur The French Revolution), Craig Justin (percussions sur The French Revolution), Lee N. Bridges (paroles sur Burn Baby Burn)

chronique

Erica Pomerance... C'est encore autre chose ! Parmi la collection de free-folkeux éclectiques, freaks à guitares (électriques ou acoustiques) dont ESP a sorti les disques, au tournant des années 60/70 – avec comme slogan « L'Artiste seul décide » ; et pour politique budgétaire de ne jamais verser un seul sou auxdits artistes, sur les ventes – celle-là n'a fait que passer, y laissant cet unique album (contrairement aux Fugs, aux Godz ou autres Pearls Before Swine) avant de filer ailleurs, insaisissable. Ce disque l'est aussi, d'ailleurs : insaisissable. Irréductible.

Canadienne anglophone – mais qui avait décidé d'embrasser la culture québécoise – Pomerance est aussi passée par Paris aux alentours de mai 1968, avant de mettre le cap sur New York, d'y enregistrer You Use to Think, puis de se lancer dans la réalisation de films documentaires – féministes, anti-impérialistes... Peut-être pas tout à fait dans cet ordre là, les événements. Je ne suis pas sûr.

Je ne suis pas sûr, non-plus, de pouvoir dire pourquoi j'aime autant ce disque. Et ça me va. Sa liberté ne se délimite, ne se résume pas. Sa cohérence échappe à l'appareil scrutateur – à la froide analyse, à la dissection, vivisection. Son jazz le plus free est son folk le plus brut. Son espace est mouvementé – son mouvement sûr, souple, imperturbable. La flûte et les percussions – même quand elles font tabla – ne tournent pas musique de secte, pseudo-orient, pacotille de marché sur un port vaguement exotique. Elles volutent les perspectives d'un monde aux volumes accueillants à qui voudrait s'y trouver ou s'y perdre – mais hostile à qui voudrait y venir par intrusion. La matière, les manières sont souvent rêches – accrochent, frottent, se tissent et se débordent. Les mots de révolte et de souffrance y sont doux – et la douceur y est vive. Le petit matin s'y glisse dans les rêves – il est frais, froid, il pique et il propulse. (Et quelle merveille, ce Slippery Morning chanté en anglais et français alternés). La Révolution Française n'y est pas où, n'y est pas quand – n'y est pas celle qu'on pourrait croire. La voix tangue, remue – vibre fort, s'éloigne parfois, dans le feu de l'action, de l'axe de captation du micro. C'est beau comme ça aussi.

You Use to Think est un grand moment – perché et posé. On y est bien, et déstabilisé.e. On avait coutume de penser... On croyait savoir. Rien n'y sonne tristement « savant ». L'accident y est heureux – on n'a pas l'impression que quoi que ce soit y surgisse par hasard, plutôt qu'il s'agirait d'amener tout ce qui s'y passe, tous ceux et toutes celles qui y jouent dans un même espace. Qu'elle et ils y inventent du temps. On n'y accorde pas toujours les instruments. On y clame « Brûle Bébé Brûle » en faussant l'alignement de l'harmonie et de la mesure – sans ça, c'est là que ça deviendrait indécent. On s'y adresse à Leonard – Cohen ? C'est possible, il semble qu'elle l'ait connu – depuis un hôpital où on ne va pas rester, mourir, dont on va sortir pour retourner, décamper ailleurs. On s'y met à improviser sur une quinte de toux, pendant que le violon cisaille, que la guitare cherche des variations, que le sax tourne des micro-tons.

Oui, You Used to Think est un sacré bordel – grand ouvert, tripé, labyrinthique. Non, You Used to Think n'a rien d'un pensum d'avant-garde jeté là n'importe comment en l'absence de toute véritable intention, direction. D'intentions – de volontés ; jamais bonnes à ce qui veut nous nuire, nous empêcher de respirer – le disque en est plein, lardé, tout animé. De directions, il n'y est jamais question comme d'une salve d'ordres, de mots d'ordre, comme d'un sens unique. Le sens est multiple – le concept ne suffit pas, l'application manquerait l'essentiel. L'essentiel échappe – et attrape, s'attrape tout entier. Pas comme un piège. Pas comme une mauvaise fièvre. Comme un indice, plutôt, un train, un tram, une bicyclette intacte qui traînerait dans les débris.

Le premier moyen de ne pas rester sur place, quoi. Et puis d'ailleurs, qu'est-ce qu'on fout encore là ?! Qu'est-ce que vous attendez ? Il reste encore des routes – et des maisons, cabanes, recoins et remous et points de visée où provisoirement se retrouver. « Anything Goes ». On suit, ou on bifurque ?

Très bon
      
Publiée le jeudi 5 septembre 2024

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    Dioneo Envoyez un message privé àDioneo
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    Ah, ben oui, je l'ajoute, comment ai pu l'omettre ?!

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    dariev stands Envoyez un message privé àdariev stands
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    genre : psychédélique !

    Coltranophile Envoyez un message privé àColtranophile

    J'aurais été assez curieux d'une version de "Tin Angel", que je trouve être un titre porteur d'une certaine étrangeté sous ses airs tranquillement mélancoliques.

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    Dioneo Envoyez un message privé àDioneo
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    Ceci dit, sur le live retrouvé dont je causais dans mon com précédent (En concert au Petit Québec Libre (1972), sorti en 2021 par Tour de Bras Records), il semble qu'elle reprenne - ou "revisite", comme elle dit - le Woodstock de Mitchell, justement...

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    Coltranophile Envoyez un message privé àColtranophile

    Ben, on est plus proche de Trout Mask que de la Folk Greenwich Village (Burn Baby Burn, en tête, ici). Mais bon, j'ai tendance à foutre de la truite partout, en ce moment.

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