Prince › Dirty mind

1978, un disque par an. En trois ans de carrière, Prince aura sorti trois albums, fait des concerts et mûri à une vitesse folle. ‘Dirty mind’ qui n’est de loin pas mon favori demeure une pièce charnière. Comparez sa pochette avec celle, un an auparavant, de ‘For you’… Finis les derniers relents d’adolescence, le personnage de Prince se met en place, provocateur, séducteur, dandy… Musicalement pourtant, ce troisième opus s’inscrit passablement dans la lignée de son prédécesseur mais de manière plus personnalisée. Le jeune homme avait en effet déjà prouvé son talent pour le funk froid ainsi qu’un talent pour exprimer beaucoup avec des structures relativement dépouillées et sobres; il va plus loin ici en affirmant les acquis mais en renforçant la touche froide, limite new wave, amorçant les prémices de ce qu’on qualifiera de ‘Minneapolis sound’. Le Kid affirme un goût toujours plus prononcé pour les synthés (Dr Fink pointe d’ailleurs le bout de son nez), use de la batterie comme d’une boîte à rythmes (pas une once de chaleur dans le jeu), idem pour la gratte dont les licks ont des airs de coulées de givre et on sent un songwriting plus mûr. Pourtant, je trouve que ce disque sonne davantage comme une excellente démo, il lui manque aussi ce que ‘Controversy’, plus expérimental pourtant, apportera: des mélodies tueuses. De ce point de vue, ‘Dirty mind’ pèche un peu. Il y a une urgence de composition (l’album n’est pas très long), le groove général est excellent mais l’étape suivante manque d’après moi. Bien sûr, certaines chansons sont plaisantes (‘Uptown’, l’urgent ‘Sister’, le quand même tube ‘Dirty mind’) mais Prince fera beaucoup mieux dans la même sphère peu après. C’est un peu comme si avec ‘Dirty mind’, il effectuait sa propre répétition générale, affûtait son look avant de se lancer définitivement dans l’arène. Il est amusant de noter que ‘Controversy’ malgré sa pochette plus classe se révélera nettement plus sulfureux ou du moins plus en profondeur (car évidemment, de sexe, il en est fort question dans les textes de ‘Dirty mind’). Disque moyennement abouti à mon sens même si tout sauf honteux mais une étape essentielle, la première marche sur laquelle Prince et non plus Roger Nelson a posé le pied.