Deep Purple › Bananas

Deep Purple arrive petit à petit vers ses 35 ans de carrière et continue de sortir régulièrement de nouveaux albums. Après une reformation couronnée de succès au milieu des années 80, le départ définitif de Ritchie Blackmore dix ans plus tard allait s'avérer difficile à gérer pour les rescapées. Après deux albums mitigés, "Purpendicular" et "Abandon", la formation a pris son temps pour accoucher d'un successeur (plus de cinq ans !), et dans le même temps, il a dû faire face à un nouveau départ de taille, l'inamovible Jon Lord aux claviers, fin 2002, pour entreprendre une toute nouvelle carrière, celle de chef d'orchestre ! Parfois, quand j'écoute les derniers albums du groupe de cette fin de décennie, je me dis qu'ils feraient peut-être mieux d'imiter leur compère. Mais non, les deux Ian, Gillan et Paice, continuent l'aventure ! L'Américain Steve Morse avait déjà remplacé le guitariste virtuose en 1994 et c'est le mercenaire Don Airey (ex-Ozzy Osbourne, ex-Rainbow, ex-Gary Moore parmi tant d'autres) qui se retrouve dorénavant derrière les claviers de Deep Purple, pour l'incarnation nommée MK. VIII. Et à peine ce nouveau membre intégré que les voilà de retour en studio début 2003 pour enregistrer ce 17ème album de la formation, intitulé "Bananas". Inutile de vous faire un dessin, Deep Purple ne se ré-invente pas et il continue dans la voie des précédents albums, à savoir du bon p'tit rock pépère de quinquagénaires, bien joué et bien exécuté mais avec peu de moments mémorables. On retrouve la même formule et surtout le même niveau global. Non, ce n'est pas mauvais, on ne peut pas dire cela. Ça joue, ça swingue, c'est carré, pro et propre. La base rythmique avec Ian Paice et Roger Glover reste intacte, Ian Gillan fait le job au chant, Steve Morse pose ses plans de guitares, peut-être moins bluesy que Blackmore et un peu plus jazzy/feutré, comme à son habitude. De son côté, Don Airey s'intègre doucement dans cette nouvelle formation qu'il découvre. L'ensemble sonne comme du rock avec cet esprit feutré tranquille manquant de hargne et de grosse énergie (la production lisse n'aide pas). Au milieu de cette douzaine de titres, j'ai quand même pu remarquer quelques coups de bravoure, à l'image de ce "Haunted" mélancolique me rappelant les travaux de David Bowie de cette même période, avec une atmosphère légèrement voilée ou brumeuse et ce côté naïf et doux dans la voix. Il s'agit, et de loin, du meilleur morceau de l'album mais aussi, étonnamment, de celui le plus éloigné de l'esprit de Deep Purple. Comme quoi, peut-être que le groupe devrait penser à faire évoluer son style. Avec un tel pedigree de musiciens, ils pourraient se le permettre. J'ai aussi bien apprécié le morceau-titre avec des solos/duos de guitares/claviers rappelant la grande époque du Mk. II au début des années 70, l'expérience en plus, même si le résultat manque un peu de folie. Le très zeppelinien "Silver tongue" sort un peu du lot aussi avec une guitare rythmique bien lourde. Mais pour le reste, c'est du rock coude à la portière, basique, bien réalisé, tantôt rapide, tantôt lent, mais sans frissons, avec toujours les mêmes plans, les mêmes évolutions, la même recette et le résultat n'est tout simplement pas transcendant. En fait, à l'écoute de ce disque, je me dis que Deep Purple a tous les ingrédients en main pour réussir un bon virage dans cette deuxième partie de carrière, mais qu'il préfère rester dans sa zone de confort avec du vieux rock sans prises de risques ni renouvellement. Je me demande en fait si Steve Morse est véritablement le guitariste approprié pour eux. Dire qu'il faudra attendre 20 ans pour le savoir... En attendant, on se retrouve avec un nouvel album (trop) classique, ni bon ni mauvais.