Le monde évolue, avance, pas toujours vers le beau mais Mike Keane, lui, semble protégé dans sa bulle. Peu soucieux des modes, des courants, il compose sa musique comme il le sent; pour quel public ? Le sait-il ? S’en préoccupe-t-il seulement ? Cinq ans après avoir relancé son projet, il confirme que ce n’était pas une lubie puisqu’il nous propose un nouvel opus complètement décalé musicalement et thématiquement, comme toujours. Le plus étonnant est que ce disque aurait pu être sorti à la fin des 80’s qu’on n’y aurait vu que du feu. Pour deux raisons. La première, cette pop inspirée du post punk et de la new wave constituant la trame principale d’écriture et dont Kane ne s’est jamais défait. C’est presque dommage, un titre comme ‘Falling’ aurait pu marcher dans les hits mais en 84 pas en 2004. Notre Anglais compose à l’ancienne, en solitaire, privilégie les structures qui s’étirent; les chansons sont donc assez peu variées dans leur avancée, atmosphériques et prenantes quand la magie opère, monotones quand la durée est excessive. La seconde raison est que certaines sont timidement marquées par des influences house comme si Kane se laissait influencer par le zeitgeist de la fin des 80’s sauf qu’il est bien trop tard pour ça. Qu’importe, ces influences hors-temps débouchent sur quelques trouvailles sympathiques, ainsi les choeurs féminins un peu soul de ‘Wandering’. Le souci est que ce disque est long, beaucoup trop long. Le manque de variations au sein des compos, la prédominance atmosphérique qui, certes, fonctionne par moments avec sa touche spatiale peut aussi lasser à force. Surtout que certaines pièces sonnent clairement comme du remplissage ainsi l’instrumental ‘Sol Sonic’ influencé par les expérimentations trance de Psychic TV occupe beaucoup d’espace et sonne en décalage par rapport au reste. Il aurait mérité un single pour être dégusté car, sans être exceptionnel, il est loin d’être mauvais. Idem pour ‘Starfire’ qui eût pu constituer la face B dudit single. Ajoutez un autre instrumental purement ambient, ‘Tell-tale heart’, plutôt dans une veine Coil qui lui aussi ne fait qu’allonger l’album sans lui donner du corps. J’insiste, Mike Keane aurait dû créer un Ep avec ce type de travaux plutôt que de faire feu de tout bois. Comment ne pas louer sa sincérité et sa constance ? Mais cela ne crée pas un bon disque pour autant et cependant, des bonnes choses, ‘North-west-soul’ en contient aussi; ce déséquilibre des forces est d’autant plus regrettable.