Pimmon › Secret Sleeping Birds

Que pouvait faire Paul Gough après la fureur de son album précédent, quelque-part définitive ? Et bien, élargir sa palette et s’attaquer de plain-pied aux émotions, jusqu’ici l’angle mort de la discographie de l’Australien même s’il s’était déjà essayé à ce que, faute de mieux, on appellera electronica. Secret Sleeping Birds semble reprendre les choses là où Assembler s’était arrêté : « Want To Fly Away » est un morceau glitch torve et indécis qui laisse émerger une sourde angoisse. C’est à partir de « Bird Cage Circus » qu’un auditeur qui aurait écouté les albums de Pimmon de manière chronologique sombre dans un sublime inconnu : la piste est conçue autour d’une boucle euphorique, boîte à musique virtuelle aux textures abruptes, et voilà Pimmon à la fois aux confins de la folktronica et de la musique concrète… Charmant instant de poésie sonore violemment inclassable, c’est un exemple typique de la magie que Paul Gough allait désormais conjurer sur ses albums.

Secret Sleeping Birds est un terrain de jeu pour son auteur. Voire un potager tant il semble ici planter des graines qui engendreront de fantastiques légumes dans la suite de sa discographie… Bien sûr, on en a encore pour son argent si tout ce que l’on recherche est du glitch pur, avec ce qu’il faut d’inhumain et de déstructuré pour faire exploser l’encéphale. Mais on n’avait encore jamais entendu un… truc comme « Amarelo Palido, Quase Branco ». J’avais parlé de menace ? On est ici dans le sinistre, le paysage désolé, avec une boucle obsédante qui surplombe des grincements impossibles à identifier. Une deuxième couche de drone abyssaux vient parachever le tout, pour un résultat plus cinématographique que jamais chez Pimmon, sans abandonner une part d’abstraction qui permettra à chacun de trouver une place au morceau dans sa topographie mentale.

Ici, Paul Gough commence à écrire des histoires, un peu dans tous les sens, quitte à parfois un peu se planter. « Voice of Sleeping Bird » confirme l’arrivée de la joie dans sa musique, une joie enfantine un peu psychopathe, de gamin qui foutrait le feu à une fourmilière… « Signal is Red » confine à l’émerveillement scientifique, quand l’épique « Sleeping Bird’s Dream », à la boucle électronique flamboyante, semble se rapprocher d’un “hymne pimmonien”. Autres morceaux, autres saveurs qui n’ont rien à voir, façon bigorneau dans la boîte de chocolats : « Peck Spectre » est une divagation électronique en apesanteur qui se dissout lentement. C’est dans ces morceaux de bidouillage noise pur à la Mego que l’album trouve sa limite, comme si Paul Gough avait fait le tour de la question. « Feather Prophet » est pleine d’ultrasons angoissants, mais ne décolle pas ; « By 5 » le voit s’essayer à l’exercice électroacoustique aquatique mais n’est pas transcendante ; « Cakewalking » est un court-circuitage stochastique hypnotisant, mais trop long, au point de casser un rythme d’album déjà mis à mal par des changements de direction incessants.

Secret Sleeping Birds est excitant, plein de morceaux de bravoure, mais un rien étouffe-chrétien, un peu à la manière des Oval dernière période, brutaux pour l’auditeur tant ils sont riches et expressifs. On termine quand même bien, avec les merveilleux grillons et crapauds électroniques de « Slidenacht », qui surplombent un étang mélodique contemplatif. Un disque de transition, riche et parfois sournois, qui semble plus fait pour son auteur que pour l’auditeur, qui saura quand même y extraire quelques trésors. C’est mine de rien ici que Pimmon devient alchimiste, et il s’apprête à transformer l’essai de manière éblouissante.