Surfer sur l'onde de choc de l'Explosion Finale ; perfectionner ses flips et autres tricks en utilisant le cratère vitrifié comme une rampe à perte de vue ; chiller sur une marina sans rien autour que l'océan, au milieu d'un monde dépeuplé d'humains, à quelques poignées de survivants mutants près... Réjouissant programme ? C'est en tout cas celui que nous propose Cardiel – duo vénézuélien relocalisé à Mexico City (où iels tiennent leur studio, Vesubio – celui-là même où a été enregistré le présent disque comme d'autres de Vinnum Sabbathi, de Terror Cósmico, de Weedsnake et d'autres groupes locaux).

Cardiel présentent leur musique comme du skate-rock, du skate-punk mais comment dire... Une version de la chose assez éloignée de son versant pop, alors – des Sum41, Blink 182 ou mêmes de candidats un peu plus lourds, genre The Offspring et compagnie... Tout, chez Cardiel, arrache un peu plus que ça ! La voix déchire le gosier qui l'éjecte, crache chaque mot. Le son sature de partout, garage en gangue de crasse, pesanteur crust quand ça ralentit, capilotade dans les aigus quand les riffs s'y nichent. La production, avec ça, ne se contente pas de tout imprégner de cette saleté à cœur, elle enveloppe aussi, et quand ça leur prend, elle plonge cette musique déglinguée dans les profondeurs d'un son dub plein de détails, de perspectives alignées/décalées, foncedées – eh ouais, on ne va pas se cacher. Sans rien lâcher, alors, de l'électricité qui fait tout vibrer, là-dedans, à s'en casser, s'en craqueler.

C'est la fête après la bombe, oui, décidément. Les twangs et trémolos luisent d'une drôle de phosphorescence. La mer est d'huile dans les parages directs mais on voit au loin que l'horizon bouillonne, crépite. Le ciel est d'une couleur étrange. Les cocktails aussi, grésillent dans des fréquences qui auraient plus à voir, en temps normal – en temps « d'avant » – avec le fuzz le plus cracra qu'avec le fizz le plus délicat. On se dit qu'autour du bloc de béton, les cétacés et autres animaux sous la surfaces, mammifères ou reptiles ou trucs munis de branchies, ont peut-être bien dû prendre de bizarres proportions, eux aussi, voir de nouveaux organes leur pousser, d'autres évoluer selon des schémas guère prévisibles. Si ça se trouve, l'un ou l'autre va bondir sur la plateforme et nous gober tous d'un coup d'un seul, nous engloutir dans son estomac à x-poches, de x-mètres cubes à vide et x+x en expansion, extension, nous digérer en un instant ou quelques siècles de plus. Ce serait une fin comme une autre, un bout comme un autre du voyage.

Tout hurle, ici, au-dessus des flots. Ça fait une douce musique, à nos tympans troués, bleuis, désormais aussi sourds que la membrane du sub creusé à même ce sol de cet endroit où l'on se tient, confinés entre deux peñónes, en ces débuts bien entamés – déjà, enfin – d'un monde après nous à la lumière rosée qui s'étend au couchant.