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Dunaj › Rosol

cd • 13 titres • 54:18 min

  • 1Ouvertura3:49
  • 2Rosol – Jelly2:46
  • 3Bobřík Strachu – Beaver of Fear3:53
  • 4Blecha – The Flea3:30
  • 5Na Jih – Southwards3:37
  • 6Kejvá – Swings4:10
  • 7Kobylky – Locusts5:32
  • 8Cassiniho Dělení - Cassini Division3:47
  • 9Mazáček - Pet Child3:46
  • 10Tichounce – Stilly6:03
  • 11Živly  - Elements3:47
  • 12Čumilové  - Loiterers4:31
  • 13Holé Hlavy – Bald Heads3:29

informations

Enregistré et mixé au studio Audio Line par Vladimír Holek, assisté de Martin Frola.

Artwork : Peter Ferebauer.

line up

Pavel Fajt (batterie, percussions, voix), Jiří Kolšovský (voix, guitare, flûte), Josef Ostřanský (guitare électrique, voix), Vladimír Václavek (basse, voix, guitare, grosse caisse), Zdeněk Plachý (claviers, piano)

chronique

Du prog ? Mais qui progresserait vers quoi ? Du R.I.O. – Rock In Opposition ? Mais qui s'érigerait contre quoi ? … Cette musique est pleine de questions, de doutes, d'inquiétude. Le jeu, pourtant, est solide, les constructions ne fuient pas la complexité – ne l'affichent pas non-plus comme un écran qui masquerait sa substance (ou son absence de substance). Dunaj jouent dans un pays en plein changement – un régime a disparu, une frontière viendra bientôt s'ajouter (pacifiquement, pour une fois), la Tchécoslovaquie va se scinder, ce côté-ci de la ligne se renommer République Tchèque, Tchéquie. À Berlin le mur est tombé, déjà. Il n'empêche : de ce disque n'émane pas une joie franche, un soulagement. Une liberté, oui... Mais une qui cherche, joue avec son équilibre – nouveau, révélé ou gardé jusqu'ici, développé, conquis plus tôt. Une qui observe les points où tout pourrait glisser, déraper.

Rosol veut dire « Gelée » – comme substance gluante, semble-t-il, plutôt que comme « période de gel ». C'est vrai que quelque chose poisse, là-dedans, encollant ce qui la touche, s'y risque. Rosol exsude quelque chose de noir, d'anthracite, de... Pas clair, dans tous les sens du terme. En parlant de froid, de glace : Rosol exhale une aura qui saisit comme ça, aussi, où la vapeur qu'on respire se condense, fait voile et volutes. L'ambiance est habitée, hantée par les spectres d'êtres pourtant pas morts – seulement dissimulés derrière ces voiles que soufflent les bouches et crachent les instruments. Il faut être discret, ne pas tout de suite s'ouvrir – une police ou l'autre est toujours là, une milice, à guetter. C'est méandreux, cette musique, autant que précis, presque maniaquement – le nom du groupe après tout veut dire Danube. C'est vaste, parfois tumultueux. L'écoulement varie, les tours, les profondeurs. Les rivages... On les contemple de plus ou moins près, comme tout ce qui flotte à la surface et dans l'atmosphère.

J'ai toujours trouvé ce disque nocturne – ou mieux, je m'y sens toujours comme en zone transitoire en terme de lumière, de qualité de l'air. Un crépuscule sur un quartier dont elle enrobe, magnifie les lignes, les volumes, son électricité en dévoilant en même temps sans pitié, sans fausse pudeur, les contours, en éclairant, en séparant les zones. On s'y trouve un peu comme le gosse sur la pochette – à la fois émerveillé et frappé de stupeur, arrêté. Pour le gamin en question on se dit qu'il y a de quoi, quand on connaît l'histoire – un certain Harold Whitters, sourd de naissance, âgé de quatre ans au moment du cliché et qui, appareillé, entend ainsi pour la première fois. Bien sûr, l'ampleur du choc n'est pas la même – découvrir un disque, un groupe, n'est pas se trouver un sens supplémentaire. Mais tout de même : se ramasser pour la première fois un titre comme Tichounce – avec sa batterie raide et roulante à la fois, ses synthés de valse industrielle, ses guitares au fil aigu, aux pointes réfrigérées – peut, décidément, laisser pantois. Et puis au vrai, pas seulement celle-ci. Et puis partout ces cris, ces éclats de voix parfois tordus, contrefaits, déformés. Quelque chose d'un peu freak, dans tout ça – mais sans le folklore baraque de cirque, dans un autre secteur du terrain vague, dans ce plan qui se modifie sans cesse, ne se fixe pas à la surface du papier où l'on tente de le relever.

Ça bouge, oui, beaucoup – ce disque, ce groupe, cette musique. C'est très vivant, plein de cassures et d'expulsions dynamiques. C'est une machine d'absorption, aussi – on traîne dans les parages et hop ! on est happé pour un cycle, pour x cycles si on oublie de sauter au moment où ça se présente, à la fin de la dernière plage. C'est bien tourmenté, ce paysage, ces déclamations, ces compositions. Rien n'y sonne apitoiement pour soi, pour autant, attentiste, dépité. Extrêmement attentif, plutôt – et nous enjoignant à continuer de l'être. Prêt à tout et ne s'illusionnant de rien. Les yeux ouverts et tout le reste en alerte. Et puis réciproquement. C'est une sorte de saut, qui sait que le point de retombée, d'impact, peut changer à chaque instant – de consistance quant au sol, de coordonnées selon l'échelle choisie et les intempéries, avanies, réalignements ; de densité quant au brouillard, à l'étendue du désert ; d'intentions, dispositions, quant à qui s'y trouvera, en guise de comité d'accueil et autres populations installées dans la place.

Très bon
      
Publiée le jeudi 1 février 2024

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Dioneo Envoyez un message privé àDioneo
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La mitteleuropa non-apaisée, pardi !

Message édité le 04-02-2024 à 18:01 par dioneo

Note donnée au disque :       
saïmone Envoyez un message privé àsaïmone
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Quel est ce vaudou prolétaire ?

Dioneo Envoyez un message privé àDioneo
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Pour les Plastic People il faudrait demander au Sergent Buck, qui connaît le groupe bien mieux que moi mais oui, il me semble aussi ! Bon, c'est l'histoire classique hein, je pense que ça doit être vrai pour pas mal de groupes issus des pays ex-soviétiques (ou liés à L'URSS par le pacte de Varsovie), qui ont commencé dans la clandestinité plus ou moins totale, en jouant une musique à la fois jugée "subversive et bourgeoise/réactionnaire occidentale" par le régime en place et bien différente de ce que pouvait être le rock mainstream plus à l'ouest à ce moment là... Et qui une fois reconnus, et adulés y compris dans cet "occident" qui était autrefois l'ennemi officiel, révérés comme résistants culturels de cette époque révolue, se sont peu à peu mis à jouer une musique bien rangée. Mais pas grave , donc - vu que comme partout, les générations d'après ont amené leur truc à leur tour, partant de ce que lesdits anciens avaient commencé ou en s'en démarquant complètement (et toutes autres figures plus compliquées n'excluant pas les deux approches à la fois).

Message édité le 02-02-2024 à 18:10 par dioneo

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cyberghost Envoyez un message privé àcyberghost

C'est d'ailleurs un peu ce qui est arrivé aussi à Plastic People of the Universe ^^ Apparemment leurs derniers concerts, sortis du joug communiste et adoubés dans le pays, sonnent très rock à papa...

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Dioneo Envoyez un message privé àDioneo
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Petite précision, d'ailleurs - en rapport aussi bien avec le com de Sam Hall qu'avec celui de Cinabre - le groupe s'était d'abord séparé en 1998 après la mort de Jiří Kolšovský, leur chanteur justement, avec à priori à l'époque une "intention définitive". Ils se sont reformés quelques années après, avec d'abord si je me rappelle bien Fajt (ici présent mais qui était parti entre temps) et Bittova (qui avait déjà eu le temps de se faire une sacrée carrière solo, de son côté)... Disons qu'à ce moment là le groupe est devenu peut-être un poil plus "institutionnel" - y compris donc au sens où il était passé alors au statut "d'institution issue de l'underground des années où tout restait inventer dans le pays"...

Message édité le 02-02-2024 à 16:02 par dioneo

Note donnée au disque :