Aeon Sable › Visionaers

‘Visionaers’ est un disque qui accueille… Comment mieux exprimer mon ressenti ? Ils sont légions les groupes à ouvrir leur album avec une introduction mais le départ de ‘… Dawn of an era’, c’est comme si une porte s’ouvrait dans un ciel crépusculaire pour nous faire pénétrer dans l’obscurité. Pas une obscurité menaçante, non, un noir pur, aéré, mystique, terrestre, au sein duquel on se sent si bien que l’âme devient nyctalope, s’ouvre à des visions, des révélations qui la renforcent. Ce disques est arrangé avec un soin d’orfèvre, les arrangements sont extrêmement travaillés pour un maximum d’ambiance. Pas question de précipitation, chaque morceau prend le temps qu’il doit prendre pour exprimer son plein potentiel, sans scorie. Si l’on reconnait des éléments assez classiques du gothic rock, Aeon Sable a une manière de travailler qui lui est personnelle. Impossible de ne pas mentionner le chant de Nino Sable qui commet l’exploit d’être ultra crédible en évitant les sonorités graves habituelles du style alors qu’il en est tout à fait capable (il le démontre à de rares reprises, ainsi sur ‘Visions’) ; il n’en a pas besoin, son timbre dégage une forme de profondeur mature qui suffit largement. Ensuite, le combo n’a pas peur des passages épurés, le goth rock de Aeon Sable est aéré, nombreux sont les passages à la rythmique uniquement avec le chant; s’en dégage une impression de flotter dans un éther spirituel où l’on devient acteur et spectateur en même temps. Last but not least, le travail des guitares est remarquable. Le groupe privilégie les sonorités cristallines sans qu’elles ne sonnent froides pour autant, nocturnes plutôt. Pour autant, certains riffs appuyés sont présents mais ils sont muselés et libérés au compte-goutte, évitant de ce fait toute impression de lourdeur. Un excellent exemple en est le superbe ‘Quaaludes tango’ (ma pièce favorite) avec son thème mélodique fort, appuyé par quelques accords pesants qu’on ne laisse jamais durer, pas une seconde de plus que planifié pour ne troubler en rien la pureté de la chanson mais bien lui apporter le corps nécessaire, pas un milligramme de trop. Quelques discrets effets électroniques renforcent le tout, eux aussi fort bien maîtrisés au mixage. Aeon Sable est un groupe sincère cherchant à partager une vision artistique et spirituelle; fi de toute considération commerciale comme en témoigne l’ultime pièce, lente onirique qui s’éteint après sept minutes… Sauf que pas complètement, une légère nappe demeure, puis la guitare s’élève, porteuse d’un nouveau thème qui va s’écouler sur près de cinq minutes, sans rythme, juste la voix, chuchotée, diffuse, le tout entrecoupé soudain de riffs électriques violents qui s’en repartent aussi vite qu’ils sont arrivés. On reproche souvent au genre de tourner en rond mais le travail de Aeon Sable prouve que des formations tentent de secouer ces schémas sans trahir l’essence de ce que l’auditeur(trice) souhaite trouver. Un disque envoûtant et pur.