Crippled Black Phoenix a parcouru pas mal de chemin depuis 2007 et son premier album "A Love Of Shared Disasters". La formation sort depuis, dans un relatif anonymat, des albums sur un rythme que l'on pourrait qualifier de métronomique. Côté style, le côté folk a été remisé au placard ; imaginez plutôt une sorte de post dark rock, qui fleure par instant le Anathema, celui de "Alternative 4" par exemple, englué dans une atmosphère glacée ambient post-apocalyptique, le tout saupoudré de quelques relents gothiques. Créature protéiforme de Justin Greaves, Crippled Black Phoenix a connu de nombreux contributeurs au fil des ans. Ce "Great Escape", leur dixième album déjà, soutenu par un artwork sobre mais qui annonce la couleur, est superbement homogène et réussit le tour de force de se montrer totalement immersif. Le disque démarre dans une pluie de samples ou les voix se mélangent, se recouvrent les unes les autres, puis la musique démarre, d'abord fragile puis plus affirmée, et les morceaux s'enchaînent alors sans aucune coupure jusqu'au très pink floydien final plus d'une heure plus tard... Au gré des morceaux la partie vocale se partage entre Daniel Änghede et Belinda Kordic, tous deux très convaincants. L'atmosphère qui se dégage n'est pas des plus guillerettes. Le disque réserve des moments de fausse quiétude d'où se dégage parfois une insondable tristesse, puis au détour d'un morceau fusent de puissants et lumineux élans mélodiques, qui telle une lourde et intense pluie, balayent toute la boue et la poussière sur leur passage. "Great Espace", peut-être un poil trop long pour convaincre à 100%, réserve néanmoins quelques moments d'absolue beauté et se pose comme une œuvre très aboutie.