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Wet Satin › Wet Satin

lp • 10 titres • 42:43 min

  • 1WitchKraft Singles4:03
  • 2Golden Prawn4:19
  • 3Rainbow Glint4:55
  • 4Bad Wax4:06
  • 5Brandy Stains3:50
  • 6Sun Glitter3:43
  • 7Diamond Nectar3:51
  • 8FonzieDance4u3:40
  • 9Colored Tongues5:22
  • 10Erta Ale4:49

informations

Enregistré aux Golden Chain Highway Studios ; mixé par Alex Orpreza et Wet Satin au studio Meow Mix SF. Masterisé par Nathan Moody au studio Obsidian Sound.

Artwork : Bruno Novelli (Bruno 9li).

line up

Marc Melzer, Jason Miller

Musiciens additionnels : Luis Vasquez (percussions sur Rainbow Glint), Joseph Rynd (percussions sur Golden Prawn, Bad Wax et Colored Tongues), Jessica Brugnon (voix sur Brandy Stains)

chronique

Musiques de mondes imaginaires, encore, projection d'une exotica de SF – Science Fiction ou « Speculative Fabulation », comme préfèrent dire d'autres... Wet Satin, d'après les membres du duo, serait le nom d'une crème solaire psychotrope – « tiré d'un roman de Philip K. Dick lu dans un rêve ». Pas mal, à vrai dire, il y a pire, comme base de délires, pour tisser de là des paysages bizarres et sourdement familiers, éclatants de teintes vives et parcourus de tensions inquiétantes, dissimulées, mutées.

Wet Satin, projet « parallèle » – mais chez ces types-là on ne voit pas trop pourquoi ça voudrait dire « secondaire », chronologie ou pas – de deux membres de Lumerians, usent ici de synthés aux aplats et profondeurs en effet bien chimiques, pigments aux odeurs aussi criardes que leurs teintes. Mais de vibraphones ou de marimbas, aussi, de percussions qui semblent bien jouées à la main, aux baguettes. De peaux programmées et de séquences enregistrées peut-être dans la foulée, « live », à tel ou tel stade de complétion de l'une ou l'autre plage. L'écho, la réverbération, portent des ombres qui autrement seraient absentes, des volumes – les révèlent-elles ou les créent-elle de toutes pièces ? La question n'a au fond guère de sens – car la musique s'exsude de là, se complète aussi par ses trous, ses vides peu confortants, ses textures expressément fausses, trop régulières pour qu'on les croit... Naturelles. C'est que la nature, par ailleurs, s'y forme et s'y transforme – le studio se fait vallée, surface de l'eau, forêt, mangrove. On sait qu'on n'y est pas mais n'empêche – le son nous y transporte.

Le Wet Satin entre par les pores et nous voilà enlevés. Les boucles se disent une fois puis se... Bouclent. Motifs qui semblent montés mais sont peut-être, encore, joués ainsi, pour sonner incomplets, bégayés. Une certaines Jessica Brugnon, sur Brandy Stains, débite ce qui semble être une histoire érotique, obscène, bizarre (ça cause à un moment de pleurer des larmes d'urine...), bue par l'espace dilaté d'effets, masquée par une espèce de raclement de bois ou de ressorts mixé de plus en plus en avant, qui vient harceler l'attention – sans doute un guiro, un reco reco, une bestiole de ce genre, tenue entre les mains d'un des deux gars ou sorti d'un échantillonneur. La musique électronique allemande, berlinoise, des années soixante-dix, le krautrock de Düsseldorf, de Cologne ou de Wümme jurent au bureau de l'immigration, à l'aéroport, qu'ils sont bien nés aux alentours de San Francisco – précisément à Oakland – et que oui, bien sûr, il peuvent vivre et agir, ici, sans exhiber la moindre carte verte ou autre document, preuve, accréditation. On ne sait plus dans tout ça ce qui serait mensonger, inventé – le papier qui dit que oui, tout a commencé là, que tout le monde dans cette maison est né sous latitude autorisée ; ou cette pointe à peine perceptible de germanisme, en effet, sur la fin de certains mots-sons, l'articulation de cette musique de toute façon parée de ponchos et sombreros, colliers de fleurs, maracas et chemises crêpées manifestement contrefaits, pacotille.

On danse, pourtant, on a la tête qui tourne, s'expand – peu soucieuse, n'ayant plus le loisir de se demander où est fabriqué le produit, ce qu'authentique voudrait dire. On a le corps qui fond – peut-être un peu chargée, la couche d'écran-dose de dope qu'on s'est tartiné. On vit sous les capots, dans les circuits d'un vieil orgue « de salon » italien – rétro, vintage, avec sa boîte à rythme préprogrammée dont on peut seulement changer (mais y compris pendant que ça joue) la vitesse de défilement. À un moment au moins, une guitare twang vient souligner, sublimer l'horizon d'une mélodie « western-surf-spaghetti » en ligne de feu tranquille, magnifique, et on se demande si Morricone, peut-être, n'aurait pas un jour usé lui aussi de ce clavier, cet exemplaire précisément, où maintenant on (se) repose, si l'instrument ne lui aurait pas gobée son âme, à lui aussi, ne l'aurait pas dupliquée pour l'intégrer à sa bande de sons commutables. On est bien, le disque va toucher à sa fin. Seulement le titre du morceau évoque, tiens, le nom d'un volcan d’Éthiopie – encore actif, site touristique où les agences de surveillance dédiées, toutefois, nous disent avoir observé ces dernières années de « nombreuses phases d'anomalie thermique ».

Dans le fond – du cratère ou du fauteuil fumants – ce serait peut-être une sorte de musique d'attente, ce disque, ces plages, ce projet. Écoutable sans fin – parce que ça nous attrape et que notre interlocuteur, notre correspondante, ont été avalés aussi, qu'on fait désormais, les uns, les unes, les autres, parti d'un même réseau vibrant, délocalisé, externalisé... Interné ? Confiné/déconfiné, etc., exploratoire et bardé de mécanismes, machines de défenses paranoïdes. Il faudrait s'exfiltrer ou pénétrer plus loin. Mais pourquoi, « il faudrait » ! Oh, mais tout simplement : parce que c'est là le temps des conditions où peut naître l'hypothèse.

Bon
      
Publiée le lundi 2 octobre 2023

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    Dioneo Envoyez un message privé àDioneo
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    Tiens, le duo annonce un deuxième album sur sa "finish line". Head trauma dance grooves for low light faces, résument-ils en guise de teaser/pitch. Bah chez moi ça prend, je guette la sortie donc !

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    Dioneo Envoyez un message privé àDioneo
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    Salut Cathedral - ça faisait un bail, dis-donc ! Et... Eh bien de rien (et merci pour la chro), ça me fait plaisir de voir qu'elle aura poussé au moins une personne à s'intéresser à ce duo et à son projet SF/exotica bien particulier ! (Je ne sais pas s'ils ont l'intention de donner suite ou pas à ce disque un jour ou l'autre, en passant... Lumerians, le groupe "base" des deux gars, n'ont rien sorti depuis 2018, et ce sont globalement des gens qui annoncent assez peu leur "next move" par avance... Espérons, laissons venir, qu'ils aillent à leur rythme, de toute).

    Message édité le 04-12-2023 à 11:51 par dioneo

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    Cathedrale Envoyez un message privé àCathedrale

    Superbe chronique ! L'album est très chouette, je suis tombée raide dingue de Colored Tongues. Merci pour la découverte !