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Hitomi Moriwaki › Subtropic Cosmos

lp • 14 titres • 32:50 min

  • 1Yu Yu Familia2:16
  • 2Numbers2:29
  • 3Song for My English Lesson0:47
  • 4Torch4:02
  • 5Sunny Day2:35
  • 6Fever1:59
  • 7RPG1:56
  • 8Rainforest2:21
  • 9Adventure2:14
  • 10Goo Choki Per2:20
  • 11Water Fowl2:46
  • 12Mini Mini1:52
  • 13Living1:54
  • 14The Sun3:14

extraits vidéo

informations

« Recorded in my room, Fukuoka, Japan (2020 November – 2021 march) ». Mixé et produit par Hideki Urawa.

Artwork/Photo : minamisasami, Nasa.

line up

Hitomi Moriwaki (musique, voix)

chronique

La musique d'Hitomi Moriwaki déborde de couleurs, de lumières, une espèce d'étoffe damassée-fluorisée, de matière damasquinée, organo-robotique, câblage or-et-platine et coques en matière plastique semi-dure, la surface un peu tendre comme celle de certains jouets ou de certaines bouillottes – le genre qui au toucher prend la température du corps au point que ça en devient troublant, qu'on n'est au bout d'un moment plus trop sûr de ce qu'il y aurait d'inébranlable et arrêté dans la notion de vivant ou non. La musique d'Hitomi Moriwaki est très immédiate, aussi – une sorte de pop, au fond, qui aurait troqué les couplets/refrains/ponts, et autres progressions ostensibles, pour une forme de continuum bien de maintenant – du stream, de l'écoulement, la playlist comme forme préférée à l'album au sens d'ouvrage chapitré, « l'ambiance » faite pour tourner sans fin. Facile, alors ? Oui, si on veut... Enfin oui, en fait, tout court : facile à encaisser, easy en effet – comme un dimanche matin, comme croonait l'autre il y a longtemps (le reprenant d'ailleurs d'un autre encore avant). Mais un dimanche pour le moins étrange, alors ! Dans le Cosmos – encore lui – affirme le titre. Un cosmos « subtropical »,  précise-t-il par ailleurs. J'ajoute : façonné par de drôles de perspectives. Ça ne peut pas être que la chaleur. Ça doit jouer, d'accord – comme ce bug du GPS qui n'a pas pris en compte le re-calcul nécessaire des coordonnées de base, pour retomber au bout sur les bons aiguillages – Fukuoka, d'où elle vient, translaté vers l'est ou l'ouest, sur la carte, ça va nous mener où ?

Subtropic Cosmos semble s'écouler d'une traite, oui – ou plutôt, et en même temps, bouillonner sous nos yeux, vers tous nos sens, son effervescent non dans l'éther abstrait mais dans l'air ambiant. C'est une Exotica de la-porte-à-côté, du clic impromptu sur un lien qui passe. Les VST gazouillent là-dedans autant que les véritables samples de passereaux et autres emplumés. Facile, disais-je... Mais pas sans effet. Streaming, insistais-je – mais la question n'est pas tellement de savoir si on va l'écouter comme ça, toujours, ou en se procurant comme on voudra la chose sous forme de fichiers passés locaux, où en posant le vinyle venu de loin frais de port compris, tout chaud sur la platine... À la question quelle qu'elle soit, Hitomi Morikawi répond certes en émanant des formes d'apparence quasi gazeuse, en s'absorbant dans le ce mode là du faire-de-la-musique – où les limites des compositions sont floues, où les rythmes flottent autant que les nappes, où les nappes cyclent autant que les beats. Mais en dépit de cette apparence – et justement, parce qu'elle en use – le disque, aussi, trouve une vraie cohérence, autre chose qu'une simple atmosphère déclinée en plages au durées plus ou moins aléatoires. Elles sont courtes, souvent, en passant – rarement bien plus de deux minutes, parfois en dessous. Ça surprend, même, de le constater – alors qu'à l'écoute, on a facilement l'impression qu'on est plongé, chaque fois, dans quelque chose de vaste, de peu soucieux de conclure vite. Comme ça surprend, dès qu'on tend l'oreille, de se rendre compte à quel point c'est encore plus gondolé, en trajectoires entortillées, qu'on avait d'abord cru – les voix multipliées (de la seule Hitomi, à priori), superposées, empilées, déformées, les mélodies qui se croisent et se percutent, les claps funky ou house, les claves caraïbes, mais qui tombent sur des temps étrangement composés, agencés, brouillés, soudain comme accélérés ou coupés, remontés sur un fragment de silence ou d'accent joué. Ça parle de RPG et de forêts (une fois de plus) tropicales, ça nous fait douter que l'un ou l'autre titre soit ou non un jeu de mots – Water Fowl (soit Volaille d'eau) pour Waterfall (comme la Cascade, oui) ?! Goo Choki Per donne en effet l'impression de se retrouver au tableau final d'un niveau de vieux jeu vidéo – de plateformes, face (mais en vue de profil) à un boss tout pixelisé. C'est... Fun. Ça rend joyeux – sans rendre connement béat, sans envelopper dans un cocon rétrogaming réac., repli, décret de fuite éternelle dont on ne sortirait jamais. Ça fait songer à un monde où Adventure Time, par exemple, pourrait se regarder comme une forme narrative accomplie, valable et pas spécialement « régressive » sans que les obsédés et autres érudits de l'Odyssée ou des Grands Écrivains (ceux de la pléiade, du Panthéon, de leurs équivalents partout...) viennent crier à la décadence, que pas du tout, qu'on cesse d'insulter leurs héros et que les jeunes, ils ne jurent que par ce qui brille et passe (mais pas les médailles du mérite – militaire, culturel ou autre, hein).

En réalité – je reviens là-dessus parce que l'objet s'y prête, à ces retours élastiques, à ce que l'écriture qui dit ce qu'on entend ne cherche pas posteriori à classer, remettre en ordre – Subtropical Cosmos en est bien un, si, d'album. Peut-être même, à sa façon, « conceptuel ». Mais alors pas comme les « concept-albums » d'antan – les opéras-rocks et autres pensums. C'est une matière-concept plutôt qu'un film linéaire – avec éventuellement quelques flashbacks avant retour au « présent de l'action ». Ça se perçoit en trois dimensions (au moins). Si cette musique emprunte à celles des playlists sans début ni fin plus tôt citées – ou si celles-ci et celle-là présentent une certaine forme de cousinage, d'affinité – c'est surtout par leurs façons, voisines, de... Connecter, reconfigurer en les changeant de places, de tailles, leurs éléments – mélodies, rythmes, timbres, signes, aussi (les rythmes, la morphologie des mélodies, les choix d'harmonies sont de toute façon des marqueurs, indiquent des lieux et des moments – cette musique là sait quoi en faire pour que ce ne soient pas des tableaux « pseudo », voyages – trop – bien organisés). Seulement ici, ce mélange, ces brouillages, ces constructions/démontages/remontages ne font pas simplement habillage. Ou alors, c'est que cette enveloppement se constitue en peau – en surface de contact sensible, transmetteuse. Avec ces heures sans limite qui s'écoulent des plateformes, la musique d'Hitomi Moriwaki partage certes ce caractère « hauntologique » – flots de souvenirs et connaissances charriés, retaillés, rendu reconnaissables ou méconnaissables pour l’œil (post)postmoderne, actuel. Seulement, ici, la lassitude ne point pas, dès qu'on cesse, en écoutant, de faire autre chose – la sensation ne survient pas qu'on entend de vieux morceaux (de musiques, de genres, de bandes-sons elles-mêmes parfois déjà attifées) passées un peu indifféremment par des « traitements », des effets qui ne prendraient aucune des spécificités fines de ce qui les traverse, de ce qu'on leur ferait transformer. Bien sûr, c'est en partie, je le répète, que les plages sont courtes, et pas innombrables – le disque lui-même, ainsi, ne dure guère plus d'une demi-heure. De toute évidence, il y a plus. Si Subtropic Cosmos ne se périme pas au bout de quelques écoutes, ce n'est pas seulement du fait d'une durée courte, qui en ménagerait l'usure. C'est qu'aussi perturbés soient ses reliefs, aussi mobiles, vibratiles, ses lignes, tout y est défini – ouvert mais précis, mécaniquement, synthétiquement et biologiquement viable.

C'est un tissu, je n'en démords pas – un tissu qui raconte sans imposer un plan mais sans faire croire que là, ici, ça pourrait être n'importe quoi d'autre, du moment qu'on trouvera quel filtre sélectionner. Non... Cette lumière, ces couleurs, ont beau sortir, principalement, de programmes et de machines – ce en sont pas des nulles-parts qui seraient des n'importe-où, des n'importe-quand sans substance abstraits du monde physique, uniquement faits pour distraire d'un maintenant, d'un ici qui, sans ça, se révéleraient trop ternes et pas assez bruits. Ce sont des endroits qu'on accueille – qui nous accueillent, qui nous occupent le temps qu'on les occupe.

Très bon
      
Publiée le lundi 2 octobre 2023

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Alfred le Pingouin Envoyez un message privé àAlfred le Pingouin

Ah ouais ça va loin.