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Bell Witch/Aerial Ruin › Stygian Bough Volume I
- 2020 • Profound Lore Records PFL244 • 1 CD
- 2020 • Profound Lore Records PFL244LP • 2 LP 33 tours
cd • 5 titres • 64:19 min
- 1The Bastard Wind19:08
- 2Heaven Torn Low I (The Passage)12:54
- 3Heaven Torn Low II (The Toll)8:31
- 4Prelude4:23
- 5The Unbodied Air19:20
extraits vidéo
informations
Produit par Randall Dunn au studio Avast Recordings et masterisé par Bob Weston au studio Chicago Mastering.
line up
Dylan Desmond (basse, voix), Erik Moggridge (voix lead, guitare), Jesse Shreibman (batterie, percussions, orgue, piano, synthétiseur, voix)
chronique
L'Éternité, c'est monotone. Surtout au début. Mais on a le temps de s'y faire, de distinguer petit à petit tout ce qui se passe au ralenti, d'habituer son métabolisme à l'impression d'immobilité morose, à saisir l'infinité et le dénombrable. On a tout le loisir de bien peser tout le précieux, l'unique, et l'innombrable des poids morts, des objets inutiles – de comparer dans tout ça l'identique et l'inconciliable. On a toute latitude pour décider s'il y a ou non quelque chose à en conclure, à choisir. On n'a pas tant que ça son mot à dire, en définitive – de l'Éternel, on n'en est pas, si longuement certains moments puissent s'étirer, se dilater, envahir, inonder.
Bell Witch et Aerial Ruin font long, font lent, font lourd et brumeux, pluvieux. Des plages de dix-neuf minutes outrepassées, en ouverture et fermeture. Un balancement – au cœur des pistes plutôt qu'entre elles – entre folk absorbé, imbibé dans l'éther, comme un ester de Pearls Before Swine ou autres Antiques psychédéliques pulvérisés, épandus en bruine, en crachin, sur de vastes étendues aux parfums plus modernes, pollutions mises à jour, diffuses mais réelles au-dessus et sous et dans les forêts, les rivières ; et doom planant mais pesant, au son de suies électrifiées, nuages de charbon et de fer, haleine de limaille qui condense et grandit... Sans fin, encore. Ce disque est plein d'orgues, aussi – au pluriel, comme on dit Grandes Orgues mais loin de l'église. Les clairières – les cercles de sycomores à travers, au fond des alignements de pins Douglas ? – sont les seuls temples. Ou peut-être simplement des lieux de replis. Tout est beau, très, intimidant d'élévation, d'étendue – dont on ne voit pas la limite. Tout est affreux – horrible rappel de notre solitude et de notre mortalité, de notre impuissance et de notre capacité de nuire, de détruire. Tout est terriblement matériel – le son des riffs, des lignes de guitare qui s’enchevêtrent et se délient, les tambours et les cymbales qui scandent l'inéluctable, ces voix qui passent du délicat, presque, timbre de monologue sous le feuilles, pour les oiseaux et les insectes, les rampants, les coureurs – ou pour personne – au growlé tout en bas, dans le noir épais. Et ça ralentit, encore.
Tout est en suspend et en mouvement – imperceptible, inévitable – entre air qui stagne et grand souffle qui libère. Entre folie qui guette, dans ces grands espaces vides de compagnie humaine, et communion, consubstantiation, acceptation au-dessous et au-dessus des avanies, malheurs et joies de passage et à jamais imprimés dans les corps et les pensées, les songes et les actes. Ne seraient certains épisodes de pseudo plain-chant, quelques accès par trop « funeral » pour ça, on aurait souvent la sensation, presque – les mélodies simples et sans défaut font beaucoup, à ça – d'écouter l'un ou l'autre de ces groupes « indie » des années quatre-vingt-dix qui embrassaient, eux, rock de hippies et de camionneurs d'antan (et qui a dit que ça ne pouvait jamais être les mêmes, tiens... ?) et spleen bien quotidien, mélancolie et doutes bien de leur époque, couleurs locales et consistances de leurs jours à eux, sans tenter de rien recréer d'un âge supposé d'or. Mais encore une fois : ici, au ralentit, amené presque à l'arrêt, au point où tout devrait caler – juste avant, qu'on comprenne de bout en bout ce qui va se perdre, ce qui va perdurer, continuer après (après l'accident, après nous, après tout, après que le type au micro mouillé de réverbe fraîche tirant sur le froid ait fini de chanter le Paradis Déchiré à Bas).
L'Éternité, allez, on ne sait pas où ça mène, ce que ça veut dire – incapables, sommes-nous, d'en concevoir l'image, la possible ou l'impossible dimension. Eux le savent aussi, je crois. Enfin, peut-être. Leur version du très grand et de l'inconnaissable comme de l'ineffaçable, en tout cas, trouve sa mesure partout, ici. Ces sombres méditations – ou aveuglantes, c'est selon, c'est tout un, là – ne donnent à aucun instant l'impression qu'un théâtre s'est établi, qu'on va nous donner un bête Mystère d'Apocalypse, une Prophétie ou autre Jeu du Cirque. Non... Le trop-grand et le dérisoire vont bien à cette musique – qui va bien, elle, avec les deuils qui surviennent, avec quoi, à un moment ou l'autre, il faut bien commencer, continuer de vivre. Ce n'est pas l'un de ses disques qui braillent en prétendant oblitérer tout horizon. Il nous en montre le lointain, simplement – et aussi comme il est aisé, trop aisé, d'en toucher le fond si on en tient la ligne comme une promesse qui nous serait faite. Au-delà d'elle, il y a quoi ? Il y a, sans doute, peut-être, d'autres formes qui marchent en se demandant pourquoi – en se demandant comment, et si c'est la même chose.
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- kranakov › Envoyez un message privé àkranakov
Bon, celui-ci il m'en aura fallu du temps pour m'y ouvrir un peu : longtemps trouvé un poil trop néo-romantique, éthéré et niais avec des voix franchement médiocres trop mises en avant. Bon, et puis, faut bien que je reconnaisse que le tiers du machin, ce AERIAL RUIN, je le connais ni des lèvres ni des dents et que des deux autres, j'aimais surtout leur son absolument ENORME en concert.
Je me le suis donc repassé bien des fois, ce "Stygian Bough Volume I" au titre pas folichon et à la pochette moche. Et ça commence un peu à prendre. Certainement que d'avoir usé les deux qui l'encadrent jusqu'à l'os (et peut-être même en deçà encore) aide à saisir ce qui s'y joue. Après l'abstractionnisme de "Mirror Reaper", il fallait bien apprendre à prêter le flanc à autre chose - et le sens mélodique du groupe s'est vraiment renouvelé sur "Future's Shadow Part 1: The Clandestine Gate" - il fallait du sang neuf aussi sans doute.
Bref, ce truc, je commence à l'aime comme on aime une esquisse ou une oeuvre mineure à quatre mains - bref un truc qui donne à voir des inflexions, qui donne à rêver des choses qui ne sont probablement nulles part. Et c'est pas mal, comme ça.
Pour tout vous dire, même le final du disque je commence à l'aimer !