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Cowboy Junkies › Open
- 2001 • Latent Recordings 01143-1020-2 • 1 CD
- 2001 • Cooking vinyl Cook CD 216 • 1 CD
cd • 9 titres • 49:22 min
- 1I Did It All for You5:06
- 2Dragging Hooks (River Song Trilogy: Part III)7:48
- 3Bread and Wine4:36
- 4Dark Hole Again7:42
- 5Thousand Year Prayer4:17
- 6I'm So Open4:09
- 7Small Swift Birds3:46
- 8Benearth the Gate4:08
- 9Close My Eyes4:19
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informations
Enregistré entre décembre 1999 et décembre 2000 aux studios Chemical Sound et Beaconsfield, Toronto, Canada. Mixé par Peter J. Moore assisté, James Heidebrecht et Rudy Rempel. Produit par Michael Timmins.
line up
Alan Anton (basse), Margo Timmins (voix), Michael Timmins (guitare), Peter Timmins (batterie)
Musiciens additionnels : Jeff Bird (mandolines électrique et acoustique, harmonica, basse 8 cordes, percussions), Karin Bergquist (chœurs), Linford Detweiler (orgue, piano, wurlitzer)
chronique
Ces grésillements de guitare, d'ampli, au début, on dirait presque du Bardo Pond – époque On the Ellipse. Le genre de bruit qu'on a l'impression de percevoir directement par les neurones, les synapses, qui vient faire doucement fondre les points de contacts, l'entendement. Le morceau – I Did It All for You – s'articule ensuite en arpèges acoustiques et brise de cymbales mais trop tard : on a monté le son – pour mieux entendre ces beaux larsens de fond, avant – et l'étrangeté magnifique de l'atmosphère, du lieu, nous happe. La voix phase et se déphase – légèrement, à la limite tout juste où ça devient sensible – entre les canal de gauche et le canal de droite. Les textures électriques reviennent, persistent, mixées bas – au seuil de l'audible, là encore, on entend ces sons mais on croit n'en éprouver que l'intuition, le désir. Cinq minutes flottantes et matérielles. Puis derrière, qui vient engloutir l'espace, plonger le paysage dans sa vaste et longue coulée : Dragging Hooks (River Song Trilogy : Part III), avec sa ligne de basse au groove qui flirte avec le jazz, sa batterie qui syncope à cœur, sa guitare, encore – en tissage, dérives, impro psychédélique vivace et veloutée (comme la dionée sur la pochette – cette fleur-carcan qui dissout les insectes qu'elle piège en son calice ?) qui se mêle aux textures de claviers. Ça parle de suicide, tiens, par saut dans ladite rivière, cette chanson, à la première personne, histoire prise du point de vue de celle qui a sauté. Et puis... Cette voix !
Margo Timmins, là, n'a rien d'une chuchoteuse pâlotte, désincarnée – elle n'a, d'ailleurs, jamais été cette chanteuse là, cette bête réduction d'un séduction lointaine, effacée. Son timbre est ferme, l'intimité où nous aspirent les histoires qu'elle conte, ici, est habitée, parcourue de mouvements plein ou hors-champs, voix qui aime et proteste, multiple, contradictoire parfois, alors que les angles d'observation, de narration, changent – mais toujours sûre, incroyablement, d'une justesse pleine, d'une présence physique, rien d'une brume impalpable qu'on pourrait ignorer, chasser en entrouvrant le battant d'une porte ou d'un velux. Open est l'un de ces disques dont l'écoute, dès les premières secondes (puis tout autant in-extenso), fait voler en éclat l'image biaisée qu'on peut avoir, facilement, des Cowboy Junkies – qui n'ont jamais été ce groupe de country-folk neurasthénique à quoi le réduisent certains (peut-être sur la foi de ce nom bizarre, sur celle aussi d'une première percée publique souvent mal comprise – via la fameuse Trinity Session de 1988, disque en soit bien plus riche que la légende de beauté triste et recluse qui l'entoure encore, absurde raccourci critique que là aussi, quelques notes, quelques secondes d'écoute suffisent à disperser).
Open regorge d'électricité, oui – en nuances innombrables et courants fulgurants ou bassins immobiles, étendus, et traits effilés ou débordements qui se floutent, se redessinent, se poussent et s'attirent sans fin. Open est parcouru de rythmes magnifiquement simples et subtils, aussi – batterie qui shuffle ou pulse, toujours solide dans l'image stéréo, fiable mais jamais bêtement mécanique. Open est un disque fourmillant d'émotions, de mots qui cherchent à dire le plus nettement, possible, au plus vrai – depuis l'un ou l'autre des côtés, j'insiste, de cette mince frontière de part et d'autre de quoi l'on est vivant ou mort. J'insiste parce que ça me frappe toujours, à chaque écoute : comme les chansons de ce disque semblent la passer à l'aise, cette réputée infranchissable limite. Comme elle font advenir, décidément, ces zones, ces lieux où ce que l'on est sommé de tenir pour oublié, oubli, inconnaissable car arrivé en des temps et des places trop lointains, inconnaissables ou révolu, affleure et cohabite dans les minutes, les actes banals, quotidiens, d'un présent que pour autant elle ne change pas, à son tour, en une époque mythique, une autre fable. Si les morts, ici, parlent, c'est parce que les villes, les usines, maisons, comptoirs, drugstores qu'ils ont façonnés, construit, les forêts dont ils ont changée la forme et où ils se sont perdus, les rivières dont ils ont affecté le cours et o^ils se sont abîmés, renferment encore leur voix, la sensation de leur présence. Si les vivants les entendent, c'est qu'ils les ont connus – que ce qui restait d'eux est passé de mains en mains, dans les histoires, les aspirations, les craintes. Si les vivants chantent les morts, ce n'est pas seulement par regret, pour se racheter ou faire des hymnes. Si le morts sont chantés, veulent qu'on les chante, ce n'est pas pour nous hanter, se venger ou s'excuser... C'est pour qu'on se rapproche – que nous soyons, eux, elles, nous, à nouveau des pairs, capables de nous comprendre et de nous opposer. Bien-sûr, il y a le risque de ne plus savoir remonter, de perdre le sens dans lequel s'écoule l'eau, vers quelle mer, océan, d'emmêler les azimuts...
À la fin de Close My Eyes – chaloupe toute de piano et d'orgue, avec cette voix qui dit « sortons », si confiante, si propre à inspirer confiance – les flammèches de guitare du début, les combustions, ressurgissent, furtivement, les harmonies superbes du chant s'étant finalement résolues. Le bruit de vagues qui déferlent, cette fois, s'y mêle. Ce disque est si beau, il y fait si bon. J'aime tellement ce rivage où il vient nous poser.
note Publiée le vendredi 22 septembre 2023
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Bardo Pond
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