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Alice Donut › Revenge Fantasies of the Impotent

cd • 10 titres • 36:48 min

  • 1Rise to the Skin5:15
  • 2My Best Friend's Wife3:35
  • 3Telebloodprintmediadeathwhore3:29
  • 4What1:21
  • 5Dead River3:37
  • 6Sleep3:44
  • 7Naked, Sharp & Perfect2:53
  • 8Come Up with Your Hands Out6:36
  • 9War Pigs2:47 [reprise de Black Sabbath]
  • 10Good Pasta2:32

informations

Produit par Alice Donut et Kramer.

line up

Tom Antona (voix), Dave Giffen (guitare), Ted Houghton (basse), Michael Jung (guitare, voix), Richard Marshall (guitare), Stephen Moses (batterie, trombone)

chronique

Alice est une créature au genre fluide – changeant, multiple, métamorphique plutôt que monotonement indéterminé. Le corps d'Alice est bardé de sexes, partout – sous les aisselles, au front, il lui en pousse, en advient, à la jointure des genoux et au fond de la gorge. Des glands et des glandes, des vulves et des phallus, du mou et du dur, des grosses, des étroits, étroites, du coulant et du desséché. Des pustules et des irritations, aussi, sur cette peau, des organes et grosseurs inconnus sous les couches de derme, entre les poils, qui poussent et bougent. Il y en a qui chantent aussi, d'une voix aigrelette, marinée, une voix d'adolescence toujours un peu suintante, qui se gratte en public. Alice n'a pas plus que ça le souci de l'hygiène, Alice trouve que c'est une perte de temps et que les odeurs, c'est aussi la vie. Alice aime bien chasser le confort, la certitude dans le regard et le débit posé de ses interlocuteurs. Tous et toutes trouvent qu'Alice fait un peu flipper. Ou juste un peu plus que ça. Toutes et tous trouvent – ouvertement ou secrètement, à leur chœur défendant ; beaucoup ou juste un peu moins – qu'Alice fait envie, que ça doit être cool, cette liberté que prend Alice avec ce qu'en pense l'un ou l'autre, le champs que ça lui ouvre. Les nerds et les prom-queens, les quarterbacks et les profs d'art plastique et les techniciens de surface, les pions et les majors de promo, les sniffeurs de colle et les dealers de tickets de tombola pour les bonnes œuvres... Tous et toutes aimeraient bien aller un coup avec Alice, entre chiens et coyotes, dégommer quelques canettes au fond d'un terrain vague, dans un recoin paumé ou l'autre du désert – les faire voler au 44 magnum ou les enchaîner à gosier abrupt. Toutes et tous fantasment des concours, des exploits de jets de mucus et autres sécrétions, se demandent à quel point il faut prendre Alice au sérieux, quand Alice balance, à table ou ailleurs, ses longues histoires de gentille madame qui tourne flingueuse, ses courtes scènes croquées de désastre écologique, de corps qui pourrissent au lit des rivières mortes.

Ce troisième Alice Donut est un régal de fumets forts, astringents, bouffées de moisissures funky et autres jus gras – sucrés, salés, épicés, amers. Un disque glissant, insaisissable mais solidement boulonné, saisissant d'aise dans ses claudications arachnéennes, ses volettements en brisées et ses reptations en vitesses, efforts fractionnés. Aussi brutalement laid que sa pochette criarde, aussi impitoyablement coloré, fluo, aussi cru dans tout ce que ça raconte. Les guitares tricotent la maille de fer, la toile de verre, les riffs biscornus mais indéniablement groovy (bay-beeee) – et mémorables. La rythmique machine – du verbe machiner, comme les machines-outils et les machinations. Tom Antona marmonne ou braille, ou débite ses spoken words de reporter freak en Amérique beauf, pavillonnaire, coincée du derche et suffoquée par les recouvrements de crédits. River est un tube « en puissance », comme on dit – mais en même temps un tube néon fêlé, fendillé, qui grésille sa malédiction de fond, sans début ni fin mais en rythme pété, discontinu, un tube à essai qui fuit, bave sa contamination, virale ou fongique ou radioactive. Quand Alice reprend War Pigs (oui, celle-là même) c'est en version instrumentale – avec le trombone qui dégouline la ligne autrefois chantée par Ozzy. Ça fait une sorte de jazz de fin de campus – de fin de soirée sur le campus qui aurait tourné à l'orgie – coït ou bagarre générale (bagarre ET coït général, infection galopante, rage de tout ça qui s'attrape par le regard, le frôlement ou le partage d'une bouteille poissée). La coda, c'est encore du trombone, ça s'appelle « d'la bonne pasta » – la plâtrée de nouilles pour se remettre, sans doute, bolo réparatrice en pot qualité/prix indus ou simple bain de beurre, de margarine premier prix. Le truc, de toute façon, qui promet d'ajouter quelques tâches sur les guenilles et quelques points blancs sur la face et ailleurs.

Alice est guenilles. Alice est armure, carapace. Alice est pseudopodes. Alice est tentacules. Alice déconne en brûlant des bouts de chambre à air au bout d'un pic façon marshmallow – avant de les gober tout pareil l'air de rien. Alice utilise rarement plus de trois couleurs à la fois, comme conseillait un peintre (Chagall, il me semble) mais sait toujours comment à partir de là créer des effets de vibration, d'aplats qui braillent ou de profondeurs qui foutent la nausée – avec comme support, véhicule, un écran vidéo, cathodique bombardé de signaux, saturé, plutôt qu'une toile ou un vélin deluxe (à la rigueur, une serviette de table jetable, si possible plutôt après la fin du repas). Les œuvres, l'ouvrage d'Alice, ce sont des installations faites pour que l'art se corrode et se chante sous la douche – et bousille le pommeau, lui fasse cracher sa crasse et son calcaire, obstrue le siphon d'évacuation... MARÉCAGE DANS TA SALLE D'EAU/D'EXPOSITION.

Les disques d'Alice sont d'excellentes blagues, sales et méchantes mais au fond pas tant – moins que d'autres volumes, tous comptes faits, qui vous font le coup de vouloir vous refourguer des lendemains qui tintent dans un air purifié, aseptisé, le salut spirituel par les arts libéraux. Les farces douteuses d'Alice font d'excellents disques – de très bons moments à s'agiter, se marrer et s'affliger, prendre peur et hausser une épaule négligente avec les gens qui s'appellent Alice. Parce qu'Alice est plusieurs, oui, ici Alice par exemple, est six, et sonne comme un seul bloc en même temps que comme cent clusters discordants. Ce moche cauchemar-ci, d'Alice, est l'une de ses meilleures, de ses plus belles réussites.

Il paraît qu'un petit malin, l'autre jour, un athlète bien coiffé, a essayé de profaner le casier d'Alice, au bahut, pour y laisser un truc et puis aussi tenter de comprendre. On ne l'a plus jamais vu sur le terrain. On ne l'a plus jamais vu. Certains, dans les couloirs, jurent l'entendre parfois, qui à son tour entonne des saloperies d'un timbre de crécelle, dans les conduites d'eau des ouatères, à travers l'hygiaphone du ciné pour adultes ou dans l'écho fêlé de la sonnette du comptoir, au drugstore, pendant que s'allonge la file ou se tient aussi Alice, rictus à peine visible.

Très bon
      
Publiée le mardi 19 septembre 2023

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Dioneo Envoyez un message privé àDioneo
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Ouep, cette ligne de basse comme prise de contact, j'avoue, ça marche à tous les coups ! Bon, puis (Damn That ?) Dead River, et Come Up With Your Hands Out en guise de conte glaçant avant ledit Sabbath à Coulisse... Il a vraiment de quoi, ouais, c't'album.

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Raven Envoyez un message privé àRaven
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Ah oui coup de génie sur War Pigs (FNM ont étonnamment été bien plus académiques sur ce coup)...et un album qui vous choppe avec une telle ligne de basse, façon Waiting room, a de solides arguments.

Dioneo Envoyez un message privé àDioneo
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J'ai rencard avec Alice. Celle aux chaînes se fait excuser. M'envoie sa cousine aux pattes d'arachnide. J'y perds vraiment que dalle au change - question rencontre mentale comme question sensations.

Message édité le 04-09-2024 à 12:00 par dioneo

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