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Screaming Trees › Uncle Anesthesia

cd 1 • 13 titres • 47:06 min

  • 1Beyond This Horizon
  • 2Bed Of Roses
  • 3Uncle Anesthesia
  • 4Story Of Her Fate
  • 5Caught Between
  • 6Lay Your Head Down
  • 7Before We Arise
  • 8Something About Today
  • 9Alice Said
  • 10Time For Light
  • 11Disappearing
  • 12Ocean Of Confusion
  • 13Closer

informations

line up

Gary Lee Conner (guitare, chœurs), Van Conner (basse), Mark Lanegan (voix), Mark Pickerel (batterie, percussions)

Musiciens additionnels : Chris Cornell (chœurs sur Uncle Anesthesia, Before We Arise et Alice Said, flûte à bec sur Lay Your Head Down), Scott Sundquist (chœurs sur Alice Said), Terry Date (chœurs sur Alice Said), Jeff McGraph (trompette sur Disappearing)

chronique

Alice in Chênes ? Elle était facile. J'enchaîne ? Bon sang de cuiller : c'est vrai que cette singulière pochette à la Lewis Carroll meets Burroughs a quelque chose d'onirico-drogué pas piqué des hannetons, qui invite mushamment à aller voir en-dessous de sa vision pétée... Et de se prendre la cavalcade en roulis et halos "Beyond This Horizon", tendre bourrasque d'évidence, puis "Bed of Roses" avec cet écho d'un Mark semblant déjà passé de l'autre côté. Puis... Puis tout qui s'échappe du plancher des lâches, arraché en beauté, servi sur le mode d'une fugue magique, d'un débordement d'inspiration, irrépressible. Les échos, et les mirages plus vrais que la réalité dans ces échos, dans les entrelacs de guitares conneriens, dans les mélodies qui frisent et rayonnent. Cette musique a des airs d'oiseau rare, ces musiciens ont des ailes dans les mains, les voix. Tout va bien se passer, dans ce monde électrique étincelant, distordu mais bienveillant, où les ravissements souvent fugaces semblent former des colliers infinis. La route qui passera par plein d'États jusqu'au Mexique est tracée par le génie multibras, sa ligne continue est un scoubidou magique, ondule comme cobra charmé. Les guitares tressent des fleuves, Conner est un magicien (exemple parmi tant d'autres : "Caught Between", suprême de Trees). Le chant chavire, sauvage et élancé, mélancolie coude au vent. "Lanegan, ça vous gagne", mais là on va plus loin, dans cette beauté pure qui jailli du gosier déjà craquelé, transcende la voix de ses maîtres et ne ressemble qu'à elle seule. L'arbre à cames (...), pièce essentielle de la tire, travaille dur ; pourtant tout semble évident, mué par cette fluidité d'âme émancipée de sa carcasse. On ne sent aucun effort dans ce caillou. Qu'une sensation assez grisante, dans tout ce Soleil en brisures vibrionnantes. Le rock de Screaming Trees coule de source, chaude. Mange les décors sans se soucier du sillage. Ou alors juste en marquant un arrêt à la station Gravité, pour que Lanegan et ses ombres de main râlent le diamant brut "Before We Arise"... Nous pensions aller jusqu'à pétaouchnoque avec ces quatre garçons dans le van ? Nous sommes arrivés au Pays de Cocagne. Il ressemble à l'Amérique, mais le sucre n'y écœure pas. Il offre des chansons de passage, entre deux mondes. Il crache une énergie unique, et ces refrains d'archange en chemise à fleurs ouverte aux succubes diurnes, tétant sa sucette à cancer en scrutant au-delà des collines dorées. Là-bas où défilent les arbres, où le paysage fuse, une vie accélérée. Les guitares des Conner sont cet émerveillement de chaque instant, ce grand jardin délicieux, où ce rock s'exprime dans toutes les teintes de lumière. Des branches fleuries d'Arbres Hurlants, a jailli cet album ultra-fluide aux motifs enchevêtrés, dont la légèreté et le débraillé apparents cachent ce talent insolent. Si familier, et surnaturel. Féérique est le nom d'une intoxication : c'est aussi ce que nous dit Tonton Anesthésie, l'ami du petit déjeuner.

note       Publiée le lundi 18 septembre 2023

chronique

L'Oncle Anesthésie... OK, mais les Trees ont l'air plutôt de sortir tout neufs d'un sommeil réparateur ! Les silhouettes épaissies (c'est arrivé quand ?! Ils ont acheté de la bouffe plutôt que de la dope avec l'avance d'Epic Records ou quoi, en ces temps fastes – et très éphémères – du grunge?!) mais l'air tout à fait alerte, rien qui sonne pris dans la mélasse. Lanegan a complètement fini sa mue – a trouvé son crooner, est devenu « le notre », celui sans doute dont désormais se souviendront à jamais celles et ceux qui l'auront écouté, l'écoutent. Le groupe ose jouer aéré – mais c'est toujours vibrant d'énergie, vert comme on dit d'un bois et à la fois électrique, crépitant. Le son – luxueux, tellement plus sophistiqué que celui des débuts, de quoi que ce soit avant, d'eux – n'engourdit pas cette musique vive, lui ouvre seulement un autre espace, inédit, vierge. Le groove, parfois, part limite country – comme sur l'un ou l'autre vieux R.E.M. mais en plus pressé, en moins enveloppé de mélancolie gazeuse, aussi. Chris Cornell – co-producteur du disque – se pique à un moment d'une sorte de charmante plaisanterie, un solo de flûte à bec. Quand Lanegan se permet une sorte d'élégie, d'accès de lyrisme, ça donne Before We Arise – qui descend pile à la profondeur qu'il faut pour qu'en perçoive la lumière qui chute, qu'on s'y sente bien caché sans que ça tourne au solennel. Puis il y a même de la trompette, tiens, plus loin – sur Disappearing, qui est une chanson vraiment pas mal Doors, où Lanegan parvient à évoquer Morrison sans jamais frôler le grotesque (et puis encore cette guitare qui drone aigu... Merveille, en fait, cette piste).

Uncle Anesthesia n'atteint pas tout à fait à cette forme si particulière de sérénité où les trouvera Sweet Oblivion. (Vous avez remarqué, en passant, l'effet miroir : anesthésie, doux-oubli... c'est pourtant pour l'un et l'autre disque, une musique qui reste, qui ne s'efface pas – et qui ne noie, n'oblitère rien dans une tristesse morne, une hypnose grisée). Sweet Oblivion n'aura plus cette tension presque heureuse – cette joie mate, ces tourneries de guitare presque « celtique », aux timbres de cornemuses psyché (Gary Conner avait trouvé ça sur Buzz Factory mais ici, ça prend toute sa dimension). D'ailleurs, pourquoi « presque ». Uncle Anesthesia, comme celui d'après, a quelque chose de rayonnant – d'éclatant, bruissant de vie, pas du tout évidé, la nervosité des premiers disque s'étant pourtant tout à fait résolue, dissoute, transformée en une plus moelleuse substance. Je vois toujours ces deux disques comme deux volets – d'une scène ps figée en tableau... Dust en est peut-être le troisième mais curieusement, j'ai beaucoup moins écouté Dust... Ça aussi, quelque chose me dit, m'étant replongé dans tout ça, que ça viendra. Mais pour l'heure, donc : Uncle et Oblivion – deux de ces disques rares pour quoi le vieux cliché critique, « disques de la maturité » n'augure rien de pénible, de renoncé, bêtement résigné. Deux saisons d'une même unique année (comme période d'une vie, pas comme l'année platement civile, 1er janvier/31 décembre), ou deux phases d'une même saison, de répit et d'accomplissement à la fois. Deux points sur la carte d'une « americana parallèle », alternative – débarrassée du souci de rejoindre un panthéon (les « héros culturels » d'avant, ceux de la « contre-culture » compris), autant que celui de faire musée, de jouer en panoplies.

Au fond, tiens, c'est peut-être ça, « le grunge », ce qui relie tous ces groupes, cette scène sans consistance stylistique réelle, au-delà des questions de coordonnées géographiques et temporelles : tous et toutes parlent et jouent depuis un espace à part, où semble-t-il, toutes et tous essayent de vivre. Un lieu où tout ce qui se fait en prise directe – quelles que soient les relatives complexités de formes à quoi ça puisse aboutir. Une musique qui investit ces territoires décrétés par d'autres comme « terres de la lose » pour en tirer matières vitales et imaginées, un plan d'existence indécrottablement pragmatique et poétique. En ça – toute amplification dehors et sans chapeau pour se déguiser en old-timers, en surchemise seulement parce que ça meule, dans l'état de Washington, une fois l'été fini – le grunge serait une sorte de folk, en substance. Un truc qui raconte – en inventant des canevas, des textures, une voix, mais sans chercher à forger des mythes, une mythologie à révérer. En ça, alors, si c'est ça, oui : Uncle Anesthesia, c'est du grunge. C'est est même jusqu'à la moelle. Jusqu'au moindre des bleus qu'on se choppe à tenir la cognée aux heures du matin, du jour, du soir où la cheminée réclame son aliment.

note       Publiée le lundi 18 septembre 2023

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Cera Envoyez un message privé àCera

1ere écoute. Je suis déjà à la maison.

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Dioneo Envoyez un message privé àDioneo
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Sachant donc que les débuts sont bien différents ! Mais oui, je ne saurais trop t'y inciter... En commençant peut-être par la Lanterne Invisible, qui fait une belle transition, entre les deux "périodes" - en plus d'être tout court et très immédiatement bonnard !

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Cera Envoyez un message privé àCera

J aime quasi tout ce qu a fait Lanegan a partir de sweet Oblivion, et je n' ai jamais pris le temps de jeter une oreille a ce qui précède. A vous lire, il est urgent que je répare cette erreur.

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born to gulo Envoyez un message privé àborn to gulo

Magnum Opus. Tu m'étonnes qu'il écœure pas : il est brûlé, ce sucre. Dans une cuiller. Album aussi beau et paradisiaque qu'il est amer et écorché : à l'extrême. A peine soutenable. Sans aucun répit. Sublimation du manque éternel de... quelque chose. Déchirant concentré d'âme de Lanegan, pas loin de penser que c'est mon préféré.

Message édité le 18-09-2023 à 10:18 par born to gulo

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