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Screaming Trees › Sweet Oblivion

cd • 11 titres • 46:33 min

  • 1Shadow of the Season4:34
  • 2Nearly Lost You4:07
  • 3Dollar Bill4:35
  • 4More or Less3:11
  • 5Butterfly3:22
  • 6For Celebrations Past4:09
  • 7The Secret Kind3:08
  • 8Winter Song3:43
  • 9Troubled Times5:20
  • 10No One Knows5:13
  • 11Julie Paradise5:05

informations

Enregistré par John Agnello aux studio Baby Monster et Seat Sound, NYC. Mixé par Andy Wallace au studio Quantum, Jersey City, NJ.

line up

Gary Lee Conner (guitare), Van Conner (basse), Mark Lanegan (voix), Barrett Martin (batterie)

chronique

Boisé, oui, ce Screaming Trees... Automnal – il paraît que c'est un mot qui revient tout le temps à leur propos, pour cette période de leur disco, au moins mais comment dire, qu'on me comprenne bien ? Pour ma part j'ai appris depuis longtemps à aimer l'automne – et plus encore maintenant que je vis dans une région pleine de forêts, de feuillages qui changent vraiment, pendant ces mois, où il n'y pas que deux saisons grosso modo mais d'infinies infimes ou spectaculaires variations. Je la trouve belle, oui, cette période – ombres et bouffées de froid, pluies comprises. J'aime ce qu'elle offre de replis possibles – pas pour fuir le monde mais pour se poser un moment entre ses murs ou sous l'intempérie, faire le point en ayant enfin cessé un moment de suer, de cramer... Et j'aime ce disque – le premier d'eux que j'ai écouté, en plus, très souvent, et à l'époque de sa sortie, ça doit jouer, c'est sûr. Je l'ai toujours trouvé « cabane » – plein d'odeurs du dehors et du dedans (feuilles tombées humides, terre, bois encore, étoffe épaisse imprégnée feu de camp, pluie séchée, décidément...). Un peu comme le Jar of Flies d'Alice – à cette grosse différence près qu'il n'est pas plombé par l'acceptation rampante d'une espèce de malédiction, le dégoût de soi... Plutôt une autre sorte de fatalité, une résignation mineure et en quelque sorte joyeuse – ou du moins apaisée (amor fati nous diraient les philosophes dans le texte, mais Mark Lanegan et ses camarades n'ont pas le temps pour la philo de salon, eux ; ils ont tout le jour devant eux mais aussi un tas de bûches à fendre avant la tombée de la nuit).

J'ai commencé par celui là, donc, avec les Screaming Trees. Et j'avoue : sur le coup je n'ai pas complètement compris ce que ce groupe pouvait avoir de « grunge ». Plutôt, ou disons très vite, je me suis dit, en le faisant tourner encore et encore, que décidément, ça ne voulait pas dire grand-chose, « grunge » – en tout cas en tant que genre, sur le plan de la forme. Peu importait, peu importe... Aussi : très vite, j'ai eu l'impression que ce disque, ce groupe, avaient tout ce que je n'avais jamais trouvé chez Pearl Jam – groupe que j'avais essayé d'aimer, dont j'avais acheté le Ten, à peu près à la même époque, les yeux fermés, pour tout le bien que j'en avais lu. Mais non... Jamais ça n'a pris. Un truc me bloquait – au-delà de la voix très Papa d'Eddy Vedder, mais au fond assez lié à ça, comme l'impression qu'il y avait derrière ça une prétention à la musique « adulte », à un grand sérieux qui m'ennuyait à chaque tentative. Mais revenons à ce Sweet Oblivion ! J'y revenais, précisément – et précisément, j'y trouvais ce qui manquait à Ten, et sans ce qui me plombait Ten (puis quelle idée d'appeler Dix son premier album, aussi, déjà...). Une musique « mûre », là aussi, certes – avec « de la bouteille », jeux de mots inclus et même sans ça – mais pas contrainte dans un cadre, comment dire... Allons, osons : AOR, comme ils disent là-bas (pour Adult Oriented Rock) ! Parce que là, il reste de l'air qui entre – quelque serré, parfait, que soit l'assemblage. Aussi bien que ça puisse jouer, chanter – et il n'y a qu'à enchaîner Clairvoyance (ou l'un des deux suivants, au moins, même) et le ci-présent Oblivion pour mesurer les progrès du groupe, sur ce plan, dans l'exécution ! Les frères Conner groovent désormais souple et musclé, Gary Lee (le guitariste) riffe et balance des solos, des chorus, en acrobate nonchalamment précis, le son est imbibé d'un psychédélisme léger, épais et fluide mais placé juste ou il faut, loin des débordements garage sixties/bien-trop-de buvards des débuts. Et Lanegan, bien sûr, croone maintenant à merveille dans tous ses registres – éraillé mais chaleureux, articulé mais coulant, une voix qui s'imprime sans chercher à griffer, le gravier d'avant maintenant concassé en voile de poussière caressante.

Oui, Sweet Oblivion, c'est déjà du grunge de vieux – du post-grunge, si on veut. Mais de vieux encore en pleine possession de leurs tendons, des mecs qui ont passé l'étape amour-de-la-crasse-pour-la-crasse mais ne se sentent pas pour autant inclinés à tout lisser, tout nettoyer, qui laisse les traces là où elles font sens et matière. Sweet Oblivion – comme Dust ensuite, oui – c'est aussi, certes, déjà un bon point de vue sur ce qu'allait devenir Lanegan en solo, bientôt (avec parfois, de loin en loin, au moins au début, les potes qui passeraient faire coucou et prêter la main – anciens membres des Trees ou autre grungeux et affiliés, camarades de cette espèce de scène). La différence étant qu'il reste encore beaucoup, BEAUCOUP d'électricité, là-dedans – canalisée ou pas, son luxueux ou non ! Une électricité que cette prod magnifique, magnifiante, n'arrive pas à faire sonner comme une survivance de vieux hard rock défraîchi – qui à la place jaillit fort, torrentielle ou ruisseau, douce ou bouillonnante mais toujours limpide. Un courant vivifiant – une dernière fois, avant de regagner l'appart' en ville ? (Ou avant-dernière, plutôt – vu que Dust suivra).

J'avoue, aussi : en retournant à ce disque, il y a quelques temps, j'ai craint de ne plus tellement l'aimer – de le trouver trop long, trop parfait, déserté par cette fraîcheur fatiguée mais lumineuse que je lui trouvais alors... Erreur. Sa jeunesse – finissante, oui, mais qui s'accrochant à ça y trouvait une force singulière, une animation sans pareille – est restée intacte. Ce disque prend son temps, c'est un fait. Mais c'est – sans doute – qu'il faut dire au-revoir comme il faut, que ces choses là ne se bâclent pas. Lanegan peut bien chanter que « Jésus frappe à sa porte », ça ne me donne pas envie de me gausser – ou de lever le sourcil en me disant « OK... Cool pour toi ? », comme immanquablement ça me ferait, sorti d'une autre bouche, serti dans une autre musique, à un autre moment. Mark peut bien se déclarer, se constater « déchiré comme un vieux billet d'un dollar », d'un timbre lavé au bourbon – je n'y entends toujours pas une parodie de Tom Waits, du Clochard Céleste en périodes aléatoires, automatiques, tic de genre ou pour faire genre. Et Gary Lee Conner, donc, peut bien s'étaler, faire déraper la Wah, phraser sans fin – je ne perçois jamais dans ce jeu le goût nécrophile d'un revival qui irait déterrer Lynyrd Skynyrd, Aerosmith ou tout simplement Hendrix, en faisant « comme si » (comme s'ils étaient encore là, ceux-là ; comme si ce-frère-Conner-ci, en l'espèce, était la réincarnation de l'un ou l'autre des guitar heros en question, comme si le Lollapalooza était un nouveau Woodstock en mieux...).

J'aime toujours Sweet Oblivion, oui. J'ai passé depuis un moment le pas d'aller voir, écouter, ce qu'ils avaient pu faire avant – et grand bien m'en a pris. J'entends mieux, aujourd'hui, comment ça peut être les mêmes gars, qui jouent – sur l'un ou l'autre disque, d'un bout à l'autre de leur discographie, avec ce grand écart de styles (relatif mais réel – ça reste toujours « du rock », mais pas/même si pas du même). Je saisis bien mieux ce qui s'y accomplit – ce qu'ils achèvent. Bientôt, on le répète, il faudrait passer à autre chose – et bientôt, ils le feraient. On le sait, vu d'ici : des quatre ici présents, il n'y a guère que le nom de Lanegan qui connaîtrait une certaine postérité, une vie publique plus loin que le fameux et chimérique « cercle d'initiés »... Tant pis ou tant mieux – pour nous, pour eux, on ne saura pas, et ce n'est pas la question. Ils disent que l'Oubli Est Doux – et métaphore ou pas (narcotique ou autre chose) il se trouve, n'empêche, que dans l'intervalle, je n'ai jamais cessé de connaître ce disque par cœur ou à peu près.

note       Publiée le vendredi 15 septembre 2023

chronique

"In the shadow of the season" nous râle, sensuel en diable, l'ange abîmé Lanegan sur les succulents premiers instants du Doux Oubli... Mais quelle saison, au fait ? Sweet Oblivion est un album automnal, nous dit ci-haut le Dioneo. Peut-être pour sa piteuse pochette "le temps, détritus" qui ne le représente guère, avec sa photo de groupe incorporée à l'arrache dans ce vieux tableau de bord pourri. Mais avant tout pour le pur joyau moiré "More or Less", vrai morceau désabusé du disque, déchirant en toute nonchalance. Et dont la teinte feuille morte indéniable me rappelle combien la discographie de Screaming Trees a comme des airs d'herbier vivant, vers lequel on revient en en redécouvrant sans cesse les couleurs, car de page en page elles changeront selon notre humeur et notre âge, nos moments de vie. C'est une des forces secrètes de Screaming Trees : leur extrême malléabilité dans nos humeurs. C'est un groupe qui n'a l'air de pas grand chose, mais qui attend chacun d'entre nous. Il m'a fallu une dizaine d'années pour rencontrer Sweet Oblivion. Il n'est jamais trop tard.

Disque d'automne, Sweet Oblivion ? "Winter Song" ou pas, je le trouve pour ma part étrangement printanier, ce Doux Oubli, comme le suivant et d'autres d'eux. Voire estival - si on parle d'une fin d'été, de dernière chance de romance avant la rentrée, les résolutions, la défoliation... Oui : d'un apéritif à l'automne, un apéritif qu'on voudrait infini. Sweet Oblivion, dans la véranda entre mes oreilles et mes émotions, vit les derniers jours chauds d'un août mourant. Et pas seulement parce que "Cry, cry, Butterfly, heard it on the wings that you're going to die" : un peu tout dans ce disque inonde d'une douce lumière enveloppante, celle d'une après-midi de pique-nique rock éternel dans les Nineties. La mélancolie des boutons d'or qu'on se passait sous le menton étant mioches, et qui nous faisaient dire "t'aimes le beurre ?" Excepté sur l'intro et son roulis zeppelino-airplanien, on est plus vraiment dans le flux, comme sur Uncle ; mais dans le fût (pfff) de ce qui fut (vraiment ?) Aaaah, c'est tellement tendrement éblouissant Screaming Trees, si singulièrement émouvant et subtil et vibrant, sans dé-conner j'en chialerais de gratitude devant un portrait géant des regrettés, si je n'avais cette sobriété et cette pudeur coutumières à défendre !

Le tube "Nearly Lost You" suffirait à lui garantir une place aux Champs Élyséens en dépit des péchés du p'tit père Mark, tellement il est mignon de chez meugnon - la sonorité de guitare de Conner y surclasse en génie l'invention de la paille coudée - mais il est loin d'être seul a juter de lumière, dans une humeur d'adieux doux-amers... Le Soleil tendre à travers les arbres coule comme le miel du ciel, dans ce petit disque, pas si petit qu'il en a l'air en réalité (qui prend toujours de belles teintes à son écoute). Dois-je redécouvrir sans cesse Sweet Oblivion, pris dans cette boucle exquise ? Car au départ, dans cette lumière, je ne voyais au début que celle du seul album "qui a vendu", un peu leur Nevermind, un proto-Dust post-Uncle Anesthesia, album consensuel-générique "des Trees", dont tout le monde parle pour ne pas évoquer les autres. La lumière d'un Caprisun, plus que d'un jus d'orange maison, de l'album qui cache la forêt - "pin untended" - d'une discographie un peu plus qu'honorable. La réputation de Sweet Oblivion m'a longtemps laissé perplexe, oui. Jamais je ne l'ai trouvé mauvais, hein... Juste un peu plat, un peu comme euh, un CD. Je trouvais que son intitulé lui allait comme un gant : agréable, et puis aucune empreinte en tête. Douzoubli me glissait dessus comme l'eau sur le plumage du connard. Il a fallu malgré tout y revenir à cette lumière, à cette couleur - faut dire aussi qu'un disque déposé avec ses mimines, même d'apparence aussi dérisoire, j'ai encore du mal à me dire que c'est tout pareil qu'une écoute "survol auriculaire, trempette" en deux clics ; plutôt que ça incite aussi au minimum d'insistance... Salutaire. Sweet Oblivion ? Sweet Obsession.

Je pensais ne jamais l'aimer vraiment. Je suis vivant. Sous ses airs de récréation la passion y est reine, ne serait-ce qu'à travers les "Goodbye Mama" sur "Dollar Bill", on sent bien que Mark y met des bouts de lui. Et désormais j'attends quasiment chaque morceau comme un gâteau en fin de repas... Ouais, je sais, je me mélange un peu dans les moments avec mes apéritifs de dessert de pique-nique de printemps de fin d'été : mais c'est un peu ça, en fait, ce bougre de Sweet Oblivion ! Que dire par exemple, de ces "I believe in you, must be a crying shame", à mettre au rang de ce que Mark a fait de plus... euh... Beau ? Le qualificatif n'est jamais trop employé quand on parle de Lanegan. Et ce sixième album exprime souvent cette candeur typique des Arbres, comme sur "No One Knows" et ses relents Hélène et les Grunge-çons (je suis plus à ça près) dans un blues rock ultra cosy, ou le final "Julie Paradise" laissant cracher les étincelles en tagliatelles des six cordes de Lord Conner (les titres de noblesse sont interdits aux citoyens américains depuis 1810, mais nous ferons une exception pour ce garçon). Sweet Oblivion, c'est aussi cet album de rock le plus sympathique du monde, tout de rouille qui brille, un peu triste, un peu grave, et surtout magnifique, sous sa légèreté apparente, une musique aux airs d'odeur de croissant tout frais transformée en rock, baigné d'une douce mais tenace lueur de Paradis des braves salauds. Suivez la voix de Mark dans le parc : vous verrez cette lumière.

note       Publiée le dimanche 24 septembre 2023

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Note moyenne        9 votes

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Giboulou Envoyez un message privé àGiboulou

Comme Raven dans sa chronique, j’ai mis du temps à l’aimer à sa juste valeur celui-là. Le son - très âge d’or du grunge, 1992 - y était peut-être pour quelque chose. Je le trouvais un peu trop confortable cet album. Puis, il y a quelques années, j’ai enfin vu la lumière : la qualité de chacune des chansons présentes est simplement incroyable, Lanegan est comme d’habitude immense (quel chanteur - j’enfonce des portes ouvertes mais quand même !). Et puis, le petit nouveau, Barrett Martin apporte un truc nouveau. Avec son groove 70’s, joué au fond du temps (alors que les albums précédents sont joués sur le début du temps, d’où l’urgence qui parsème la première partie de carrière), il apporte ce côté très zeppelinien. D’ailleurs, dans son autobiographie, Lanegan se moque gentiment (sur le mode grand frère) de sa culture musicale qui se limite à…led zeppelin ! Je crois vraiment que ce batteur (en plus d’être magnifique à regarder jouer sur les différents lives dispos) a vraiment un charisme discret qui explique les « vibes » de ce disque, de dust et d’above de mad season (dans le livret duquel il est justement crédité des « vibes »!). Ah, et, au passage, More or Less et Troubles Times sont magnifiques.

Message édité le 25-09-2023 à 19:48 par Giboulou

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Raven Envoyez un message privé àRaven
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Héhé... maintenant c'est "For Celebrations Past" qui me colle comme une feuille au pare-brise du demi-neurone, "I-I-IIIII beeelieeeeve in - YOU... must be a cryin' shame..." (raaaah ! RAAAAAH CÉTROBO !)

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Dioneo Envoyez un message privé àDioneo
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Je m'étais pas foulé, faut dire !

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born to gulo Envoyez un message privé àborn to gulo

Hahaha je l'ai celle-là.

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Dioneo Envoyez un message privé àDioneo
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Eh eh, bah tu l'as retrouvée, ta cinquième bouboule jaune. (Tu l'avais presque perdue, là ...).

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