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Tad › God's Balls

  • 1989 • Sub Pop SP27 • 1 LP 33 tours

cd • 11 titres • 40:28 min

  • 1Behemoth4:10
  • 2Pork Chop4:22
  • 3Helot2:58
  • 4Tuna Car2:37
  • 5Sex God Missy (Lumberjack Mix)4:29
  • 6Cyanide Bath3:37
  • 7Boiler Room4:49
  • 8Satan's Chainsaw3:10
  • 9Hollow Man4:05
  • 10Nipple Belt3:17
  • 11Ritual Device2:50

extraits vidéo

informations

Enregistré au Reciprocal Studio, Seattle, par Jack Endino.

line up

Kurt Danielson (basse), Tad Doyle (voix, guitare), Gary Thorstensen (guitare), Steve Wied (batterie)

Musiciens additionnels : Jack Endino (chœurs sur Cyanide Bath)

chronique

Tad, ça ne vend pas du rêve. Ça ne vend rien, d'ailleurs, ce groupe, ça ne vient pas et on ne vient pas pour ça. Ça ne vous fait pas l'article sur Seattle – sa scène florissante (mais alors pas encore mondialement célébrée), sa tour-Aiguille-de-l'Espace, les lacs et les forêts autour. Ça ne fait pas la promo d'une « attitude » – pas de bains de sang spectaculaires à la Unsane, pas d'épouvante psy à la Helmet, qui donnent l'impression de vivre dans un monde de fictions flippantes mais au moins intenses... Non : chez Tad les tourments c'est l'ennui, la routine – quand tu croises Behemoth et ses commensaux, c'est qu'une autre bande de losers vous a entrepris, toi et tes potes, entre la turne et le bar, le bar et le bar ou le bar et la turne... « Bastoooon » – et franchement, pas que quoi être fier (you will fall down motherfuckeeeer... ça fera une anecdote pour accoler à la gueule de bois de demain – à supposer que l'un de vous ait encore envie de se souvenir de la rixe et du reste).

Grunge ordinaire, oui – tout gris mais qui groove lourd comme Unsane ou Helmet, disais-je, question sécheresse de frappe ; sauf qu'eux sont sapés moins net, encore, la casquette siglée/maculée au mieux Texaco. Comme du Melvins, j'ajoute – on dit souvent... Un peu, pour le fond commun de boogie moulé dans la brique, les parpaings – mais le fun moins affiché, la mine renfrognée plus casuelle, sans le délire autour de Kiss ou des textes en langue non-sens/onomatopée. Non... Tad, ça raconte ce qui leur passe par la tête, à ces gars – celle de Tad Doyle sans doute, surtout, question textes, mais tous sont dans cette même ambiance, aussi. Donc : échauffourées sans gloire particulière, encore, bouts de monologue de tueur en série pas sexy (Nipple Belt, qui fait causer Ed Gein – l'inspirateur de Leartherface entre autres ; histoire vraie plus sordide qu'autre chose), histoire de bruits de tronçonneuse (décidément) qui n'augurent rien de bon... Du fait divers, donc, en plus du rien-à-foutre-dans-ce-bled. Doyle braille salement, quand-même – plus que la moyenne, ouais. Les riffs sur quoi il s'épand tachent bien, aussi – mais on s'en fout de la ravoir ou pas, hein, la surchemise. Les soli de gratte sont souvent des espèces de nappes – figés dans une réverb qui les fait sonner comme des grincements de machines, des espèces de stries synthétiques déglinguées. Des bruits d'industrie – c'est ça en fait : j'ai toujours trouvé à Tad quelque chose « d'indus » ! Un truc qui les rapprocherait – en plus de ceux précédemment cités – de groupes genre Ministry et consort, pour cette façon d'exposer en ayant l'air de n'en avoir rien à battre les travers les plus cradingues de nous-autres, l'espèce humaine. Mais là encore : sans le délire débordant du gars Jourgensen, sans jouer aux showmen de la noire noire exultation. Une manière de conter ça comme un détail sans importance vu en passant, dans le bus ou depuis là, à l'épicerie ou aux infos. Ou comme une blague balancée sans sourire, le ton le plus plat possible – c'est à dire, en fait, une manière de ménager ses effets, de les réserver à qui saura choper l'astuce... Ça se mérite ? Naaan... Même pas vraiment. Les autres, au concert, continueront de se secouer la tronche comme des abrutis...

Ordinaire ? OK. Jouant ça. S'y cantonnant exprès – ne pas s'élever, mais ne pas essayer de donner l'impression qu'on creuse vers l'enfer comme un bâtard issu de là pour retrouver Papa et le reste de la famille. (« Behemoth » oui mais, on vous l'a dit : c'est sans doute juste un poivrot de plus !). Tad avaient déclaré, avant de faire cet album, le vouloir « dénué d'harmonie et de mélodies ». Raté ? Pas vraiment. Puisqu'en effet : tout là-dedans est cloisonné par le rythme tapé, enfoncé – tout est cloué là-dessus, par ça. C'est plein de « hooks », au vrai, sous la ferraille – mais ce n'est pas ça qui compte... Tout est riff : les cris, les guitares, les motifs obtus et obsédants des toms... Tout est maintenu dans un spectre dense mais scrupuleusement délimité, aussi – barre de plomb riveté acier, épaisse mais surtout parfaitement rectiligne, d'une teinte faire pour ne pas ressortir. On dirait toujours que Tad n'a qu'une vitesse. On dirait toujours que Tad ne veut pas qu'on vienne faire ami-ami. (« Ouais, notre disque, ils s'appelle LES COUILLES DE DIEU ! Y'a quoi, ça te fait marrer, tu crois que t'as saisi la farce ? Ouais, j'ai pas le temps, là... Allez, au pire paye moi une bière, tu veux... ».

Écouter Tad c'est croiser encore ce mec qu'on voit tout le temps aux concerts, avec qui on échange toujours les même deux-trois phrases, dont on ne sait jamais s'il est un poil complètement con, seulement timide, ouvert à tout mais cette fois-ci encore venu pour triper seul dans son coin sur les groupes qui jouent ce soir – pas pour engager vraiment quoi que ce soit avec autrui, au-delà du moment... Écouter Tad, c'est se rappeler ces types et ces meufs, au lycée, qui n'avaient jamais l'air de vraiment se mêler aux autres mais que tout le monde saluait toujours, geste d'une lointaine connivence – des gens habillés en noir mais du noir passé, no-look (même pour ces années là où ça deviendrait bientôt un look, le no-look), pas du genre qu'on va faire chier mais dont on se dit que ce serait cool d'en croiser l'un ou l'autre un de ces coups en soirée, histoire de savoir si comme on soupçonne, on vit la même vie, sauf qu'eux, elles, ont déjà laissé tomber l'idée de savoir où ça mène. (On le sait bien, à la fin, où ça mène, d'ailleurs – pas la peine non-plus, ça, d'en faire un roman-fleuve à frous-frous gothiques). Écouter Tad – écouter God's Balls – c'est un plaisir qui se savoure sur la longueur, de retour en retour, ce familier qu'on n'a pas besoin de décortiquer parce qu'on n'a pas envie de prendre pour de quelconques arcanes tous ces instants et conformations de lieux, toutes ces heures qu'on passe à faire les choses qu'on fait (qu'on doit faire, qu'on sait faire, qu'on a décidé ou pas de faire...), et qu'on n'a pas envie de prendre pour des « rituels » ou quoi ces moments où on se lâche, où on ne pense qu'à ce boucan confortable et malmenant où on se plonge, le temps de... Tout y est « mi-mid », c'est vrai – mid-tempo, milieu du spectre (c'est grave mais pas caverneux, crissant mais pas strident...), mi-débile mi cérébral, à hauteur de l'espace qu'il reste dans une tronche, pour élaborer, croquer des bouts de chansons, traversant au volant une banlieue vide ou l'autre, marchant un peu claqué vers la piaule...

On en revient à ça : Tad, c'est de la musique qui va, de la musique POUR ALLER d'un point A à un point B. Du son qui absorbe et débite tous les incidents, accidents, avanies qui pourraient survenir au milieu, dans le premier ou dernier tiers, à n'importe quelle hauteur du trajet. De la musique de piéton avec un casque sur le crâne et les mains enfoncées dans les poches – là où se trouve le walkman à cassettes, si on tient au détail historique dans l'image. Ou de la musique au volant, voilà, donc – le son de l'autoradio poussé assez fort pour noyer le vrai bruit inutile et vulgaire, banal, du dehors. Pas besoin de plus, certainement rien de moins. Puis si ça colle à ce point au crâne, ensuite, ça doit bien être que ce n'est pas tant que ça taillé pour ne rien dire, ne rien faire.

note       Publiée le vendredi 15 septembre 2023

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    Giboulou Envoyez un message privé àGiboulou

    Tad, c'est vraiment ça : le mec tellement cool et un peu distant parce qu'il n'en a rien à faire d'être "populaire" ou pas que t'as direct envie d'être son pote. Ca dégage une espèce d'aura, un truc difficilement identifiable qui me donne l'impression de toucher, percevoir (sans pouvoir le definir) l'âme, l'état d'esprit à l'état brut de ce machin generationnel appelé "grunge". Un attachement vraiment particulier parce que c'est pas fait pour être beau, ca ne semble même pas avoir de but en soi, de message à porter. Bref, tous les albums sont excellents de mon point de vue bien qu'un peu différents sous l'aspect monolithique de la disco. C'est le genre de groupe qui doit être génial pour un producteur /ingénieur du son car tu peux faire ressortir les éléments que tu perçois. Ainsi le son de cet album fait ressortir le côté poisseux / grunge canal historique. Le suivant, produit par Albini, a un côté noise (les guitares sur ce Salt Lick ressemblent par moment à du Rapeman du binoclard). Ailleurs (inhaler produit par J Mascis), c'est le côté mélodique qui est mis en avant. Bref, je suis absolument fan.