The Damned › Darkadelic

Je me souviens de l’excitation que je ressentais alors lorsque je posais un nouvel album des Damned sur ma platine, ces frissons, le pouls qui s’accélère, le sang qui monte au cerveau… Près de 40 ans plus tard, c’est terminé, cela n’arrive plus; depuis près de trois albums, c’est après avoir écouté le skeud neuf quelques fois que les fourmillements se mettent à chatouiller l’oesophage, que le rythme cardiaque augmente, que l'hémoglobine bouillonne... Sacrés Damned, si bien installés dans leur formule mêlant l’excentricité du rock psychédélique, une fougue punky, le tout emballé dans une aura gothique bien personnelle truffée d’humour, qu’on croit qu’ils n’ont plus rien pour nous surprendre et qui le font à chaque fois. Ce n’est d’ailleurs pas le verbe adéquat, voilà belle lurette que nos maintenant sexagénaires ne nous surprennent plus, c’est autre chose. On demeure ébahis par leur classe iconoclaste, la force de cette musique de pieds nickelés qu’on pense connaitre par coeur et qui secoue encore le palpitant comme il y a presque 40 ans pour moi et tantôt 50 pour les fans du début. Qu’est-ce qui différencie les Damned d’un bon groupe rock ? Tout, ma bonne dame. A commencer par ces parties de gratte de boss (‘From your lips’, ‘Follow me’, ‘Western promise’…), ces orgues déments (‘Motorcycle man’), ce sens de la mélodie à la fois immédiate et pour toujours, des arrangements giboyeux dont on ne se lasse jamais et un chanteur à l’aura vocale toujours aussi impressionnante. Il y a bien entendu eu encore des changements de line-up (nouveau batteur à l’horizon qui ne s’économise pas dans la frappe) mais la paire Vanian/Sensible parait indéboulonnable, épaulée par ce diable de Monty Oxymoron derrière ses claviers. Outre sa propension à puiser dans beaucoup de râteliers pour en tirer un son unique, le groupe truffe une fois encore ses compositions de mille et un détails, ainsi le final de ‘Western promise’ et sa mélancolique trompette, le conte gothique kitsch de ‘Roderick’ où Mr Vanian (accompagné de fifille au violon) excelle comme dépositaire des grands acteurs du cinéma d’horreur en noir et blanc, l’ouverture pesante et sombre d’un très bon ‘Bad weather girl’ à la mélodie sexy as fuck, l’étonnant hommage au ‘Starman’ de Bowie dans ‘Girl, I’ll stop at nothing’… Le glam et sa fin théâtrale, l’album y fait référence en filigrane (‘Leader of the gang’, ‘Girl, I’ll stop at nothing’), peut-être même ‘Roderick’ en est-il l’allégorie maudite ? Il est ahurissant de constater à quel point les morceaux nous semblent vite familiers, non par redite, simplement car la patte Damned est rodée et puissante, ‘Darkedelic’ n’échappe pas à la règle. Ce douzième opus sonne frais, enragé, électrique, varié, outillé pour ridiculiser bien des jeunots. Les Damned n’en ont toujours fait qu’à leur tête, ont tracé une route identifiable aisément mais dont eux seuls sont capable de goudronner le tracé; 46 ans plus tard, ils sont encore capables de produire de grands disques, combien de combos peuvent en dire autant ?