Il y a plusieurs manières de promouvoir son groupe, les uns opteront pour le blase sombre (Opéra de Nuit, Bunker Strasse, Marquis de Sade, Bene Gesserit…), d’autres à l’instar des Smiths choisiront la banalité la plus totale pour intriguer l’auditeur(trice)… Ainsi agiront les Marseillais de Martin Dupont. Un pari risqué quand on vient du Sud et que les pardessus ne sont pas les vêtement les plus populaires, qui leur vaudra une indifférence médiatique quasi totale et un statut culte. Il faut alors faire confiance au temps qui passe et aux nostalgiques passionnés, véritables Indiana Jones en quête de pépites glacées, pour remonter à la surface des destins peu banals. Un étudiant en médecine (aujourd’hui chirurgien) rencontre une lycéenne et une punkette et c’est parti. Leur new wave étrange partage avec Kas Product un aspect rêche et un peu sombre, surtout quand Alain Séghir chante. Il y a bien sûr les bases synthétiques, les boîtes sèches mais également quelques grattements de basse ou de gratte torves laissant à penser que le groupe s’est inspiré aussi des pionniers de l’industriel britannique (‘Sticks in my brain’). Sauf que les Marseillais insufflent une dose d’humour décalé ('Willy-Nilly') pour épicer le propos au travers notamment du chant de lolita martienne de Brigitte Balian ou celle de diva frigorifiée de Catherine Loy. En jouant sur ces alternances, en laissant cohabiter les machines avec un zeste de saxophone, de guitare, en tordant les sonorités tout en laissant exister la mélodie, le trio tisse un paysage sonore fascinant inspiré de codes minimaux mais qu’il exprime au travers d’une production professionnelle, d’arrangements fouillés, en décalage avec certains standards plus lo-fi de l’époque (Bene Gesserit). Martin Dupont en devient un personnage interlope que l’on imagine parcourir de nuit les ruelles de la Cité Phocéenne dans un état de semi-ébriété et de création mystique vêtu d’un manteau sombre et de lunettes d’aviateur, simplement parce que… Le combo pourrait évoquer également un demi-frère surréaliste de Taxi Girl, moins glauque dans les textes mais incapable de produire de la pop sans la torturer parce que cela l’excite sexuellement. Ce premier opus fort d’une belle maturité pince-sans-rire regorge de morceaux forts, immédiats en terme de mélodies mais complexes quant à leurs ambiances mi-noires mi-hallucinées, comme une B.O. d'un polar pour victimes imaginaires qui n’étaient au final rien d’autres que des œuvres d’art sorties de leur cadre pour se promener. L’album de chevet de Fernando Pessoa après un voyage imaginaire en banlieue de Sheffield ?