Måneskin cartonnent, ont le vent en poupe internationalement… Pas un boys band, de vrais musiciens, avec pour stratégie non pas d’incarner les stéréotypes de la jeunesse mais l’inverse, comme à la bonne époque: excentricité, glam, provocation (manquent juste les excès) et la recette fonctionne. Après un second opus plus cohérent, maitrisé et moins disparate que le premier, le troisième débarque chargé à bloc avec dix-sept chansons en ses flancs. Première constatation, la prédominance de la langue de Shakespeare aux détriments de celle de Dante… Evidemment, succès international obligeant, le combo a sans doute préféré opter pour cette voie histoire de mieux parler aux fans (d’autant que les textes sont souvent soignés). Départ attendu dans leur style mêlant hard rock et glam sexy avec d’emblée une paire de brûlots (‘Own my mind’, ‘Gossip’), très cool, un peu moins sur ‘Bla bla bla’, étonnamment pauvre niveau paroles, sans surprise musicalement; pas spécialement dérangeant, c’est juste que l’on commence à connaître les ficelles et… ‘Baby said’ vient me fermer le clapet d’un coup, si Marc Bolan avait vécu à notre époque, il aurait pu écrire quelque chose du style. Oui, les départs en grosse caisse avant explosion commencent à sentir le réchauffé mais ‘Gasoline’ envoie du bois avec ce refrain méga-fédérateur, le genre de truc que le public doit reprendre en choeur avec le groupe en concert. Rien à dire, Damiano chante super bien, la guitare n’est pas des plus démonstratives et pourtant elle distille des putains de mélodies, des riffs acérés et pertinents, quant à la rythmique, elle demeure indéboulonnable. Inutile pourtant de cacher que ça commence à tourner en rond, un peu comme T.Rex tournaient en rond à force. Cependant, à chaque instant de doute, le combo balance le titre inversant la tendance, ‘Don’t wanna sleep’ avec ses guitares sexy as fuck remporte aisément mon adhésion mais la vraie surprise, c’est le morceau d’après. ‘Kool kids’, d’un coup, sans crier gare, balaie toutes les influences glam/hard du groupe pour foncer dans un post punk méchant à la The Fall et c’est franchement de la balle ! J’espère que nos Italiens creuseront dans cette voie-là parce qu’ils s’en sortent bien (pour l’avoir passé en soirée, j’ai pu constater l’effet et les interrogations chez les spécialistes du genre, ‘c’est quoi ce titre ?’ Komplikations ?). Dommage, ce ne sera qu’un one-shot pour cette fois. Evidemment, il fallait la ballade triste mais ‘It’s not for you’ n’est pas la meilleure du genre, l’ultime pièce ‘The loneliest’ lui arrache facilement la palme. Curieusement, à partir de ce moment, le combo va provisoirement revenir à sa langue d’origine, ce qui ajoute un charme supplémentaire, surtout sur de bonnes chansons telles que ‘Mark Chapman’, le percutant ‘La fine’… Malheureusement pourtant, Måneskin recommencent à montrer leurs limites (l’inutile même si correct ‘Mammamia’) même si on se quitte bons amis avec ‘Super model’ plus funky et sexy et la dernière belle ballade, entre espoir et lettre de suicide. On peut s’interroger sur le remplissage à ras à bord du disque, un peu indigeste malgré tout. Il contient de vraies tueries confirmant le talent de nos jeunes gens mais montre aussi qu’en matière de composition, ils atteignent leurs limites; d’un autre côté, la tentative saluée de post-punk de ‘Kool kids’ laisse peut-être entrevoir de nouvelles explorations. Un bon album mais tout(e) mélomane devine que le suivant sera difficile à coucher et déterminant pour éviter à Måneskin de s’embourber dans ses propres recettes et finir comme Placebo.