Superjoint Ritual › Use Once and Destroy

En 2002-2003, Anselmo et ses copains atteignent le pic de leur consommation de stupéfiants, entraînant au passage la mort de Pantera et celle d’un Down à peine ressuscité. Néanmoins, ces années ont profité à Superjoint Ritual, fœtus difforme intoxiqué à l’alcool et à l’héro, accouché dans la fange, entre le bouc et le verrat. Superjoint, c’est sale. Anselmo a toujours cherché une crédibilité underground. Pantera est un peu sage (et un peu beauf) et les frères Abbott sont toujours plus proches de Kiss que d’Obituary. Il aurait voulu être Fenriz ou Wino mais il n’est que lui, avec des casseroles plus lourdes que la cocotte de mémé. Pourtant, il a toutes ses connexions en Louisiane avec les maîtres du sludge. Dans le genre crado underground, on fait difficilement mieux. Superjoint, c’est donc ça : une crise de la pré-quarantaine d’une star du rock.
Musicalement, c’est éruptif, primaire, bancal, entre le hardcore et le sludge. Poussées de fièvre et grosses descentes. Quand Anselmo ne s’arrache pas les cordes vocales à s’en vider le Subutex de l’estomac, il sort des borborygmes patauds qui doivent correspondre à peu près au niveau de ses conversations de l’époque. Weed, Satan, Dixie flag, la pochette la plus claquée du moment ne serait pas complète sans la tronche d’Anselmo en tête de gondole façon Charles Manson. Je vous ajoute un cliché ou ça ira ? Superjoint aurait-il quelque chose à prouver ou bien ne faut-il voir ici qu’un jet de sebum à la face des pressions commerciales et médiatiques que pouvait subir un groupe comme Pantera ? Compte tenu des conditions de sa création, ce premier album est étonnamment bon. Anselmo a un talent certain pour composer des patates hardcore. Va savoir qui a écrit quoi mais avec Jimmy Bower dans la même pièce, il y a de quoi pondre du riff méchant. Au bout de quarante minutes, les oreilles impatientes commenceront à se lasser de cette ambiance qui sent le renfermé et le vomi de la veille. Les riffs s’affadissent un peu et le dernier titre est un ersatz d’Eyehategod mais peut-être ont-ils voulu régurgiter tout ce qu’ils pouvaient, pas convaincus de se réveiller le lendemain.