Lady Aicha & Pisko Crane's Original Fulu Miziki Of Kinshasa › N'Djila Wa Mudujimu

lp • 11 titres • 36:45 min

  • 1Mesami3:01
  • 2Bende2:13
  • 3Mutangila4:34
  • 4Congo2:07
  • 5Halula2:13
  • 6Sebe4:08
  • 7Tikanga6:29
  • 8Tsakula3:01
  • 9Two Seven3:03
  • 10Tuyende3:21
  • 11Kraut2:36

extraits vidéo

informations

Enregistré aux studios The Nyege Nyege Villa et Skull Cave. Mixé aux studios The Nyege Nyege Villa, Skull Cave et Angström. Produit par Jonathan Uliel Saidanha.

Artwork, layout : Jonathan Uliel Saldanha

line up

Lady Aicha (voix lead, percussions), DJ Finale (basse, voix, percussions), Abbé La Roche (guitare, voix, percussions), Deboule (voix, percussions), Le Meilleur (voix, percussions), Pisco Crane (voix, percussions), Sekelembele (voix, percussions), Tche Tche (voix, percussions)

chronique

Fulu Miziki, au premier regard, fait choc – Machine-Organisme bariolée, montée avec des débris : bidons vidés disposés sur des cadres, tuyaux de PVC sectionnés-limés pour obtenir la hauteur de note voulue, cordes fixées sur des chutes de bois, des boîtes. À les voir ainsi appareillés dans leurs costumes incroyables, aussi – harnachements eux aussi 100% récup', quelque part entre les Têtes Brûlées (le groupe Camerounais qui sévissait dans les années 80/90 avec à sa tête deux allumés, le lucidement fâché Jean-Marie Ahanda et l'ahurissant guitariste Epeme Théodor alias Zanzibar), Rammellzee (le graffeur-rappeur-perfomeur-sculpteur-etc. qui hantait les rues et couloirs de New York vers la même époque), les tenues mutantes de l'Art Ensemble of Chicago sur scène dans les années 70, celles des gore-thrasheux-comiques de Gwar en version steampunk – on imagine assez bien comment va sonner leur musique. Ce n'est pas que les timbres des instruments soient « déformés », pas vraiment, puisque cette lutherie défie de toute façon la notion de sonorités, d'harmoniques « naturelles » – c'est que les sons qui sortent de là, au vrai, ne pouvaient ressembler qu'à ça : distordus, saturés, bourdonnants, plastiques et ferrailles qui vocalisent sitôt qu'on les actionne.

Fulu Miziki nous parlent depuis des quartiers ici mal réputés, bêtement, tout simplement parce que vu d'ici on n'en sait presque rien, depuis l'un de ces pays qu'un certain « occident » considère avec crainte, avec remord parfois, un sentiment de culpabilité, parce que nombre de « ses » firmes y écoulent leurs produits les moins « safe » et durables – se créent ainsi un facteur de prospérité qui, à l'autre bout de la chaîne, du circuit de distribution, génère une marée de déchets incompressibles, inondant des communes, des communautés où la plupart du temps les moyens – trop onéreux – n'existent pas, de traiter cette mauvaise manne qui s'accumule, fuites, contaminations, encombrement galopant compris sur des terrains où des humains et animaux habitent. La voix du groupe, pourtant, ne semble pas émaner d'un ghetto dystopique, où tout ne serait que guerre de chacun.e contre toustes, panique générale devant les derniers terminators en date ou autres drones fraîchement sortis d'usine. Dès que tout et tout le monde se met ainsi à jouer, à chanter, bouger, on a l'impression, plutôt, qu'une nouvelle alliance s'est créée, se crée. Plutôt qu'un autre Golem qui aurait, une fois de plus, échappé au contrôle de ses créateurs, Fulu Miziki serait une sorte d'anti-golem, d'anti-crétaure-du-docteur-Frankenstein – assemblée non par un savant fou/romantique (en sélectionnant des bouts isolés depuis des corps, des cadavres, pour créer ce qui lui semblait révéler d'un Idéal, d'une beauté parfaite, canonique) ; non par un cabaliste ou autre fonctionnaire religieux désireux de confectionner un serviteur, un soldat (en façonnant une motte de glaise en forme d'homme puis en lui collant un mot, une syllabe divine sur le front) ; mais par un collectif qui, récupérant tout ce que la production/consommation peut rejeter de cassé, de réputé laid et inutile, polluant, en faire naître ce mouvement, cette vibration frénétique – mais frénétique avec bonheur, une vigueur qui ne doit rien aux soubresauts. Ils ont, elle a – il semble bien que ce soit Lady Aicha, ici aussi chanteuse (et quelle voix), partout créatrice, sculptrice et performeuse, elle aussi, qui ait conçus ces fantastiques tenues – recouvert l'assemblage d'une peau luisante et ajustée, parcourue de méridiens fluos, de cornes et de cœurs en alu ou en latex. Elle et ils se sont glissés dans cette mécanique – l'embrassent, maintenant, s'en font les uns, l'une, des pièces indissociables et singulières, transmettent leur chaleur, rendent la chose assemblée respirante, désirable, désirante. Fulu Miziki nous parle depuis le Village Futur – qui n'est pas tout à fait celui, global, de la fameuse citation de McLuhan... Un futur, un village, un quartier, une capitale – un continent dans le monde, avec les autres – reconnectés autrement, « réconciliés », nous disent leurs communiqués (repris un peu dans tous les articles du groupe) « avec la nature ». Il y a probablement une certaine dose d'humour – non-clownesque, et spéculatif – dans cette affirmation. C'est peut-être une manière – aussi, surtout, j'ai l'impression – d'étendre le vivant, l'habité, on y revient, cette fameuse qualité organique à... Tout. Via cette réappropriation, cet usage des détritus. Ce n'est plus une science morte qui investit la chair éteinte – lui insufflant des secousses grotesques et malheureuses, sinistres, hantées par le regret d'une existence perdue, à peine rappelée. C'est l'inanimé – qui plus est le non-désiré, le rejeté, des bouts finis de ce qui n'avait été que gadget ou commodité, matériaux impersonnels – qui se voit gagné par une grâce neuve, une fonction vitale, encore une fois, canal de circulation, parures d'êtres, masques annonciateurs et protecteurs. Drôle de Futur, oui ? Hypothèse séduisante, je dirais. Qu'ils et elle appellent de leurs vœux, pratiquent depuis ici, aujourd'hui. Une hypothèse radicalement dansante, boucles et variations, sons décidément inouïs, matériels au possible, tirés de cet improbable instrumentarium, voix en questions-réponses, parfois grondées, lancées comme une espèce de soul – ou depuis ce que la soul avait pris dans autre chose, au fil des décennies, échanges/pillages/emprunts/rétributions entre les formes, les continents, les modes et partis-pris (esthétiques, d'amplification, d'adaptation à ET de l'environnement où ça se passait, où ça se passe). L'acoustique est maîtrisée, maniée comme l'un des instruments, l'instrument à part entière de l'ensemble (collectif, groupe, orchestre...) – expérience qui cherche le son électronique à même la substance de ce qui est manié, joué, avant-même que quiconque branche quoi que ce soit. L'instrument : c'est la musique elle-même – et forcément : la réciproque, aussi, « fonctionne ».

Alors... Fulu Miziki, c'est « méta » ? Non ! C'est pensant. Et corporel – parce que le corps pense aussi, et que le cerveau agit, qu'isoler l'un et l'autre est une impasse. C'est projectif et pas du tout détaché d'un réel – dans leurs fictions, récits, leur science-fiction – qu'ils et elle chercheraient à nier, à quoi ils tenteraient en vain d'échapper. Je crois plutôt qu'ils essayent de l'accomplir – ce réel, ce monde. De les pousser, les tirer vers un territoire où pourrait éclore une version d'eux-mêmes où ils ne scelleraient pas leur fin au nom d'un progrès illusoire – figé dans un ordre (mondial, matériel... spirituel ?) qui les mènerait immanquablement, continué tel quel, à l'effondrement. Une Utopie, alors ? Peut-être bien. Ou pour le dire par antiphrase, rendre l'expression, l'idée, à son sens non-péjoratif, disons... Une Omnitopie ? Va pour ! ... Mais alors : où ce « partout » et ce « tout le temps » ne se gèleraient pas en pouvoir/surveillance/coercition mais bien plutôt s'exprimeraient, s'ébattraient en champs cinétiques/puissances oeuvrantes (ouvrantes)/intensités... En possibles ? En Possibles !

Très bon
      
Publiée le samedi 8 juillet 2023

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Dioneo Envoyez un message privé àDioneo
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Ouip. Le plastique c'est... Enfin, SF donc plutôt que fantastique au sens littéraire/ciné, bon, en l'espèce ! (Mais on m'aura compris, allez) .

Note donnée au disque :       
Tallis Envoyez un message privé àTallis

Intéressant comme ça sonne "autre" sur des terrains qu'on croirait pourtant connus.