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The Light of Saba › The Magical Light of Saba

cd • 19 titres • 79:52 min

  • 1Lambs Bread Collie3:46
  • 2Sabasi4:48
  • 3Free Up Black Man4:02
  • 4Outcry4:03
  • 5Salt Lane Rock3:04
  • 6Sabede3:27
  • 7Nobody's Business1:59
  • 8Rasta Lead On Version3:21
  • 9Sabayindah3:22
  • 10Rebirth3:41
  • 11Satta Massa Gana5:02 [reprise de The Abyssinians]
  • 12Africa5:11
  • 13Sound2:04
  • 14Sly Mongoose2:03
  • 15Words of Wisdom3:34
  • 16Jah Light It Right5:05
  • 17Ethiopia Tikdem4:11
  • 18Song for My Father5:04 [reprise d'Horace Silver]
  • 19Collie Version6:12

informations

Morceaux enregistré durant les années 70 (les crédits ne précisent pas les dates) ; par Errol Thompson, Steven Stanley et Sylvan Morris au Harry J. Studio et Joe Gibbs Studio (2-4, 8-10, 15-18) ; par Joseph Robinson au JIS Studio (1, 19) ; par un ingénieur du son non crédité aux studios Randy's (5) etAquarius (6, 12,13). Masterisé par Moritz von Oswald.

line up

Cedric "Im" Brooks (saxophones ténor et alto, clarinette, voix, arrangements), Nambo Robinson (trombone, voix lead, percussions), Vinton Roberts (basse), Bingi Brown (tambour basse), Michael Ras Star (basse, voix), Mackie Burnett (congas), Pat Lewis (congas), Chimpeka (congas, percussions, voix), Sister Eleanor Wint (congas, percussions, voix), Liz Campbell (congas, percussions, voix), Brother Levi Sleeves Cornelius (percussions), Calmore Shine Stewart (percussions), Ennis (percussions), Fats (percussions), Royston Monty Kelly (percussions), Roy Lynn Vassel (percussions), The Mediators (percussions), Lynford Son Myles (percussions), Young Son (percussions, voix lead), David Fuzzy Gentles (percussions), Winston Shan Fulton (percussions), Barabara Boland (flûte), David Little Dee Trail (guitare), Brother Maurice Gregory (guitare), Phillip Whyte (guitare, percussions, basse, voix), Peter Ashbourne (claviers), Siddy (claviers), Trevor Ochie Huie (claviers), Les Clarke (voix lead), Bubum (percussions), Calvin Bubbles Cameron (trombone), Dean Fraser (trompette)

chronique

Musique pan-africaine... Fantasmée ? Hétéroclite, synthétique ? Mythologique ? Ah ! Peut-être bien, tiens, ça. Musique afro-futuriste ? Sans doute, si on prend le terme dans le sens où le pratiquait par exemple Sun Ra – et si de là, on prend des libertés avec ce qu'on en fait, ce qu'il détermine, ce qui en sortira quand on l'aura mis en œuvre – littéralement, quand on se sera mis à l'ouvrage... La musique de Cedric Im Brooks avec The Light of Saba, « Roots » ET exploratoire, déborde encore les azimuts déjà bien divers, multiples, vers quoi pointait le saxophoniste et arrangeur, directeur/chef d'orchestre, avec The Mystic Revelation of Rastafari. Le groupe, au fil des sorties, des faces ici rassemblées, sur cette compilation – et de quelques autres plages omises sur le disque – écrit et narre une saga en mouvement, tisse depuis les écrits bibliques, leurs interprétations par les congrégations rasta, de nouveaux canevas, cherche des modes inédits mais cohérents, englobants mais spécifiques – d'immanence, de présence au monde, frontières et routes redessinées, non-figées. Un monde – théoriquement – décolonisé, d'empires démantelés, de libertés nouvellement (et tout aussi théoriquement, diversement) gagnées, en Afrique, en Asie, dans l'archipel Caraïbe... Avec comme guides spirituels, sources intellectuelles, matières politiques : Marcus Garvey, Haïlé Selassié (l'empereur déchu d'Ethiopie)... tout le panthéon, là encore, des Rastas.

The Light of Saba n'est pas un groupe de reggae – pas principalement, pas seulement, pas vraiment. Il y en a dans le mix, bien sûr, c'est une des zones de la carte – un des sujets/objets de leurs cartographies. Le groupe reprend d'ailleurs ci un classique du genre, canonique (Satta Massa Gana – parfois orthographié Sata Massagana, Satta Amasagana... de The Abyssinians) ; là un texte du dub-poet Mutabaruka – leur contemporain. Mais les mêmes, ailleurs sur le disque, donnent aussi leur version de Song for My Father – composition du pianiste Horace Silver, Américain d'ascendance cap-verdienne qui de son côté tâchait, régulièrement, de faire passer ce substrat, cette inflexion héritée, transmise, dans sa musique.

Et puis partout, par où qu'on prenne cette sélection : d'autres genres, approches, détails, couleurs, qui se glissent, s'épandent, s'insèrent, infiltrent, changent la perspective, les dimensions, les... Possibilités. The Light of Saba, disions-nous, jouent une musique pan-africaine ET rasta. Mais contrairement à nombre de groupes qui au même moment se réclamaient de la même inspiration, des mêmes motifs, Brooks et son orchestre ne se contentent justement pas de contempler le continent, son histoire – passée, présente surtout, d'un futur dont ils entendent sans aucun doute être une part – comme une grande image immobile, hiératique, une légende à reconquérir, à faire vivre en verbe seulement, sans rien changer aux formes qui la chanteraient... En termes de formes – musicales, narratives – on entend bien que les membres de The Light of Saba ont dû s'en envoyer, en brasser, tâter ; s'y essayer, analyser, expérimenter sur la base de disques entendus, de concerts peut-êtres auxquels ils avaient assisté, assistaient. Au-delà, s'entend, du reggae, donc, dans ses déclinaisons et prémices (ska, rocksteady, dub, rub-a-dub...), du jazz, aussi (bop, free, « elligtonien »...) qui avait nourri les premiers travaux de Brooks. Ici, ce sont aussi, qui sonnent (et pas comme exercices appliqués, maladroits, laborieux) : high life, juju music, afrobeat ; vagues de cuivre sophistiquées et ouvertes ; chorales aux tournures parfois presque rurales, voix lead saturées, aux vibrations de métal ; flûte pastorale prise dans des orchestrations pléthoriques, électriques... Rien ne sonne incertain, plaqué. Rien n'affirme que tout se jouerait en un seul lieu, un seul pays, sur un seul continent, cependant.

À vrai dire, j'entends cette musique comme une variante, une variété, une autre branche – autre mais entièrement, sans dissidence, sans qu'il soit besoin d'y mettre des guillemets, de tempérer la rattachement – de la Great Black Music théorisée les gens de l'AACM (Association for the Advancement of Creative Musicians – Muhal Richard Abrams, l'Art Ensemble of Chicago etc.), bien plus tôt, du côté de Chicago. Une version de la chose qui s'en approprie totalement le concept – en pousse la vision, les réalisations, dans des secteurs où les sus-cités « pères » n'auraient jamais pensé les emmener, n'auraient jamais rêvé à, oser les implanter ! Prise dans ce sens, la Great Black Music inverse les énoncés, les redistribue, les brouille, crée des réciprocités – ce n'est pas le funk qui dérive d'anciennes formes africaines, modernisées, qui cherche à en retrouver la pulsation ; ce sont ces formes, idées anciennes, qui tendaient depuis le début à trouver le funk, à passer par lui, atteindre ce stade transitoire (Rufus Thomas, Meters, James Brown, Sly Stone, Parliament-Funkadelic, O'Jays, Mandrill, Fela Kuti, Osibisa...), le continuer. Ce n'est pas que le jazz mimait en les « africanisant » les danses de salon européennes, qu'elles « noircissaient » les menuets, créolisaient la biguine – c'est que les ancêtres de ceux et celles qui avaient « créé le jazz » s'étaient arrogé, clandestinement, les codes, constructions, bruits du monde, des maisons, rues, bals, où on les avait jetés, et puis les épousant, se créaient leur propre usage. Etc. … Ou bien peut-être, mieux : ça marche dans les deux sens, et toutes ces affirmations se répondent, s'imbriquent, s'articulent. « Ça marche » parce que la musique est une pensée en marche – et la pensée qui cherche, fabrique, invente, l'une des fonctions, modalité du corps, jamais distinct d'une réalité physique.

Voilà : The Magical Light of Saba regroupe les chapitres, réuni des moments d'une réalité physique, d'une histoire qui s'est vécue plutôt que seulement exposée. De là – parce que cette musique ne se laisse pas consigner, réduire en cartouches explicatifs – l'objet-compilation que constitue ce disque parvient à ne rien réduire de ces dix-neuf titres, à ne pas en faire une enfilade de leçons qu'il faudrait apprendre, intégrer dans une quelconque liste-pensum « d'incontournables » et autres « indispensables ». On peut, en revanche, en tirer du sens – y déceler celui qu'à pu prendre, à l'époque, le geste de commencer à jouer ensemble, d'écrire, d'interpréter, au-delà du simple souci de divertir, de faire carrière... Cette musique n'est pas qu'un produit. C'est une joie, un plaisir, un bonheur en mouvement. C'est une conscience, aussi – qui ne cesse de se mouvoir, qui sait que « l'Histoire, c'est ce qui arrive », et que s'arrêter serait en faire une prison, lettre morte, folklore déserté.

Très bon
      
Publiée le mercredi 5 juillet 2023

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Tallis Envoyez un message privé àTallis

Du bonheur, cette compilation. Ca respire la joie de jouer, de mélanger plein d’ingrédients, d’influences et c’est vrai que ces années-là étaient quand même exceptionnelles en terme de bouillonnement et de créativité. The Pyramids, Oneness of Juju, Jef Gilson et Malagasy pour citer quelques autres projets pas (encore ?) chroniqués ici, ça partait tous azimuts et ça parlait au moins autant avec le cœur qu’avec la tête.

On en est bien loin aujourd’hui où il devient très rare qu’un album de « jazz » ou assimilé me colle un tel sourire béat dès les premières notes.

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Seedzel Envoyez un message privé àSeedzel

J'écoute cette compilation régulièrement depuis sa sortie et je viens juste de découvrir en lisant cette (très pertinente) chronique de Dioneo que c'est Moritz Von Oswald (Rhythm & Sound entre autres) qui a masterisé le tout. Sinon, entièrement d'accord avec Coltranophile, j'ai toujours entendu l'âme de Curtis Mayfield (ses 1ers Lps en tout cas) et de Fela dans cette fusion de claves caraïbéennes.

Dioneo Envoyez un message privé àDioneo
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Oui, l'évidence - des rapports entre "tout ça" - apparaît sans doute plus clairement maintenant. Après concernant certains "échanges" - entre les musiques, orchestres de certains pays africains et celles de Cuba par exemple - il y avait aussi sur le coup une volonté d'émulation ! Là par exemple suis en train d'écouter l'Orchestra Baobab (de Dakar), bah ça frappe l'oreille, qu'un truc circule d'un continent à l'autre... Et pour d'autres groupes on entend aussi qu'à tout ça se mêle aussi le funk version étasunien (le Polyrythmo de Cotonou, y'a du James Brown tout frais replanté autant que du Fela, encore, là-dedans) et d'autres trucs. Enfin, chroniques à venir de ces deux groupes là entre autres, bientôt, allez, plutôt que de continuer à en jacter en com... Au boulot, le Dio, hop hop !

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Coltranophile Envoyez un message privé àColtranophile

« L’Amharique, je la veux et je l’aurais » pour citer Joue du Bassin. Gaudriole mise de côté, cette effervescence dans ces années-là, transcontinentale et débordant des cadres, est assez incroyable. Rattacher Sly Stone ou The Last Poets à l’AACM, à ce disque, à l’ethiojazz, pouvait paraître étrange sur le coup. C’est devenu une évidence. Me suis réécouté King of Kings des Pyramids à la suite de celui-ci pour le coup.

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Dioneo Envoyez un message privé àDioneo
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Complètement d'accord, concernant l'ethiojazz... Ça n'exclue pas le rapprochement avec Fela, pour moi (pour des questions entre autres de conception du rythme, des cycles justement) mais oui, "spirituellement", et aussi dans l'indéterminable que ça incarne, du "qu'est-ce qui influence/précède/s'inspire de quoi", notamment, il y a sans doute un rapport assez "intime" entre ces Jamaïcains-là et les conquêtes du groove de l'amharic (je sors également, OK...).

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