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African Head Charge › Songs of Praise
- 1990 • On-U Sound ON-U CD12 • 1 CD
cd • 14 titres • 59:18 min
- 1Free Chant (Churchical Chant of the Iyabinghi)3:30
- 2Orderliness, Godliness, Discipline and Dignity3:16
- 3Hymn5:30
- 4Dervish Chant7:50
- 5Hold Some More6:18
- 6Healing Father4:46
- 7Healing Ceremony3:48
- 8Cattle Herders Chant4:15
- 9Ethiopian Praises1:28
- 10My God4:11
- 11Gospel Train3:02
- 12Chants for the Spirits4:08
- 13God Is Great4:16
- 14Deer Spirit Song2:22
informations
Enregistré par Dave Pine et Hugo Nicolson au studio The Manor et aux Matrix Studios. Produit par Adrian Sherwood et Martin Frederix.
La version digitale (bandcamp) du disque comprend trois pistes bonus : Full Charge, Fullness et Special Mix.
line up
David Harrow (programmation), Skip McDonald (B. Alexander) (guitare, claviers), Bonjo Iyabinghi Noah (percussions), Carlton "Bubblers" Ogilvie (piano), Style Scott (L.V. Scott) (batterie), Adrian Sherwood (basse sous le pseudo Crocodile ; effets sous le pseudo Prisoner), Junior Moses (basse), Martin Frederix (basse, programmation), Sonny Apkan (percussions)
chronique
Qu'est ce qui différencie African Head Charge de... Deep Forest, par exemple, ou d'autres machins purement new-age, qu'on trouvait à une époque dans les bacs « relaxation/méditation » de la fnac et autres supérettes culturelles ? Allez : on me dira – immanquablement, l'un ou l'autre va faire la blague, à un moment – que la seule vraie différence de fond, c'est qu'African Head Charge carburent à la beuh 100% terroir, là où les autres tournent tout au plus aux fleurs de Bach !
Eh bien... Je répondrai qu'à vrai dire c'est sans doute assez juste. Une partie de ces types-là s'affichent fièrement comme rastas – et la plante, pour eux, constitue très probablement un adjuvant, un agent rituel indispensable. J'ajouterai qu'on n'est pas obligé, pour apprécier ce qui se joue là de considérer cette version, ces interprétations « ganja + Jah + back-to-Africa » comme par défaut plus « authentique » que celle des autres, pour autant... Après tout, le noyau dur du collectif est constitué de Jamaïcains (et fils de) dont la plupart n'ont possiblement jamais mis un pied où que ce soit, sur ladite terre d'Afrique, descendant.e.s de déraciné.e.s qui eux et elles-mêmes n'avaient perpétré, perpétué que des fragments, recréé une culture « ancestrale » que sur des bouts tronqués, préservés tant bien que mal depuis les traversées, l'arrachement (l'esclavage, disons-le clairement), la substance et les modes, modalités se transformant au fil des générations (et marronnages, et métissages etc.).
Certes. Mais cette version de l'histoire est en tout cas moins distanciée, plus « concernée ». Contrairement aux susdits « chantres new age », elle ne prend pas ces laudes, prélevées, réarrangées, re-territorialisées comme des simples options esthétiques, un parfum surtout pas trop envahissant, entêtant, juste de quoi habiller la pièce le temps d'une séance de méditation elle-même pas trop exigeante, simple gymnastique douce de l'âme ou de l'esprit... Fumeuse ou pas, la musique sur ce Songs of Praise continue, creuse sans discrépance la Visions d'une Afrique Psychédélique dont s'était toujours revendiqué le collectif. (Au départ, aussi, en réaction à celle – de Vision – clamée par Eno et Byrne, comme définition de leur My Life In the Bush of Ghosts... Je vous renvoie pour plus de détails à ce sujet à la chronique par le collègue Shelleyan du premier album du groupe – My Life In a Hole In the Ground). Ici, la musique cherche la plénitude dans l'épaisseur du son, la masse, les couleurs mouvantes, contrastées – là où les autres semblent viser la transparence acoustique, une légèreté confinant à l'immatériel, le son comme gaz impalpable, invisible, inodore et immobile, plutôt que comme volutes, courants insaisissables mais sensibles, portants, propulsifs, dynamiques.
Songs of Praise en est une variété... Chargée. Une version dub multiple et multi-connectée, dense, saturée de matières et de flux. Les percussions nettement instruites, rodées aux séances des congrégations (habituées des « grounations » nyabinghi ?). Les chorales et monodies samplées rendent grâce à des divinités, des entités diverses – l'une des acceptions du Dieu chrétien, Allah, l'Esprit du Cerf... C'est selon. La ferveur est œcuménique voire panthéiste – mais pas inconsistance, vague. Le skank du reggae se confond à telle ou telle syncope d'Asie du sud (indienne, pakistanaise...), aux roulements de bongos caraïbes. Certaines plages (My God) nous plongent dans la « fraîcheur mystique » – on y flotte, parfaitement lucide et apaisé, au-dessus des merveilles et des horreurs ; d'autres viennent chauffer la tête, enflammer, délivrer leur foi comme un flot bouillonnant (God Is Great). Certaines sont étales, d'autres intriquées mais toutes pulsent, vibrent – la surface n'est jamais complètement lisse.
Leur Afrique – d'ailleurs étendue, on l'a vue, certains des chants ici recomposés semblent venir de toutes autres contrées – ces types la recréent, certes, de manière expérimentale, mais certainement pas ex-nihilo, sûrement pas sur la base d'une exotica, d'un exotisme flous ! Plus discrètement – que le dub, le reggae – d'autres formes sont intégrées, d'autres rythmes. Des formes « pop » – mais la « pop » n'est pas exclusivement anglo-saxonne, « blanche », et disant le mot, on peut très bien parler aussi soukouss, rumba (Congo.s, Zaïre), bikutsi (Cameroun), High Life (Ghana), mbalax (Sénégal)... Question de point de vue, d'écoute, d'émission de la parole, de la proposition – et celui d'où jouent African Head Charge est indéniablement solide, ancré à défaut d'être fixe, d'un disque à l'autre.
Au passage on évoquera la guitare de Skip McDonald, ici – courant de plage en plage, multipliant les sonorités, triturant les effets, mutant parfois jusqu'à sonner comme un synthé, une machine. Elle contribue, avec tout le reste, impeccablement placée là-dedans, à ce sentiment d'une musique réellement projetée dans une autre dimension, un autre temps – au lieu, sur de telles prémisses, de tourner à l'exercice kitsch, guindé, comme un docu-fiction qui malgré soi tournerait à la bobine d'exploitation, par le souci étouffant, étriqué, de « sonner vrai », « sonner pur », de reproduire à l'identique les figures évoquées.
C'est sans doute la plus grande réussite de cette musique, à vrai dire : c'est en s'admettant reconstruction, ré-invention – même invention, supposition, expérience – qu'elle parvient à sonner juste, qu'elle crée un environnement plutôt que de se poser seulement en décor. (Ce n'est d'ailleurs sûrement pas un hasard si le deuxième album du groupe, sorti moins d'un an après le My Lif In a Hole In the Ground déjà cité, s'intitule Environmental Studies...). Une environnement habité – c'est à dire que tous ceux, toutes celles qui l'occupent, sont autre chose que des figurant.e.s grimé.e.s. Ce monde-ci, oui, naît de l'artificiel, de l'agencé, d'une certaines ingénierie. C'est une hypothèse – mais une hypothèse vivante, où ce qui circule s'affirme comme autre (mais entière) réalité.
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- Dioneo › Envoyez un message privé àDioneo
Oui, il est aussi (Talvin Singh) sur au moins deux des albums de Little Axe, le "projet blues dub" de Skip McDonald (avec Keith LeBlanc et Doug Wimbish en autres membre "permanents" - les mêmes que dans Tackhead)... Ceci dit pour la touche indienne sur Miracle, y'a aussi qu'ils avaient embauché un orchestre de Bombay, hein (le Studio Beat Bombay Orchestra) !
- Note donnée au disque :
- Seedzel › Envoyez un message privé àSeedzel
"C'est à la fois très simple et très compliqué" ... En effet, Talvin Singh avait même rejoint en 1996 la On-U Sound Team sur le Miracle de Bim Sherman pour apporter sa touche indienne...
- Dioneo › Envoyez un message privé àDioneo
Très cool oui, de mémoire, le Miracle de Sherman, faudra que je me réécoute ça tiens. Et oui, c'est bien la même bande derrière, en gros - à savoir les habitués des sessions On-U, avec des gens d'African Head Charge donc, de Little Axe/Tackhead, du Dub Syndicate et d'autres "projets" du label/collectif, sachant que d'un groupe/disque à l'autre on retrouve souvent des membres communs, qu'avant d'atterrir là, certains étaient des musiciens qui œuvraient façon stakhanovistes en Jamaïque (Style Scott et d'autres qui avant le Dub Syndicate étaient les Roots Radics, entendus entre autres avec King Tubby...). "C'est à la fois très simple et très compliqué", les noms, gens configurations, quand on cause de cette bande là.
Message édité le 10-07-2023 à 09:39 par dioneo
- Note donnée au disque :
- Seedzel › Envoyez un message privé àSeedzel
A noter que c'est la même équipe ou presque qui a ressorti des ténèbres le chanteur jamaïcain Bim Sherman en 1996 grâce au bien nommé "Miracle" : comme ils disent dans les médias, un album à écouter au moins une fois dans sa vie.
- nicola › Envoyez un message privé ànicola
Surtout qu’American head charge a l’air bien pourri, ça serait une insulte à African head charge que de les comparer.