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Little Axe › The Wolf That House Built
- 1994 • Wired Recordings EK64254 • 1 CD
cd • 12 titres • 63:37 min
- 1Right On (Fight On)5:22 [reprise de Leadbelly]
- 2The Time Has Come5:04
- 3Out in the Rain and Cold4:37
- 4Back to the Crossroads6:36
- 5Never Turn Back (Part 1 & 2)7:19
- 6Another Sinful Day4:06
- 7Crossfire4:29
- 8Wolf's Story4:22
- 9Hear My Cry7:01
- 10Dayton6:12
- 11Falling Down4:28
- 12Wake the Town3:55
informations
Enregistré aux studios On-U Sound, Roundhouse et The Manor par Alan Branch, Dave Pine et Paul Beckett. Produit par Adrian Sherwood et Skip McDonald.
Artwork : Frédéric Voisin
line up
Keith LeBlanc (batterie), Skip McDonald (guitare, voix, claviers, basse, programmation), Talvin Singh (tabla), Doug Wimbish (basse), Kevin Gibbs (voix), Sas Bell (voix)
Musiciens additionnels : Gary Williams (spoken word sur Back to the Crossroads), Alan Branch (programmation sur Crossfire)
chronique
Little Axe est une voix. Une narration, ensemble articulé, histoires et accents (rythmiques, locaux), intentions et codes affirmés (au risque de tourner aux clichés, à n'y prendre gare) ou brouillés (parce que mêlés, prononcés autrement dans une autre époque – la sienne, celle de ce disque, de ce musicien, ces musiciens). La voix de Skip McDonald, à travers tout ce qu'il a parcouru, joué, au point d'une carrière et d'une existence – commencée dans un groupe de disco (Wood, Brass & Steel) ; continuée dans les débuts funky-fresh du rap (comme membre du groupe « maison » du label Sugar Hill Records – c'est donc lui, avec au moins deux autres de ceux ici-présents, Doug Wimbish et Keith LeBlanc, qu'on entend derrière les premiers couplets, enjoués voire un peu couillons du Sugar Hill Gang, derrière les stances un poil moins festives de Melle Mel sur le fameux The Message...) ; parti ensuite dans le groove mécanique-biochimique de Tackhead, ou derrière nombre de projets On-U Sound, passé de l'autre côté de l'océan... Liste non-exhaustive.
Little Axe est un projet « très pro », oui – et au début, j'ai failli n'entendre que ça. Le métier, les compétences, le... Travail. Aux premières écoutes, j'ai été séduit mais en même temps, un peu dubitatif – j'avais du mal à y entendre plus que l'alliance presque « trop » parfaite de deux genres, bien répertoriés et à priori, il est vrai, rarement mixés, appariés : le blues et le dub. Certaines pistes m'accrochaient, pourtant – et singulièrement, peut-être les plus mécaniquement irréprochables, justement (Back to the Crossroads et sa vieille légende, ses boucles narcotiques aux tons crépuscule, Wolf's Story, qui semble sampler une interview d'Howlin Wolf...). Mais Little Axe, je le répète, est la voix de Skip McDonald – une musique servie par ses plus fidèles accompagnateurs, ses camarades les plus fiables, et le métier comme le reste y est plus qu'un savoir-faire mécanique - y fait substance.
Skip Macdonald l'affirmera : au fil de toutes ses pérégrinations – celles citées plus haut, les multiples autres sessions et groupes plus ou moins éphémères auxquels il a pu participer, participera... – il n' a jamais cessé de se voir, se concevoir comme un bluesman, changeant seulement de pédales d'effet au gré des tendances éphémères, sans jamais lâcher l'essentiel, cette base. Little Axe, ainsi, serait encore cette voix du blues – réimplantée, continuée depuis ce type, ces lieux, ces temps. Une fois de plus ? Sans doute – mais ce coup-ci articulée pleinement comme il l'entend, sans contraintes de commande. Bien-sûr, on entend sur ce disque – et sur les suivants, autrement... mais justement, chaque fois autrement – et presque tels-quels, tous ces genres à quoi la musique s'abreuve, se nourrit, tout ce dans quoi elle se sert, parfois comme on puise dans une réserve, aussi simplement.
Le blues et le dub, donc. Pour celui-là (le dub), une certaine « école », un courant – alors parfaitement moderne, aujourd'hui très identifiable, datable, le son On-U Sound, encore, la patte d'Adrian Sherwood. Pour celui-ci (le blues), les gammes pentatoniques, des sons de guitares qui traversent l'histoire de la chose en question – ses transformations, l'acoustique aux résonances de métal clair, le fuzz attrapé dans l'ère psychédélique, à côté, les torsions trafiquées, aux airs d'encodages numériques, de l'époque où le présent disque est sorti... Aussi : les chorales gospel – parce que la vision du blues de McDonald ne croit pas en cette entourloupe de musicologue, d'historiens-classificateurs, de deux mondes (Le Profane Et Le Sacré La Foi Et Le Péché Et Bla Bla Bla Bla...) qui se seraient toujours regardé en chien de fusil, à peine contaminés, qui auraient au plus partagé quelques bases techniques, des modes et altérations.
La vision du blues de McDonald et de Little Axe, au fond – passée cette impression d'une familiarité presque envahissante, en dépit d'une forme pourtant bien spécifique, relativement inédite – se révèle assez unique. Bien plus multiple qu'il semble d'abord. Assez distincte, aussi, d'autres visions, versions de la chose, dont on serait tenté (et je ne dis d'ailleurs pas que ce serait sans pertinence) de la rapprocher. « Au hasard » (non, pas du tout au hasard, au vrai), non-exhaustivement : les cataplasmes électro-bayou-spirituals très média-compatibles (leur succès l'a prouvé) de Moby lorsqu'il puisera dans le catalogue « sud profond » d'Alan Lomax et consorts ; ou chez Recoil, le projet post-Depeche Mode d'Alan Wilder, quand c'esr ce matériaux-là qu'il choisira pour ses inquiétantes et élégantes plages de fictions sonores, chargées, à multiples sens et interprétations possibles.
Chez Little Axe, oui : c'est encore autre chose. Et ce disque aux procédés encore bruts donne de la chose, néanmoins, une incarnation déjà complète. Profondeur des échos, rythmique claquante mais souple, élastique (la basse a beau slapper souvent, on n'a jamais envie de lui crier « MAIS TA GUEULE, ON A COMPRIS, T'ASSURES, OK, MAINTENANT JOUE LES MORCEAUX QUOI !! ») ; poussées d'effets quasi-indus (Dayton) ; saillies de tablas véloces (Talvin Singh, « forcément », vue l'année) ; et McDonald qui fond son jeu là-dedans, respire avec tout ça. Joue et raconte, encore – en veillant bien à ce qu'en l'espèce, en l'état, l'un et l'autre terme disent la même chose.
Alors oui : The Wolf That House Built (quel titre étrange, au fait... si je ne me trompe pas, c'est que McDonald avait voulu y fusionner les noms d'Howling Wolf – encore lui – et de Son House, deux de ses points de mire les plus fermes, constants) peut, à force, donner l'impression que Little Axe essaye de faire entrer « tout ça » en l'espace d'un seul objet, de décliner dès ici toutes les scènes, idées, vitesses et plans possibles. Et de fait, si l'humeur n'y est pas, ce disque peut d'abord paraître un peu long – certains épisodes lasser. Certains traits, même – le chant parfois presque crooner (ou prêcheur), la multiplication des strates sur des structures simples, répétées – en rebuteront sans aucun doute certain.es, durablement, peut-être définitivement. D'autres y reviendront. Souhaitons leur la bienvenue.
Avançons avec eux, avec elles – sur ce territoire aux sols meubles qui étouffent et répercutent, absorbe et rend plus net le bruit des pas. Plus net et plus trompeur – parce qu'on ne marche jamais seul, par là, si foisonnantes ou si désertes, désolées, soient les contrées où l'on transite.
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