Inutile de laisser durer le suspense des plombes, Oi Boys ne sont pas un groupe de oï… Du moins pas dans la forme car le fond se discute. Le mal-être de la rue, les bosses à l’âme qu’on soigne à coup de vinasse ou de dope parce que la société n’offre guère de médicament pour ces plaies-là, les doutes quant au futur, les mauvais choix, oui mais exprimés sur fond de boîte à rythmes, de guitares glacées, d’accords tristes… Un peu comme une version cold wave de Camera Silens. Val a ce timbre écorché qu’on retrouve volontiers chez les groupes pour punks à chiens mais malgré sa gouaille, son énergie, il exprime en filigrane une drôle de tristesse (‘Mourir accompagné de rien’, ‘Sur la place’, ‘Tes mortes idoles’…) d’autant que les paroles sont soignées et pleines de sens. Le duo ne se casse pas trop la tête pour programmer, optant pour le binaire mais utilisé avec un doigté remarquable (choix des sons, micro-détails, punch) comme savait le faire Andrew Eldritch sur ‘Vision thing’; le reste ce sont des guitares incisives, froides, mélancoliques selon les besoin avec quelques claviers pour compléter, une basse précise. Comment danser en automates épileptiques et gauches avec des larmes ruisselant sous des masques blancs sans expression ? Voilà le secret des Messins avec leurs mélodies assassines, leurs arrangements rigoureux et variés, leur conviction écorchée contagieuse, l’art d’injecter de la glace dans le punk et de la crasse dans la cold wave. Album vraiment remarquable de maitrise à tous les niveaux, la b.o. pour un sosie de Ian Curtis dansant sur une place avec un litre de rouge à la main ou un Gilles Bertin en costume-cravate anthracite.