Manilla Road › Crystal Logic

Dans ce plat pays qui est le leur, le Kansas, il y a des silos à grain comme unique montagne et les châteaux ne sont que d’eau. Tout le monde n’a pas la chance d’avoir sous les yeux la Norvège ou, mieux encore, l’Auvergne, le puy des Goules et la forêt de la Comté, pour nourrir son imaginaire épique. Dans cet album dont vous êtes le héros, il faut écouter le seigneur Shelton qui, du fond de sa cloison nasale, vous emmène au-delà des « seas of negativity » dans un monde fantastique. Pas celui de Mary Poppins, plutôt celui de Michael Moorcock, dans une tambouille de références qui sent bon l’écriture à la lueur de la lampe torche pour ne pas réveiller les parents. Des héros très héroïques et des Dieux très divins. Satan est également assez satanique. Et puis, il y a des épées, plein d’épées, et du matos digne du meilleur RPG MS-DOS : « My crystal shield will never fail me, it can withstand the devil's rain ». Trop bien ! Comme les riffs. Un petit reliquat de NWOBHM, saupoudré de heavy metal ricain, avec une production maigrelette qui ne nuit pas au genre. Comme ils ne peuvent pas compter sur la puissance sonore ou l’agressivité du thrash naissant, tout repose sur le sens mélodique. À part le FM et hors-sujet « Feeling Free Again », chaque morceau a un passage réjouissant, un refrain qui file la banane. Aucun ennui, donc, et un souffle épique qui réunit les paroles, les riffs et le chant pour sceller l’ensemble, les amener tous et dans une pochette moche les lier. Pour aimer Manilla Road, il faut avoir gardé la part de soi qui a toujours seize ans, lâcher prise, tomber la cravate, dénouer ses cheveux et partir, barbe tressée au vent, Excalibur à la ceinture et princesse Xena en croupe sur le Taureau ailé, en aval de la rivière de cristal.