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Maria Violenza › Capélli Di Caténe

lp • 7 titres • 38:58 min

  • A
  • 1Miss Little Bear4:53
  • 2Scioglilingua6:27
  • 3Conta!4:21
  • B
  • 4Ararumba4:20
  • 5Not Even Her5:02
  • 6Siculo Sabbath6:39
  • 7Strumentale2:56

informations

Enregistré par Cosimo Damiano. Mixé par Tommaso Cancellieri et Fabio Ferri au studio A.R. Produit par Cosimo Damiaso et Maria Violenza

Artwork : Félicité Landrivon. Coproduction Kakakids/1000 Balles.

chronique

Maria Violenza commute une lumière dans la tête, en même temps qu'elle tape au ventre, saisit – corps et âmes non-distincts, non-distingués. Avec trois fois rien, comme on dit – sans avoir besoin, sans montrer la moindre volonté d'en faire des caisses. C'est à ça que la musique sert, on me dira – saisir. (Et sortir). C'est grave mais « c'est rien, allez / c'est comme ça et c'est tout ». C'est irrésolu parce qu'il n'y a pas de point final, à quoi que ce soit – pas avant que tout ait sombré. Ça déclenche des pensées nettes ou confuses, qui se continuent, se mêlent, se nouent ou se contrarient – tout autant que les sensations, la présence et le vide des sentiments que ça frôle ou que ça percute.

Détail technique du trois-fois-rien : boîte à rythmes ; guitare ; basse ; cymbale ; synthé... Et puis un chant solide, parfois dur, si on veut, même – chaleureux pourtant, souvent, détaché tout à la fois. Porté, enflammé mais toujours lucide – imprégné d'aucuns pleurs. En concert, elle boucle tout en direct (à la pédale de loop) – les accords, les riffs, elle ajuste les effets, puis chante. Elle les alterne – les boucles – pour faire des structures simples. Ça accroche – dans tous les sens du terme parce que parfois la sono fait ça, aussi. Sur disque, le processus est le même – les morceaux « partent » peut-être plus directement, la mise en place, mais rien ne fait « version témoin », d'un côté ou de l'autre, version où il manquerait une dimension. Non : c'est tout aussi brut et tout aussi travaillé – dans le détail et sans fioriture.

Cristina alias Maria, Sicilienne installée à Rome, chante en anglais, en italien, sur une musique qu'elle définit comme électro-arabe-postpunk. On est toujours l'Arabe – l'Étranger.ère, le, la Rapporté.e de quelqu'un. Et je peux entendre ce qu'il y a là-dedans de « ces musiques-là » je crois – raï, chaâbi (algérien, marocain, tunisien...) des quartiers exilés, mis à l'écart dans les grandes villes « d'accueil », mal vus par les autochtones sourcilleux de leurs traditions jugées « nobles », jugées plus grandes, plus profondes, savantes. La Goutte d'Or, Place du Pont, Belsunce... Quel nom, pour ces rues, à Rome donc ?

La musique de Maria Violenza n'a rien à voir avec cette morgue des « hautes cultures » (proclamées par qui), le complexe de supériorité des genres, des gens bien installés. Elle se tient fière mais du côté des choses où on n'est jamais sûr de rien – du lendemain, d'être en sécurité plus loin que l'instant T en compagnies éprouvées, amicales. Ailleurs – sur un split avec le mec en question – elle reprend Messin (rebaptisé Messine) de Noir Boy George et ça ne sonne pas faux, pas folklores croisés, échange erasmus de gens trop vieux pour ça. Ça ne rend pas hymne bête à la lose – ça sonne fin de non-recevoir, ce qu'a toujours été cette chanson (un tout-sauf-ça, qui a des raisons de l'avoir mauvaise). Ce n'est pas son seul lien avec la Grande Triple Alliance Internationale de l'Est, en passant, cette reprise – il y a des points, des tournées communes, des chemins pris dans un sens ou l'autre. (Pas pour rien si sur l'exemplaire ramené de son concert ici, il y a ce sticker, ajouté, à la croix douteusement lorraine).

Cette musique a un accent, oui – DES accents, plutôt. Elle dit « arabe », disait-on, elle dit post-punk encore – et tout est vrai. Comme il est vrai qu'on entend, d'ici, une Italie qu'on n'a guère l'habitude de fréquenter. Dans ces orgues de salon – pas funéraire mais pas trop bien rangé. Dans ces phrases mélodiques courtes, coupantes, d'un « orient » qu'aucun tour operator ne pourra jamais vous brader. Dans cet organe de tête aux inflexions parfois métalliques, qui descend à certains moments, effleure le rauque, le rude. Pas un rauque « séducteur » – comme le voudrait le cliché de la chanteuse italienne à la voix « cassée ». Non, le chant est comme le reste, là-dedans : abrupt et accueillant, allusif et direct (ce qu'elle raconte est tracé nettement mais rien n'est explicité, traduit pour qu'on s'y reconnaisse, qu'on s'y voit en miroir). Le reste est comme le chant : à prendre ou à laisser, ouvert (à l'interprétation, à ce qu'on passe le seuil) mais ferme dans ce qu'elle, ce que ça, ce à quoi sa musique se refuse comme dans ce qu'elle embrasse. Ça filtre – naturellement et pensé pour, je crois.

Si j'ôte les accents (décidément) du titre, le traducteur auto me dit : poils de chat. (En fait, cheveux de chat... bon). Ça se loge partout, ça, on en trouve des jours, des mois, des années après. Ce sont les traces d'une vie – qui cohabite et nous reste cachée quand elle veut, à ses heures. Et alors ? Alors rien, je n'en tire pas de conclusion. Je le répète : pour moi cette musique-là n'est pas du genre à ponctuer, à donner un fin mot de l'histoire. Le disque se termine sur un morceau instrumental – qui s'appelle « instrumental ». Je n'ai jamais dit qu'il n'y avait rien là-dedans – dans ces sept plages, dans ce qu'elle dit, fait, joue – de littéral, bien au contraire... Seulement qu'on n'y trouve rien qui se donnerait, se prendrait pour du gagné-d'avance, qui ferait « facilité », malgré cette forme simple, directe. C'est bien ça qui tape juste : ça dit juste ce qu'il faut sans jamais jouer le mystère – ni la Révélation.

note       Publiée le lundi 22 mai 2023

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Dioneo Envoyez un message privé àDioneo
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Oui, c'est à priori assez loin de ce que tu montres de tes goûts ailleurs ! Mais tant-mieux, les chroniques sont faites aussi pour ça... Content que tu t'y sois essayé et que ça te plaise !

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Tallis Envoyez un message privé àTallis

"Lo-fi" tout en étant très travaillé, j'aime même si ce n'est a priori pas trop ma came. La voix y est pour beaucoup, comme le souligne justement la chro.

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