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Mission of Burma › Vs.

lp • 12 titres • 38:58 min

  • A
  • 1Secrets3:20
  • 2Train3:28
  • 3Trem Two4:06
  • 4New Nails2:56
  • 5Dead Pool4:04
  • 6Learn How3:53
  • B
  • 7Mica3:34
  • 8Weatherbox3:25
  • 9The Ballad of Johnny Burma2:01
  • 10Einstein's Day4:32
  • 11Fun World3:39
  • 12That's How I Escaped My Certain Fate2:00

informations

Enregistré par John Kiehl au studio Normandy Sound. Mixé aux Soundtrack Studios.

Design : Holly Anderson et Mission of Burma.

line up

Clint Conley (basse, voix), Roger Miller (guitare, voix, piano, trompette, percussion), Peter Prescott (batterie, voix, percussions), Martin Swope (bandes)

chronique

Oui : cette pochette est belle, ces fleurs sont magnifiques – enchanteresses, diraient les vieux doux poètes. Et dessous, dans les sillons ? Tout de suite : ça pète ! Cois, les poètes (pouet) s'en vont la mèche basse. Comme toujours – comme sur les deux courts disques d'avant – Mission of Burma jouent le contraste, s'amusent à semer des indices et des fausses pistes. Jouent au « rien de particulier » pour infiltrer leur climat spécial, balancer massif et franc en même temps que coups-fourrés.

Et puis oui, tiens : cette musique est belle aussi. Et cette image, si on s'y penche, quand on s'attarde sur les détails, lui colle parfaitement. Parce que ces fleurs, au vrai, sont des liserons – n'importe quel jardinier vous le dira, c'est envahissant, le liseron, à mal surveiller comment ça pousse, ça bouffe en un rien de temps tout l'espace. C'est ambigu – parce que ça fait des plates-bandes merveilleuses mais en même temps ça s'évade, dépasse les bords, étouffe tout le reste, les espèces. Et là-dessous, vous avez remarqué ? Le grillage où ça s'accroche ? Le genre qui enserre les propriétés d'habitants pointilleux ou les camps militaires – « no trespassing » écrit en gros sur le panneau, en rouge, avec dans les deux cas risque de finir tiré à vue, si l'on s'abstient de prendre au sérieux l'avertissement.

Cette musique est belle parce que son tramage est tendu, tordu, vrillé solide. Et que ce qui s'y tisse d'organique a cet aspect, cette qualité de vie sauvage et fragile, couleurs nettes ou nuances, contrastes, textures veloutées ou d'oxydes déchiquetés, dentelés. Mission of Burma savent déployer des plages presque statiques, trompeusement, gravement apaisées, désormais (Trem Two, ce crépuscule en feu couvé). Le groupe, depuis toujours, sait découper ses mélodies, ses matières, et plus que jamais les assembler en scènes, paquets, machines, corps perçants, aiguisés, lourds. Les types, comme dit l'une des plages, ont, encore plus « appris comment », dans l'empirique, sur scène, en studio – labos et terrains cabossés. Avec tout ce qui leur passait à portée – post-punk pas encore froid (ou pas encore réchauffé, re-chauffé) piqué aux Anglais, hardcore à peine naissant (ils seront pour nombre de groupes ainsi étiquetés – pas des moindres et plutôt de ceux pour qui ça ne voudra pas dire « cavalcade bourrines sans rien d'autres » – une influence patente et avouée), pop désossée/remontée, riffs rock pareillement démantibulés/emboîtés... (Every Raw Material/At hand...). Martin Swope se mêle plus que jamais de désaxer les morceaux – trouant le son déjà retors des guitares, injectant dans les parties noise jouées en direct des bouts de riffs et d'impros-éclairs, de cabrements repris, étalés, étendus, condensés, autrement pliés, répartis. Ça donne parfois contre toute attente encore plus d'accroche aux chansons – ces sons qui piquent le haut du spectre, sur Weatherbox, et qui rendent la chose encore plus évidente là où le procédé devrait, en toute logique, la saboter. Ça les renverse, d'autres coups, dans un indéfinissable malaise, l'impression que quelque chose se brouille alors que tout est solide et net – Secrets, dès l'ouverture, avec sa batterie démontée, éparpillée, empilée par l'enregistrement que Swope rejoue « par-dessus » ou derrière les autres. (« Au milieu » serait sans-doute plus juste, tant ça déboule comme dans un jeu de quilles). C'est parfait de bout en bout, au vrai – ce déséquilibre entretenu comme la meilleure façon de se tenir droit, de se rouler sous les lignes pour échapper aux saisies, saisissements, de sauter les fossés en calculant que bien-sûr, la poussée permettra de franchir.

C'est parfait et puis ce sera fini, ensuite, pour un moment. L'année d'après le groupe se séparera – ses membres même pas fâchés, à priori, mais les oreilles de Roger Miller l'enjoignant d'arrêter les frais sous peine de se foutre en grève définitive. Un disque live – posthume – sortira trois ans plus tard, témoignage de l'autre facette de leur art de saper, et mieux que ça, dernier bout de fracas agencés, autre bouquet de chansons autrement articulées/désarticulées. (Sur-articulées ?). Après ce Vs., vingt ans s'écouleront avant que le groupe pense à se reformer (sans Martin Swope, remplacé par Bob Weston – de Shellac, entre autres – dans le rôle du perturbateur caché). Puis encore deux, avant qu'ils pensent à sortir un autre disque... Une autre histoire, ça – pas honteuse, dans leur cas... D'une même intelligence. Reste que cette marque-ci – Vs., versus, encontre, adverse – continue d'imprimer son relief, sa trace, bien au-delà des histoires de chronologies, de genres classés en bac, en catalogues de botanique, lignes généalogiques et recueils d'anecdotes.

note       Publiée le jeudi 11 mai 2023

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    Giboulou Envoyez un message privé àGiboulou

    Fugazi. C'est évident (une fois que c'est suggéré)! Les 2 voix, les accords ouverts, la tonalité des guitares (pas grasses du tout mais bien aiguisées/rouillées) , l'importante de la batterie (qui dicte quand ca trace, quand ca vrille). Et même le son et les structures en général (Raw material). Proto-emo-post hardcore ca veut rien dire. Mais c'est un peu ca. D'où, mathématiquement, : hardcore. Allez, 6 boules. Edit: il y a également un côté 100Flowers (même époque, autre côte, fleurs). Essayez d'enchaîner le dernier morceau de cet album avec le premier (without limbs).

    Message édité le 14-05-2023 à 08:45 par Giboulou

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    Dioneo Envoyez un message privé àDioneo
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    "Mur de guitares ouvertes" bien vu, on a souvent l'impression à l'oreille que c'est techniquement ça - au sens où ils jouent des accords à des endroits du manche où on attendrait des barrés mais sans barrer, ce qui crée des dissonances, une sensation de notes "random" qui viennent parasiter l'harmonie des accords en question tels qu'ils "devraient" être... (J'avais oublié de mettre Fugazi en reco, tiens, sinon, je l'ai ajoutée ce matin, ça m'a re-sauté aux oreilles ce coup encore... Bon, côté humour c'est moins ça chez McKaye/Piccioto & friends mais sur la forme musicale il y a des moments où je trouve ça frappant).

    Note donnée au disque :       
    Alfred le Pingouin Envoyez un message privé àAlfred le Pingouin

    Avec tous vos commentaires je finis par m'y mettre, c'est terrible. J'entends déjà ce que j'aime chez Hüsker Dü, le côté mur de guitares ouvertes mais rongées jusqu'au trognon, mais avec le groove,l'intensité et l'humour post-punk.

    Dioneo Envoyez un message privé àDioneo
    avatar

    Suis en train de le réécouter pour une énième fois ces semaines (en faisant la vaisselle, ce qui généralement un bon test pour les musiques "à rythme entraînant", même en version pas gentille comme ça) et... Bah on est pas loin du six-boules en vrai, je me dis. (Learn How, quand-même, comme ça tatane tout en te donnant envie de faire du pit une espèce de dancefloor...).

    Message édité le 13-05-2023 à 09:13 par dioneo

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    Dioneo Envoyez un message privé àDioneo
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    Oui, il est plus "abouti" - plus long, aussi (Signals, Calls, and Marches dure même pas 20 minutes) sans que ça s'éternise du tout pour rien. Et on est d'accord, c'est tout à fait ça pour moi aussi, ce disque : entre le rock expé-de-garage, le post-punk cru des années juste avant (voire encore en cours), le bref moment (alors présent) où le hardcore ne s'était pas encore fixé en scènes parfois super rigides/balisées et out un pan (même des pans) de "l'indie" à venir fin 80/début 90, pré-grunge. Pas pour rien donc qu'Hüsker Dü comme R.E.M. parmi tant d'autres en revendiquaient l'influence - y compris au sens "les groupes qui nous ont poussé à faire notre truc de notre côté".

    Message édité le 12-05-2023 à 12:58 par dioneo

    Note donnée au disque :