Avez-vous vu le chef-d’oeuvre qu’est ‘Il était une fois dans l’Ouest’ ? Si tel n’est pas le cas, voilà lacune à combler urgemment, ce film a bouleversé tellement de codes et conféré au western spaghetti (au western tout court en fait) une esthétique et une aura mystique qui en aura marqué plus d’un(e), à commencer par un certain groupe du nom de Fields of the Nephilim. Rien que cette scène de duel final où l’histoire d’une vie et d’une vengeance mûrement préparée défilent dans deux regards, un instant qui parait durer une éternité. Dans ‘Of knowledge and revelation’, Nero Kane joue la même scène face au Christ sauf que ses yeux à lui ne sont ni bleu acier ni bleu-vert, ils sont noirs. Il se tient droit comme hors du temps dans un paysage du Nouveau-Mexique à côté d’une clôture mal assemblée délimitant un cimetière aux croix bancales où personne ne vient plus porter de fleurs de toute manière, un endroit mangé par la poussière et le soleil où le silence n’est troublé que par quelques passages de brise chaude… Nulle tension, il est calme dans cette confrontation, il ne cherche pas revanche juste à opposer la vacuité même de l’existence d’un quelconque fils d’un quelconque dieu, quel que soit son nom… Flanqué de la même équipe que pour son précédent opus, il crée son disque comme une sorte de faux jumeau du prédécesseur. Ambiance mystique, limite religieuse, de par la présence permanente de la réverbération conférant à l’ensemble un espace quasi sans frontière. Pas de revolver ni d’harmonica, juste une guitare sur laquelle il pince des suites de notes limitées qui se diluent dans leur propre écho, quelques bruits qui paraissent se répercuter en nappes basses occupant le paysage alentour. Parfois, Nero Lucifer se dédouble, laisse son double féminin chanter d’une voix égrenant ses mots comme une prêtresse égrènerait les paroles de son rituel, avant de se laisser aller à les chanter comme on souffle sur un pissenlit pour voir les akènes s’envoler dans l’air. Les structures sont dépouillés, amples (on songe parfois carrément à Lycia), les timbres paraissent parfois reculer au second plan de la scène comme s’ils devenaient fantômes spectateurs, on joue beaucoup sur l’aspect de répétition et son effet hypnotique. Les morceaux sont longs mais on ne s’en aperçoit pas tant cette musique nous place dans une bulle hors du temps. Un face à face avec le Christ qui ressemble à un face à face avec le vide ou simplement avec soi-même et qui se conclut comme une messe païenne aux paroles incantatoires emplissant l’espace noyées dans un orgue diffus… Grandiose mais attention à ne pas abuser de la formule sur un prochain disque. Une vie, c’est long et complexe mais ça se résume parfois dans un regard… 5,5/6