Rencontre esthétique et émotionnelle, brute de new wave fauchée hexagonale, lors du concert donné par Monsieur Crane dans ce troquet Montpelliérain. La sensation de m'être retrouvé devant une version frigidaire de Partenaire Particulier, face à ces deux gars crispés sur leur à peu près rien, qui fait tout. Raidement minimalistes, avec ce chant amateur quasi parlé, comme sorti d'un sketche pas drôle devant un public mal à l'aise, mais qui commence à remuer sans comprendre. Ce chant droit comme un guichetier mais qui, bon gré mal grey, depuis son aura d'employé invisible, vous fait passer sa mauvaise vibration... sa Crispation. Et vous fait tourner son refrain a priori nul dans le micro-ondes mental. En fait : hantés. Je sais bien que tant de groupes courent les rues depuis les années 2010, avec des noms kikoolol, la déconne quand on a peu de moyens c'est souvent la voie de survie... Mais déjà, "Monsieur Crâne" (référencé sans chapeau le plus souvent, donc à prononcer à l'anglaise ?) ça vendait moins la blague, et plus le sinistre pur à la française, avec obsession possible à la clé. Niveau charisme c'est plus Monsieur Hire que Monsieur Manatane ; quand ça sort "même sur Google View, je ne te vois pas", il y a en tête un non-sourire, un grincement, devant ce ton passionnément administratif. Je retrouve cette ambiance amputée dans cet album, avec sa pochette post rock/ambient proprette (au moins les aisselles de Strasbourg même rasées dégagent une odeur). Apocalyspo la pose en effet de façon moins percutante, même si cette "Coup Bas" plombe déjà bien, d'entrée, avec ses "tout va très vite / je ne comprends pas" à la fois détachés et maniaques. S'alignent à sa suite ces modulations de synthétiseur basiques mais sournoises, faisant que souvent ça démarre de façon monotone, anodine, avant d'une façon presque imperceptible s'engluer dans un creux... du crâne. Le caractère obsédant de M.C. (...) semble à l'état d'éprouvette, mais il est pourtant bien là, dans ses fantômes avortons de tubes underground, épousant les contours du quotidien. Chansons répétitives à la saveur dégoûtée, mais déterminées à aller jusqu'au bout de leur ligne droite. Toujours crispé dans son couloir, Monsieur Crane est sur le fil du truc rasoir (pouvant aussi évoquer une version dé-militarisée de Dernière Volonté par moments)... Ce qui ne veut pas dire que dans ce climat de restriction, voire de suffocation, Monsieur Crane ne va pas discrètement varier les teintes de son cafard blafard : la tension plus indus/Suicide sur "J'attends", ou un violoncelle ajoutant une couche d'austérité sur ce tragique à froid... Même la plus poppy-bonbon "Condamné", d'apparence légère sur du DahOMD, exprime cette gravité permanente. Odeur fantasmes déglutis, faits divers désamorcés. Domestique... Banal, comme ces mots, subtilement menaçants. Banal comme ce mec qui regarde les gens, souvent. Ce mec dont les gens évitent la compagnie. Mais qui chante, dans ce coin de mur de son cerveau.