Dead Souls Rising › Black out

Toujours les sempiternelles questions, les chroniqueurs ne se renouvellent guère. Vaut-il mieux assister à la lente décadence d’un groupe qui sort un disque tous les quatre ans se confisant toujours davantage dans son propre jus et les reliefs faisandés de la gloire d’antan (choisissez vos propres exemples) ou se réjouir de pauses salutaires que s’accordent certains artistes ? C’est un secret de polichinelle, je suis souvent méfiant quand un groupe annonce sa reformation vingt ans après surtout quand il ne s’agit que de donner des concerts pour laisser la nostalgie remplir le tiroir-caisse. Bien sûr, l’histoire de la musique, c’est là son intérêt, est truffée de contre-exemples passionnants. Dead Souls Rising en est un. En à peine quatre ans, le duo reformé en est déjà à son troisième album, mon préféré, clairement. Pourquoi, je vous ai pourtant dit beaucoup de bien des deux précédents ? Et je ne change pas d’avis; simplement, celui-ci me paraît plus cohérent dans sa globalité. Moins d’expérimentations diverses, un axe de conduite plus restreint mais permettant un travail spécialement efficace sur les ambiances. Il est aussi plus sombre et l’indécrottable goth que je suis ne peut que s’en délecter. Le ton est donné dès l’excellent ‘Dark paranoïa’: production moderne mais feeling tribal, sabbatique, avec percussions glacées, roulantes, des sonorités inquiétantes et le chant d'Alastrelle plus sorcière que jamais. Cette option de percussions tribales se confirme sur la suite, de même que la prépondérance de la voix qui livre des prestations de très très haut vol entre incantations, guidage, poésie; le duo a trouvé la bonne formule en épurant la musique sans la dépouiller, permettant à la chanteuse de définir des mélodies prenantes tant dans leurs textures que l’émotion dégagée. Ce nouvel opus inclut des instants de grâce, qu’il s’agisse de pièces donnant envie de balancer ses vêtements et de danser nu(e)s sauvagement sous la lune pleine (‘Dark paranoïa’, ‘Renascence’, ‘The last jump’) mais également aussi dans des moments de repli, plus méditatifs et oniriques. Mon favori est sans doute ‘With your eyes’; les beats y sont certes très secs mais la prestation vocale est simplement incroyable, irrésistible, quel refrain, mes aïeux ! Avec les accords frais de guitare qui ponctuent comme des coulées de neige, on se croirait dans une farandole hivernale et faussement féérique avec soi-même. Que dire de ‘Reflection of the divine’ avec ses nappes émouvantes ? Incroyable comme le groupe peut rassurer alors qu’il opte pour des sonorités sèches, plutôt froides. On frise le chef-d’oeuvre. Mon seul bémol ? ‘Alter ego’, non que cette chanson soit mauvaise (au contraire) mais le parti pris d’effets plus grésillants confère un feeling légèrement indus inutile à mon sens tant la programmation rythmique est efficace, le chant ensorcelant au sens magie noir du terme. Leur impact est pourtant hélas diminué par cette production crissante. Rien de très gave et quant au reste, c’est un sans faute. ‘Black out’ le bien nommé sonne comme le chef-d’oeuvre du duo (à ce jour) et ne rougit nullement de la comparaison avec des grands noms de la musique sombre tels que Siouxsie and the Banshees. La passion, l’énergie, la noirceur que les artistes y injectent sont un véritable élixir de jouvence pour les goths de longue haleine qui voient leurs idoles vieillir et pas toujours de manière crédible. Un disque de cette trempe, audacieux, prouve que les années qui passent ne sont pas une excuse pour se diluer et devenir médiocre. 5,5/6