Earth › Even Hell Has Its Heroes

Earth, tout un programme, tout un enfer. Pourquoi ? Car lorsqu'on goute aux travaux de Dylan Carlson on se retrouve face à un choix : l'extase ou la répulsion totale ; vous comprendrez rapidement que j'ai pris le chemin à gauche, menant vers l'explosion du tympan et de la rétine, de la bave aux lèvres et aux poils des mollets qui se hérissent sous les vagues des drones de "Earth2", les intestins qui travaillent quand on est saisi par la déchéance de Thrones & Dominions, ou les larmes mystiques qui brouillent la vision quand on est tamponné par la beauté désincarnée de Hex ou "Bees..." ; une carrière pleines de failles, qui est cette année mise en images dans un documentaire qu'il me tarde de voir, ma dernière vision télévisée de Carlson étant celle d'un homme très fatigué dans ce documentaire complo-nul sur la mort de Kurt Cobain dont je tairai le nom... l'album chroniqué est donc la BO de ce film intitulé "Even Hell Has Its Heroes" (c'est vrai), et c'est une sorte de best-of de Earth, revisité, rejoué sans doute dans des conditions live, le peu de détails concernant l'enregistrement m'amenant à jouer des suppositions et hypothèses qui seront peut-être amendées plus tard... n'empêche, ce petit disque est la porte d'entrée idéale pour le néophyte, rendant accessible l'esprit de la musique de Carlson avant peut-être de se taper courageusement l'Everest de ses premiers albums par exemple... Magnifiquement produit, d'une sobriété exemplaire, cette BO saura aussi réchauffer les coeurs des vieux fanatiques comme moi, qui pètent un cable dès qu'ils entendent un début de larsen du Maître ; je recommande donc chaudement l'acquisition, sous quelque version que ce soit de cette petite pépite méga-stupéfiante et contemplative, triste, profondément triste et sombre, et même, je veux dire, allez, brulez un cierge en l'honneur de la Sainte Guitare, et du Son, car finalement c'est lui qui est mis en scène ici, malgré tous les efforts pour mettre un visage, celui du désormais bien vieilli et blanchi Dylan Carlson accompagné depuis plusieurs années par la percussioniste Adrienne Davies ; Dylan Carlson, témoin et acteur d'une fin de siècle tonitruante pour les musiques amplifiés, épouvantail incontournable pour toute personne voulant comprendre le boxon interplanétaire généré par la musique du nord-ouest des Etats-Unis, ce lieu qui pour toujours sera dans ma mémoire remplie de fantômes, de grands arbres sombres et de cadavres à moitié ensevelis de civilisations pré-britanniques, dont les mythes et l'appréhension du Grand Espace, du Vide et de la Vibration resteront sans doute longtemps collées aux basques mentales des artistes de ce coin, dont bien sûr notre cher Dylan Carlson, l'apparition qui fume des yeux là, il a de la vapeur violette qui sort de la bouche, dépêchez-vous ! Il est en train de s'évaporer.