Vous êtes ici › Les groupes / artistes › C › Clipping. › Midcity
Clipping. › Midcity
- 2013 • Autoproduction (pas de cote) • 1 Téléchargement Web
téléchargment • 14 titres • 51:20 min
- 1Intro2:17
- 2Loud3:48
- 3bout.that3:55
- 4get.it3:00
- 5Five2:45
- 6Bullshit3:49
- 7Overpass (Skit)1:05
- 8guns.upp1:05
- 9Mobb2It4:42
- 10Killer3:22
- 11Collect (Skit)0:58
- 12Story3:16
- 13Real3:11
- 14Outro10:46
extraits audio
extraits vidéo
informations
line up
Daveed Diggs, William Hutson, Jonathan Snipes
Musiciens additionnels : Ezra Buchla (sur Real), Baseck (sur Bout. That), Kill Rogers (sur Get. It, Mobb2It et Killer), TiVo (sur Get. It), Jalene Goodwin (sur Bullshit)
chronique
Clipping n'est pas Dälek. Clipping n'est pas Deathgrip. Les points communs sont là : un MC ; de la noise derrière, des beat d'après l'indus, du magma de paquets de fréquences. Et c'est tout ? Pour moi : oui. Pour moi Clipping sont ailleurs. Clipping sont hip-hop – purement, impurement, avec tout ce que le terme charrie d'appétits cannibales et de régurgitations recombinées, réarrangées, trafiquées mais faites nouvelle cohérence – la voix et le son, le rythme et les textures comme créature entière et pleine de trous, de vides, de cassures.
Qu'on m'entende bien : Clipping manie l'ironie, aussi. Peut-être, même : Clipping a quelque chose de « méta ». Clipping a quelque chose de méchamment déstabilisant dans sa manière de tout manier comme si c'était naturel alors que tout est mutant, déformé, corps-zombis injectés d'une autre forme de conscience – autre qu'avant la diffraction, l'heure prononcée du décès de toutes formes. Seulement : Clipping ne sonne pas comme un exercice « sur le thème de » – du hip-hop encore, de la noise, des amusements arty-bardés qui n'ont rien à raconter, seulement de bêtes armaggeddons modèle biblique à annoncer. Clipping – musique et voix, histoires et considérations balancées – est ironique parce que les trois mecs qui fabriquent et peuplent les sons, les boucles, sont méfiants, lucides sur ce qu'est devenu « le vrai ». Daveed Diggs – le MC – peut mitrailler technique, se fondre ailleurs dans un flow rampant, façon sud sale, tailler des tranches de tug-life à mots sales, le mec, en fait, maîtrise tout ça à merveille, navigue, change d'optique selon ce qui doit jaillir, attraper, rendre. Les autres, autour, peuvent bien sampler des vocalises bizarres – borborygmes à la Phil Minton – plutôt que des mélopées soul/r'n'b. Le refrain de Bullshit peut bien dégouliner d'autotune version nausée, réglé à la feignasse... Rien ne sonne générique et rien ne sonne « pour faire comme », pour faire semblant, simili. Artificiel, par contre, oui – chimique, électronique, glitché. (Mais jamais clippé, autre ironie tiens, première, dès le nom – puisqu'aussi râpeux puissent se faire les tronçons collés/débités/libéré/interrompus nets de bruits blancs, ici, le niveau de dB qui flanquerait à la machine un vilain hoquet craquant n'est jamais atteint... Question de marge qu'on se donne entre les étages du montage, du patch, question de niveau nominal, de calibrage préalable).
De samples – au sens le plus commun, d'extrait passé dans un sampleur, loopé, manipulé pour faire les instrus – il n'est d'ailleurs guère question dans cette musique. Parce que c'est toute cette musique qui est un sample, qui sample tout ce qu'elle touche, aspire, émet, à tous niveaux. Histoire, décidément, d'émaner une réalité – méta, oui, encore, une image, une imagerie hyper-réelle (pas réaliste), une narration cassée par un humour qui ne dissout pas le sérieux mais en fait saillir l'absurde. Street Cred par l'Ordure, le parler sale et vrai ? – Clipping répond par un skit où en quelques secondes TOUS LES MOTS deviennent des BIPS de censure – pour finir sur un dernier BIP prolongé, continu comme le fameux signal vital des électro-cardiogrammes dans les films, les séries, quand on perd le patient, le suspect, le témoin, le sujet. Acrobatie, virtuosité du freestyle ? – le disque commence par une jonglerie de saccades (après l'incipit qui fait simple : It's Clipping, Bitch) mais le son derrière n'a rien d'une boucle funky façon battle de sounds-system, c'est d'emblée un ces murs de harshnoise informe... Mais les pauses – dans le flow et dans le brassage de graviers – coïncident comme miraculeusement. La musique de Clipping – la musique hip-hop et noise de Clipping – ne sample pas du hip-hop, du funk-terreau-du-hip-hop. Elle sample directement LE hip-hop, LA noise. Elle s'empare de leurs espaces, de leur puissance d'hallucination. Au point qu'on croit entendre partout des références – de la distance mise entre l'évidence et nous. Des références « internes » – figures de style ou bouts de phrases piquées aux supposés « classiques » – et des bouts, lambeaux, prélèvements de tout et n'importe quoi d'autre, vampirisés, escamotés à des mondes exogènes. Au point qu'à la fin, sur cette outro de dix minutes qui ne répète que deux mots, soustraits au morceau précédents, j'ai eu dès le début, la première écoute, l'impression d'écouter... Steve Reich. Encore une fois : pas DU Steve Reich, pas une appropriation, une exploration de ses techniques de composition. Non, quelque chose de plus littéral, de plus direct, de plus précis. Pour être exact : j'ai eu tout de suite, je garde le soupçon que le morceau reprend à la variation de paramètre près, autant qu'il est possible, cette vieille pièce de Reich – des débuts encore très expérimentaux aux sens le plus bricolage du terme, via une technologie encore fruste (et analogique, tout enregistré et joué sur bandes). En clair : j'ai l'impression d'entendre It's Gonna Rain – exactement. Mais avec une autre matière vocale, sémantique, jetée dans la Machine (encore elle). En lieu et place du clochard qui radote (enfin, que la bande et le montage, les phasages/déphasages font radote) « Il va pleuvoir », c'est Diggs qui se coince dans ce vortex tautologique, ces deux mots obsessifs, tyrannique : FAIS DE LA MAILLE. « Fais de l'argent », même, plutôt, ramènes-en, gagnes-en – pragmatique, sans même l'argot. Get Money.
GET MONEY GET MONEY GETMONEY GETMONEY GETMONEYGETMONEYGETMONEY...
Get rich or die trying disait un autre. Sans broncher. Sans la noise. Ici, c'est attifé autrement. Pas glam. Pas la même Comédie. Plastic/plastique aussi – mais en plus silice, brasure d'étain, pas moelleux, les circuits montrés aussi moches et magnifiquement complexes en leurs labyrinthes que possible... On nous serine depuis McLuhan que le Message est le Média. OK. Mais là c'est comme les clopes, version trafic de meth concentré (pour le moment ?) sur deux-trois blocs, version film là-dessus boulonné avec les moyens du bord. C'est écrit dessus : GET MONEY GET MONEY GETMONEY GETMONEYGETMONEY-TU-VAS-CREVER ! Pas de « ou » (or die trying). Pas de peut-être, pas d'option. Certitude. C'était Clipping (… Bitch). Et la démo est terminée.
note Publiée le lundi 20 mars 2023
dernières écoutes
- No background
› Connectez-vous pour signaler que vous écoutez "Midcity" en ce moment.
notes
Note moyenne 2 votes
Connectez-vous ajouter une note sur "Midcity".
commentaires
Connectez-vous pour ajouter un commentaire sur "Midcity".
- Dioneo › Envoyez un message privé àDioneo
Je pense que d'avoir découvert le groupe en concert (avant ça les potes qui m'y avaient "traîné" m'avaient juste fait ouïr vite fait un ou deux sons) change ma perception de ça, vu que c'était bien noise, du genre direct avalé dans le son... Après je me dis que sur ce disque en particulier il faut peut-être un peu de temps pour saisir la "matière musicale" oui, c'est possible, d'emblée ça peut peut-être sonner un peu "rap plaqué sur le son". Après je trouve que ça change dès le suivant, où ils commencent à diversifier les approches, les prod (d'un disque à l'autre et dans les disques même...). Faut que je continue mes chros de leur disco tiens, d'ailleurs - le grindcore m'a interrompu mais je ne perds pas ça de vue !
Message édité le 23-05-2023 à 11:13 par dioneo
- Note donnée au disque :
- No background › Envoyez un message privé àNo background
Je trouve que le disque est surtout porté par le MC, qui est vraiment excellent. Côté musique, j'ai encore un peu de mal à y voir plus qu'une trame de fond, je ne sens pas la symbiose avec la voix. Et je suis d'accord avec Dio et Damo sur le fait que ça reste avant tout du hip hop, malgré les incursions dans d'autres domaines.
- Dioneo › Envoyez un message privé àDioneo
Comme dit dans la chro, je penche plus pour un It's Gonna Rain de Steve Reich (ou autre pièce de cette période, les débuts avec travail sur bandes quoi) qui ferait bugger le "message" de 50Cent et consort mais oui, l'idée est la même... Et la suite de la disco confirme que ce n'est sûrement pas accidentel (cf William Mix de John Cage en guise d'outro sur le suivant ou la pièce de... Yoko Ono qui conclut le dernier en date).
- Note donnée au disque :
- Coltranophile › Envoyez un message privé àColtranophile
Rap crash-test, Indus-trap par moments, difforme sans boursouflure, posé mais énervé, le regard froid et mauvais. L'enchainement "Story/Real" est colossal. Je ne sais pas trop quoi penser de l'Outro. Un "Terry Riley in C" d'un autre monde?
- Note donnée au disque :
- Damodafoca › Envoyez un message privé àDamodafoca
Oui, c'est très vrai également !