Sympa, la salle d’attente du dentiste avec l’Ipod pour unique compagnon… Qu’écouter ? Je n’ai pas peur, inutile de me foutre la rage au ventre ou de de me trouver une méditation tantrique que je n’ai de toute manière pas dans mes playlists. Tiens, lettre K, Khem, ce collectif italien que je n’ai pas écouté depuis des lustres. Heureusement, se faire arracher une dent de sagesse ne prend que 15 minutes parce que j’étais vachement impatient de m’écouter l’album en entier tout en mâchouillant mon coton ensanglanté. Ce quatrième opus incarne selon moi la quintessence du groupe qui se pose en rien de moins qu’une version transalpine de Psychic TV (Oh ? Le chanteur est justement un dévot de Genesis, quelle coïncidence). Depuis les débuts plus ambient/indus, Khem ont opéré une approche plus moderne à l’aide des machines vers une fusion trance/indus qui arrive ici à son apogée. Rien que les onze minutes qu’on ne voit pas défiler de ’Chaos’ vaudraient l’achat… Transe psychédélique aux lointains relents orientaux, pas trop rapide, juste de quoi onduler, se laisser gagner par le rythme, le sentir s’emparer du corps en suivant la voix/guide de Cosimo 'Zos' Mungheri . Moins barrée que celle de Genesis P-Orridge, elle n'en est pas moins très envoûtante, sensuelle, dans sa manière de détacher les mots et puis je suis fan de la langue italienne, donc tout me satisfait ici. C’est hallucinant d’ailleurs comme le morceau suivant plus orienté electro dub sèche m’évoque un Angelo Branduardi sous drogue qui s’agiterait comme un rasta sous speed. Les Italiens savent décidément comment te créer des loops hypnotiques, installer un sentiment onirique, qu’ils font tressaillir à coups de lampées de saxo dans l’arrière-plan, quelques frissons électroniques. Idem pour ‘Gagarin’ qui malgré un départ plus rêche sous forme de collages soviétiques installe vite un rythme, plus rapide cette fois, ultra dépouillé évoquant les grandes heures de Psychic TV époque trance tribale tandis que Zos assène infatigablement ses mots, jouant sur l’effet hypnotique des répétitions tandis que son collègue travaille ses variations synthétiques. Dire que j’adore ‘Funerali dal vivo’ est un doux euphémisme, c’est comme si Fabrizio de Andre chantait sur un titre de Limbo ! Grandiose ! Toujours cette technique d’installer le beat puis de broder l’aura autour, cette fois à coup d’orgue céleste. Retour à l’ambient torve avec ‘Terrorismo poetico’ aux paroles particulièrement touchantes… Descente de nuit à pied le long des boulevards mal éclairés vers la mer: ‘les mots appartiennent à qui les utilise’, les poètes se doivent d'incarner les messies de notre époque. Le temps de se rendre sur la plage pour contempler les lumières le long de la baie, fumer un bon gros spliff, laisser cette atmosphère nocturne un peu chancelante nous griser, nous enivrer, comme si l’on se trouvait à l’autre bout du monde à côté de chez soi. Merveilleux collage de sonorités cristallines sur rythmique ralentie, juste de quoi sentir la terre chanceler un peu face à la lune. Le cosmos au creux de la main, la raison au fond du coeur.