Tony Wakeford / Steven Stapleton › Revenge of the selfish shellfish

Certes, on est plutôt habitué à des collaborations de Steven Stapleton avec l’allumé David Tibet mais pour autant, il ne faudrait pas négliger l’humour spécial du moins expansif Tony Wakeford. Ce dernier n’est pas fermé à l’idée d’expérimenter comme il l’a prouvé en solo ou même sur certains morceaux de Sol Invictus (‘Our lady of the missing presumed dead’, par exemple), cet effort commun n’est donc pas si étonnant en fin de compte. Cet étrange album au nom étrange suit-il une logique ? Difficile de l’affirmer ou de l’infirmer. Comme si l’étrange marionnettiste Stapleton avait ouvert un coffre au fond du grenier, avait monté des scènes miniatures en collant des bouts de vieilles photos, des morceaux de fer, de bois, avait ensuite convié son ami Tony en lui disant d’apporter sa guitare sèche. Drones, bruissements, quelques notes de piano, frottements indéfinissables, comme si d’étrange lutins mollusques s’inventaient leur propre théâtre de la cruauté. L’atmosphère est sombre, inquiétante, limite morbide parfois (‘Aphimixis’), funèbre même (‘Revenge of the selfish shelfish’, ponctué de percussions processionnelles) bien qu’on sent bien que ces cruelles créatures soient dotés d’un humour bien à elles. Le ton enfle jusqu’à ‘Lucifer before Sunrise’, chanson beaucoup plus proche de l’univers de Sol Invictus dans ses arrangements de guitare minimaux, avec le chant de Tony Wakeford en prime. Le ton parait s’alléger quelque peu, ‘Flower dream song’ résonne comme de la belle pop dark folk psychédélique (sur laquelle on s’attendrait presque à entendre la récitation de David Tibet). Répit de courte durée, ce ciel de grenier se voile d’un coup. Accords de guitare monocordes, percussions inquiétantes à base de tuyau frottés, de bruitages, avec voix de fillettes et le celle de Tony planquée en arrière-plan; étrange collage évoquant ‘Erasurehead’ tourné au bord de la mer dans un cottage bouffé par le sel marin. Malsain ou envoûtant ? C’est comme Alice in Wonderland, pas facile de trancher et les dix minutes du bien nommé ‘Frigntened City’ ne dilueront en rien le malaise avec leurs nappes inquiétantes, leurs sonorités bizarres grouillant comme sous une plaquette sous la lentille d’un microscope. Microcosme musical en tout cas, c’est certain, fortement évocateur comme si on diffusait la B.O. d’un court métrage d’épouvante expérimental sur un vieux transistor des années 20… Lautréamont aurait apprécié.