Manilla Road › The Courts of Chaos

Parmi les tâcherons du metal, au sens le plus noble du terme, voici Manilla Road. Plus de quarante ans au service de la cause, presque sans interruption, et un parcours qui s’achève avec la mort de Mark Shelton en tournée. Un groupe archétype du metal : laborieux, épique, obstiné, sincère, line-up à quinze lignes, inspirations Lovecraft/Poe et pochettes moches. Avec Courts of Chaos, nous voilà projetés au Mont Gelmir (réf de jeunes) ou au repère de Thulsa Doom (réf de vieux). 1990, Manilla Road essaye de muscler le son depuis quelques albums mais ils n’ont pas trop d’argent. Par contre, ils ont trouvé une batterie électronique dégueulasse et ça, c’est le futur. Antérieur. Pas grave, il y a aussi des synthés. Ce n’est pas nouveau chez Manilla Road mais ils sont au service d’une ambiance bien sinistre (enfin, dans le genre), y compris sur la reprise très fidèle d'un groupe texan au nom...texan: Bloodrock. Pas exactement le même terroir que Wichita, Kansas, mais les mêmes images mentales d'un bled en noir et blanc façon The Last Picture Show. Sauf que quand Manilla Road fait du sombre, c’est en nuance d’ocre, avec des squelettes en stop-motion et un méchant à postiche qui surjoue. C’est un peu cela Manilla Road, un groupe qui fait de la ringardise un art, conscient de sa force et de ses limites. Ils suscitent donc une empathie extraordinaire à défaut de trouver les riffs qui font mouche, surtout quand les morceaux sont un peu longs. Mais comment résister à Dig Me No Grave, profession de foi naïve et metal à s’en faire pousser les cartouchières autour de la taille : « Metal is dead so I've heard, but not while I'm still above ground ». Fuck yeah, Mark ! Et encore: « I may not be at the top, but still it's good to be alive ». Allez, viens Mark, viens, viens, foutons le camp de ce trottoir. Manilla Road, les Saint Vitus du heavy metal ? Je ne voudrais pas vexer les doomeux mais je trouve ça un peu dommage qu’il y ait moins de tatouages des premiers que des seconds. Peut-être une histoire de logo. Mais penses-tu, ils n’avaient pas le temps de gérer le marketing, il fallait bien réparer le van pour la prochaine tournée.